Un automne finissant (1962-1963)

Posté par imsat le 14 janvier 2010

Ma première école coranique (du moins ce qui en tenait lieu) se trouvait au premier étage de la boulangerie du quartier Beauséjour, en face de la maison de dada Smain. Je la fréquentai assidûment, certes, mais cela ne dura pas longtemps. Trois mois, guère plus. Nous n’étions pas nombreux à assister aux leçons (eddourouss). Notre maître, un cousin du boulanger, prenait sa tâche très au sérieux; il n’avait rien à voir avec mon décrochage prématuré de l’école. Il y avait un problème d’ambiance, d’environnement. Il manquait en tout cas quelque chose, peut-être des couleurs, à cet endroit impersonnel et aux murs tristes et vides. Le sol de la chambre qui nous servait de salle de cours et sur lequel nous nous asseyions en tailleur était glacial. Le ciel que j’observais par moments d’une fenêtre sans persiennes était constamment gris. Cette fenêtre, c’était la seule perspective, le seul angle de vue qui me donnait l’impression de rompre un peu avec l’automaticité et la redondance particulières du cycle lecture-récitation de sourates. Une odeur de pain frais nous parvenait parfois du rez-de-chaussée, mais cela ne suffisait pas à atténuer l’inconfort de notre position. J’associe souvent les images liées à cette période précise à celles d’un automne finissant et morose. Ma perception est donc  d’abord visuelle mais la sensation physique correspondante vient aussitôt en accentuer d’une certaine manière le côté mélancolique.

Ma seconde « école » coranique (hébergée dans le garage Madani) était située à 50 mètres de la maison. Nous étions près d’une quinzaine d’élèves à suivre l’enseignement de Si El Ouanès. Parfois, nous faisions les pitres, enfin quelques uns d’entre nous, ce qui incitait le maître à nous infliger la falaqa (coups de bâton sur la plante des pieds).

En définitive, ce qui devait être mon apprentissage du Coran ne dura pas plus d’une année.

Quant à mon expérience de la médersa, elle fut expéditive. Le jour de la rentrée, le professeur décida de procéder à l’évaluation de notre niveau en langue arabe. Il me fit passer au tableau; j’étais le premier à subir le test. « Pourquoi moi ? » me demandai-je, extrêmement contrarié par ce coup du sort.  Le maître me dicta une phrase que je fus incapable d’écrire correctement;  il m’invita à regagner ma place, sans commentaire;  je me sentis diminué, mal dans ma peau. Je ne remis plus jamais les pieds à la médersa. Quels arguments avais-je présentés à mes proches pour les convaincre de l’impossibilité pour moi de poursuivre les cours ? Je ne m’en souviens plus. C’était juste après l’indépendance.

Je renouai avec la lecture du Coran, en juin 1982, au lendemain de la victoire de notre équipe nationale de football contre l’Allemagne en coupe du monde.

Lamine Bey Chikhi

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