La fille aux yeux océaniques
Posté par imsat le 4 novembre 2009
Il séchait souvent les cours, leur préférant la grasse matinée.
Il ne me demandait pas si j’avais pris les notes du cours qu’il avait raté, ce que je faisais du reste toujours, il tenait plutôt à savoir si la fille aux yeux océaniques (ainsi qu’il l’avait surnommée) était venue, comment elle était habillée et à côté de qui elle était assise.
Elle me rappelait les batnéennes des années 1960. Elle ressemblait à ces jeunes filles dont le charme romantique évoquait quelque nostalgie perdue, certaines absences liées à la transition post indépendance.
Ersatz de continuïté…
Pour lui, elle était un peu ce que Nush fut pour Eluard ou Elsa pour Aragon; il faisait d’ailleurs fréquemment ce parallèle, le ponctuant de quelques vers des deux poètes qu’il déclamait avec entrain.
Notre plaisir était de parler d’elle, simplement: cela passait par toutes sortes de qualificatifs sur son physique, par des interrogations, des étonnements sur la profondeur de ses yeux.
Nous étions attentifs aux jupes et aux chemisiers souvent clairs qu’elle portait et qui accentuaient sa blondeur; nous accordions aussi de l’intérêt à sa façon de réagir à notre manière de l’observer; nous aimions les faux-semblants agréables de son attitude car sous-tendus par la même timidité que celle que nous ressentions lorsque, de temps à autre, elle consentait à répondre à nos regards.
Nous épiloguions tantôt sur la limpidité de sa voix, quand, avec certaines de ses camarades, elle riait aux éclats juste avant d’entrer dans l’amphi, tantôt sur sa peau presque diaphane ou sur la délicatesse de sa façon de marcher.
Rien de ce qu’elle faisait ne nous laissait indifférents.
Lamine Bey Chikhi
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