Soliloques

Posté par imsat le 20 mars 2010

Lorsque, dans certaines circonstances, on s’exprime sans prendre de gants, on le fait en général maladroitement, ce qui génère un malaise, une susceptibilité, une incompréhension. L’autre jour, quelqu’un m’a parlé de fardeau en rapport avec certaines disparitions. Sur le coup, je n’ai pas prêté attention à l’indélicatesse du propos. Je n’y ai songé qu’en rentrant chez moi, en fin d’après-midi. J’ai essayé de comprendre. Un moment, j’ai pensé qu’on ne faisait preuve au fond d’aucune originalité en parlant de la sorte et que la plupart des gens réagiraient de la même façon dans un contexte similaire. Ensuite, je me suis demandé si en l’occurrence on ne faisait que dire une vérité, une évidence. En moi-même, je donnais souvent raison à ceux qui faisaient ce constat froidement mais je ne voulais pas qu’ils le disent ou plutôt je refusais de les entendre l’exprimer. En somme, j’étais pour que la chose (la contrainte que représente pour son entourage immédiat un être se trouvant à l’article de la mort) puisse être pensée mais pas dite.

Un de mes cousins s’était lui aussi exprimé crûment lors des funérailles en 2007 de Djeff; il m’avait dit : « c’est mieux ainsi, pour lui et pour sa famille ».  Cet avis formulé sans états d’âme m’avait un peu choqué même si je savais que Djeff était dans un processus irréversible.

S à qui j’en ai parlé dernièrement m’a dit cautionner ces sentences post mortem, ajoutant que ce type de formule était consacré dans toutes les sociétés.

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » . Cet aphorisme de Camus prend tout son sens, toute son importance par rapport au sujet que je soulève. Je le comprends comme une exhortation à ne rien dire si on ne sait pas dire.

Pendant longtemps, je me suis demandé si mon refus d’abonder dans le sens de ceux qui ne font pas dans la nuance n’était pas dû à la peur que je pouvais avoir de l’événement relaté. Je reste indécis sur ce point. En revanche, je suis sûr d’une chose : je ne perçois plus les citations d’auteurs comme je le faisais en terminale ou à l’université. Autrefois, elles me permettaient, comme à bien d’autres camarades, de frimer, de conforter un argument, d’épater;  je m’abstenais d’en approfondir la signification, la portée; je ne savais pas qu’elles pouvaient aussi déstabiliser, susciter la crainte, créer un stress, donner à réfléchir non pas seulement théoriquement mais concrètement, dans le faits, au présent, faire prendre conscience du réel, de la fragilité de l’homme.

Lamine Bey Chikhi

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