Chikhi Abdallah (Constantine 1962)
Posté par imsat le 2 février 2010
Dada Abdallah nous attendait à l’entrée du garage de la Stab dont il était le cogérant. Il faisait chaud. La chaleur était encore plus intense place de la Brèche où nous nous sommes retrouvés coincés dans un embouteillage qui allait durer près d’une demi-heure. « C’est normal, nous dit dada Abdallah, c’est toujours ainsi à la mi-journée, j’y suis habitué, et puis Constantine c’est une grande ville, ça n’a rien à voir avec Batna ».
Il portait des lunettes de soleil. Il était élégant et distingué. Je l’avais déjà vu deux ou trois fois à Batna. Il avait des traits physiques de type européen. Je crois d’ailleurs que je n’étais pas le seul dans la famille à le penser. J’avais même quelquefois entendu dire autour de moi qu’il était le plus stylé de mes oncles.
Assis à l’arrière de sa 203 bleu-pétrole, je le regardais manoeuvrer comme il pouvait pour sortir rapidement de « l’enfer » de la Brèche. A ce moment-là, ce qui me paraissait caractériser fondamentalement Constantine, c’était une certaine promiscuité. Il est probable que la chaleur ambiante ait contribué à forger ou plutôt à figer ma perception de la ville des ponts, de sorte que, lorsqu’il m’arrive d’y songer, aujourd’hui encore, eh bien, c’est toujours en référence au temps qu’il faisait alors que nous étions bloqués devant le garage Citroën. Je n’allais en tout cas plus jamais appréhender cette ville que sous le prisme de l’enserrement, de l’étroitesse de sa partie centrale.
Je consentis tout de même à mettre entre parenthèses mon impression originelle dès notre arrivée à Bellevue.
Bellevue, enfin ! Le calme retrouvé ! oubliés, provisoirement, le tintamarre, le goulet d’étranglement du centre-ville, la canicule…
Je parvins ainsi à dissocier du cadre spatial de la cité d’autres images, d’autres sensations : ambiance détendue dans l’appartement, rafraîchissements, déjeuner, échange de propos aimables et de sourires avec Mady, Nanou et Lydia. Atmosphère tout aussi légère le reste de la journée.
Tata Raymonde me paraissait avoir bien des affinités avec Beida qui venait d’obtenir son baccalauréat; elle la considérait comme une grande personne, montrant à son égard une réelle réceptivité.
Je me rappelle aussi avoir dormi dans la salle de séjour. On avait laissé la lampe du couloir allumée; on l’avait fait pour moi, pour me permettre de tomber paisiblement dans les bras de Morphée.
Retour à Batna le lendemain en fin d’après-midi après un crochet par l’hôpital pour une visite médicale. Dans le car de la Stab, je songeais notamment au stade Turpin sur lequel on avait une vue imprenable depuis le balcon de l’appartement de mon oncle.
Hier 5 novembre 1998, après une journée de travail ordinaire, j’ai pensé à dada Abdallah. La veille, une chaîne de télé française avait diffusé un reportage sur un artisan qui continuait de fabriquer de la limonade à l’ancienne, réussissant même à la commercialiser aux Etats-Unis. La bouteille avait un bouchon en porcelaine. Je connaissais cette boisson succulente, j’en avais déjà bu; la première fois, c’était justement à Constantine en 1962. Elle fait donc pleinement partie de mes réminiscences gustatives.
Lamine Bey Chikhi
Super ce souvenir, j’ai également connu cette atmosphère de Constantine: serrée et chaleureuse.
Merci!
Anissa
Bonjour mon cousin! Je viens de découvrir ton récit hommage à mon père.Je fus très heureuse et émue en même temps en te lisant.je me rappelle parfaitement de cette journée à qqs détails prêts.Je pensais que c’était Férid qui dormait avec Nanou ds le salon et ne comprenais pas pourquoi on laissait la lampe allumée ds le couloir,maintenant je sais!!Mon père était tel que tu le décris,en plus très beau. Nanou (Camille) lui ressemble beaucoup physiquement,quant à moi, j’ai hérité de son tempérament quelle chance!!! Un grand merci de l’avoir évoqué,il me manque beaucoup. Ah c’est bien la nostalgie mais ça fait souvent monter les larmes aux yeux! Lamine, de tps en tps je viendrai envahir ton univers ne serait-ce que pour papoter avec toi!! En tout cas, tu as une exellente mémoire pour te rappeller tous ces souvenirs magnifiques!! A Bientôt bises de nous quatre ta cousine du sud Mady
je réponds tardivement aux deux messages pour cause de « perturbations climatiques ». Merci donc à Anissa.
Merci aussi à Mady.
A propos de l’hommage à dada Abdallah, je pouvais en dire davantage mais j’ai surtout voulu résumer cette fameuse journée. Pour le reste, je crois que c’est une question de volonté et d’inspiration. La première précède t-elle la seconde ? pas forcément ni toujours.
Les saisons aussi influent sur la mémoire.
Aurais-je dit la même chose de Constantine si le souvenir s’était fixé un mois de janvier ?
Pour Dada Abdallah, c’est différent; il y avait chez lui des spécificités. Je les percevais en procédant machinalement à des analogies avec mes autres oncles.
Salutations.
Lamine