L’excellence (année 1960)
Posté par imsat le 27 février 2010
Je la regardais souvent faire la cuisine. Ses gestes étaient raffinés, captivants, apaisants. Les mets qu’elle préparait étaient exquis. Au surplus, jamais personne ne laissait de restes après avoir goûté à ses plats (chorba frik, el yahni, erfiss ezziraoui, tajine ezzitoune, chbeh essafra, mloukhia, dholma…).
Au-delà, ce que je percevais, et je le lui ai dit dernièrement, c’était l’assurance qu’elle savait communiquer autour d’elle (y compris à mon père) quand nous recevions à déjeuner des membres de la famille ou des amis.
Je me souviens aussi de la façon élégante que mon père avait de déplier sa serviette avant de la poser sur ses genoux. Il entamait ainsi un processus de convivialité qui s’annonçait toujours intéressant, avec la certitude que pour le reste, autrement dit pour la qualité, la quantité de nourriture, le service, tout était maîtrisé. Il le savait, il savait que Mà ne dérogerait pas à ce rituel et qu’elle assumerait sa tâche avec le souci de tout faire dans l’excellence. Quant à Mà, je ne l’ai jamais vue contrariée, lassée ou fatiguée par les efforts qu’elle s’imposait à cet effet.
La symbiose qui marquait la préparation du repas et la prise en charge de ce qui allait avec, était totale. Je le voyais; les invités aussi; ils mangeaient d’ailleurs avec appêtit, ne tarissant jamais d’éloges autant sur ce qu’ils dégustaient que sur le bien-être que l’ambiance du moment leur procurait.
Outre cette communion collective, ce qui retenait mon attention, c’étaient les conversations des convives dont je présumais, à partir de l’écoute que les interventions de chacun suscitaient, qu’elles avaient de la consistance, de la profondeur même quand elles portaient sur les choses simples de la vie.
Il y avait aussi de la bonne humeur autour de la table.
Lamine Bey Chikhi
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