Nenna (Chikhi Djouher, Batna 1962)

Posté par imsat le 5 septembre 2009

Nenna, ma grand-mère paternelle, était toujours contente de me recevoir.

Quand j’allais la voir, c’était souvent pour lui apporter quelque mets et de la galette (rekhssis) préparés par Mà. Elle me parlait en kabyle mais je ne faisais pas l’effort de comprendre ce qu’elle me disait; parfois, je présumais à partir de certains recoupements que ses propos concernaient directement ou indirectement Mà sans cependant en appréhender toute la teneur.

Je me contentais d’approuver ses paroles en répondant à chaque fois : « heh » . Je prenais d’ailleurs délibérément l’accent kabyle en prononçant le mot. Cela m’amusait un peu de voir que Nenna croyait, en apparence en tout cas, que j’assimilais ce qu’elle disait; elle ne cherchait jamais à en avoir la confirmation; elle poursuivait au demeurant son monologue comme si de rien n’était.

Pour moi non plus la question ne se posait pas; je rendais visite à Nenna, je lui remettais ce dont Mà me chargeait en m’imprégnant de l’atmosphère générale dans laquelle je la trouvais; elle me parlait, je la regardais parler, je la regardais du reste plus que je ne l’écoutais, je faisais attention aux traits de son visage, à ses rides, à ses joues creuses; elle me paraissait détendue en dépit de sa relative solitude après le décès de Jeddi en avril 1961; c’était cela l’essentiel.

Lorsque Mà me demandait de lui rendre compte de mes conversations avec Nanna, je répondais systématiquement : « elle m’a dit plein de choses mais je n’ai pas tout compris… ».

Avec Nenna, c’était presque toujours ainsi. Elle me parlait de choses ordinaires. Il ne me paraissait pas important d’en saisir le contenu; elle semblait sereine en me parlant tandis que mon regard se posait parfois sur le vieux figuier dont les feuilles recouvraient partiellement la toiture de la buanderie.

Une seule fois ma visite à Nenna se démarqua de toutes les autres.

Ce fut le jour où, alors que je prenais congé d’elle, Nenna me mit délicatement dans la main un billet tout neuf de 5 francs en me recommandant de n’en parler à personne.

J’interprétais cette mise en garde formulée avec quelque insistance mais sur le ton de la gentillesse comme la traduction d’une espèce de privilège dont j’étais le seul à bénéficier parmi les enfants de la famille.

Pendant longtemps, ce « secret » que j’avoue avoir partagé spontanément  avec Mà, me permit de me sentir avantagé par rapport aux autres.

Je ne m’étais jamais interrogé sur la réalité du caractère exclusif du geste de Nenna ni sur les raisons qui la conduisirent ce jour-là à me donner 5 francs en me priant  de faire en sorte que cela reste entre nous.

Je n’ai toujours pas demandé à Ferid, Mourad et Yazid s’ils profitèrent de la même libéralité de la part de Nenna…

Lamine Bey Chikhi

Une Réponse à “Nenna (Chikhi Djouher, Batna 1962)”

  1. Mady Chikhi dit :

    bonsoir Lamine! Tout d’abord je te remercie de m’avoir répondu le 11 janvier,cela m’a fait très plaisir et suis heureuse d’avoir retrouvé 1 autre cousin!! Je te souhaite également une bonne année 2010 et encore beaucoup d’écriture!Merci d’évoquer mon père,cela me touche beaucoup.Il est parti hélas trop tôt.Pour moi c’était un trés bon père de famille et j’aime beaucoup en parler avec Michel et mes 2 garçons.On en a aussi beaucoup parlé avec Anis.Je vois que tu évoques notre grand’mère,c’est super!Alors dis-moi,Férid et les autres ne connaissent tjs pas ton secret!?,en tout cas moi je viens de le découvrir!!en attendant de te lire bientôt,permets-moi de te faire de grosses bises ainsi qu’à ta maman.Tu as les amitiés de Michel et de mes garçons. à bientôt Mady

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