Dans la lueur de ses yeux
Posté par imsat le 9 janvier 2010
Fin Août 1960, retour de Quérigut où Ferid et moi venions de passer tout un mois dans un centre de colonie de vacances.
J’étais heureux de revoir les miens. J’étais aussi dans mon élément parce qu’il restait encore deux semaines entières avant la rentrée scolaire.
Mon père avait chargé mon cousin Mouloud, venu de Bougie passer quelques jours à Batna, de nous accompagner à la maison. Mouloud me dit que j’avais pris de l’embonpoint; sa remarque me sembla exagérée; je crois qu’il voulait simplement dire quelque chose pour nous souhaiter la bienvenue; je déduisis quand même de son observation que mon séjour dans les Pyrénées orientales avait été globalement bénéfique.
Quant à mon père, il me paraissait surtout rassuré de nous voir rentrés à bon port; il nous embrassa puis il réintégra son bureau. Un camion de la Sian (Société industrielle de l’Afrique du Nord) était stationné devant l’agence commerciale; H’ssen déchargeait des futs d’huile dans le couloir du dépôt.
Il devait être 14h30 et il faisait très chaud. Il y avait comme une odeur d’essence dans l’air. Sous l’effet de la canicule, l’asphalte s’était ramolli à certains endroits de la rue Saint Germain.
Mon père, disais-je, était souriant et surtout rasséréné. Il contrôlait parfaitement ses émotions. Je le constatai précisément à ma descente de l’autocar de la Stab (Société des transports automobiles batnéens); son accueil était circonspect, sobre. Cela ne m’étonna guère.
Finalement, chez lui, beaucoup de choses passaient par le regard, une économie de mots, un choix des mots essentiels, des non-dits, le primat de l’action, l’élimination du superflu…
Cet après-midi là, il s’était contenté de demander à Mouloud de nous conduire à la maison. Son bonheur de nous voir rentrés de vacances en bonne santé était tout entier contenu dans cette lueur particulière qu’il avait dans les yeux et que je perçus quelques secondes durant. Je compris à nouveau que c’était sa façon à lui d’exprimer ce qu’il éprouvait pour nous.
A peine remis de la fatigue du voyage et à la demande de MA, j’allai rendre visite à Nanna. J’étais ravi de le faire mais je l’étais aussi parce que je portais les vêtements neufs que j’avais achetés à Quérigut.
Lamine Bey Chikhi
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