Laisse tomber la nostalgie !
Posté par imsat le 7 juillet 2010
Je trouve dommage que l’on n’ait pas songé à filmer certaines scènes de notre vie quotidienne dans les années 1950-1960. Il n’y avait pas de caméra. En tout cas, personne dans la famille n’en disposait. Certes, les appareils photos ne manquaient pas. Et j’ai déjà eu à dire tout le bien que j’en pensais; mais la photo, c’est quelque chose de figé et ce n’est pas sonore. On aurait pu enregistrer des voix, des conversations.
« Laisse tomber tes nostalgies ! La vie, ce n’est pas hier, c’est aujourd’hui ! ». C’est ce que m’a dit MH dans l’un de ses messages, en fait le dernier de sa part puisque je n’y ai pas répondu, ayant estimé rédhibitoire sa façon de traiter la nostalgie et tout ce qui s’y rapporte. Je n’ai pas cherché à m’expliquer sur ce point, je veux dire sur la place particulière et l’importance des images du passé; si je l’avais fait, cela n’aurait servi à rien ; la sentence de MH m’a paru sévère et sans appel.
J’avais entendu des avis à peu-près similaires dans des émissions de télévision: un acteur de cinéma et un intellectuel pieds-noirs disaient ne pas se rappeler du tout leur enfance algérienne. Le philosophe avait souligné, assez sèchement au surplus : « je ne m’en souviens pas et puis ce n’est pas cette tranche de ma vie qui m’intéresse ».
Lamine Bey Chikhi
Bonjour, Monsieur Lamine,
J’ai pris connaissance de vos écrits et de votre blog en parcourant le blog de Convergences Plurielles. Je dois dire que j’aime bien votre façon d’écrire les souvenirs.
Je ne sais plus quel philosophe ou auteur a dit »Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir’ je pourrais dire que c’est la même chose pour une famille ou un individu »Une famille ou une personne qui n’a pas de nostalgie et des souvenirs de son passé ou encore qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir ».
C’est avec les souvenirs que nous nous développons et que nous progressons. Sinon comment le faire si on ne souviens pas des moments paisibles, des moments de vérité, des instants de bonheur et bien sur de malheurs que nous avons traversé ? Il est vrai que beaucoup de souvenirs de succès et de réussites sont les plus marquants, n’empêche qu’ils font partie de cette nostalgie qui nous fait hocher la tête…avec regrets et illumination des yeux…
Caroline Blais
Kingston (Ontario) Canada
Bonjour Caroline,
Merci pour votre message dont je partage tout le contenu.L’analogie que vous faites entre mémoire collective et mémoire individuelle mais aussi les conclusions que vous en tirez sont très justes. L’actualité met d’ailleurs constamment en lumière cette question et les interactions qu’elle induit, un peu partout dans le monde.
Naturellement, la diversité humaine est immense et chacun assume comme il l’entend son rapport à la mémoire, au souvenir, à la nostalgie.
Pourtant et en dépit de cette donnée objective, les propos qui marginalisent (quand ils ne les néantisent pas purement et simplement) les renvois au passé, singulièrement à l’histoire individuelle, m’étonnent toujours.
On n’y peut rien, tout au moins sur un plan collectif. Fort heureusement, il nous reste toujours à actionner la démarche individuelle et autonome. Pour ne pas oublier…
Merci de me lire.
Salutations,
Lamine Bey
Bonjour Lamine,
Comment séparer la passé du présent ?
Je pense aussi qu’ils sont intimement liés. je dirais même que passé et futur sont contenus dans le présent, qui porte en germe une projection de l’avenir.
Les gens qui déclarent « je ne me souviens pas d’hier, la vie c’est aujourd’hui », n’as tu pas l’impression qu’ils verrouillent leur passé de peur de réactiver des souffrances individuelles ?
Et quand c’est de l’ordre de l’Histoire collective, il y a la peur d’avoir à assumer des responsabilités pour des manquements, des erreurs, des cruautés.
C’est Hegel qui écrivait « l’Histoire est un grand abattoir ».
Il y a aussi la crainte d’une prise de conscience qui serait forcément source de perturbations, et en même temps d’une telle lumière ! les frontières de la conscience seraient alors élargies, et celle-ci inciterait naturellement à des transformations bénéfiques pour l’humanité.
Et si tu faisais un script de ton recueil de souvenirs, que tu adapterais au cinéma !
Il pourrait être sous forme de fiction, ou de documentaire avec des interviews et un narrateur en voix off.
Tu pourrais camper les personnages principaux de jeddi Ali et de ton père, avec en filigrane une idée charnière que tu choisirais, selon le message que tu veux faire passer.
Il faudrait trouver un cameraman expérimenté pour les prises de vue. Avec ton regard aiguisé sur le cinéma, cela ferait une belle oeuvre !
Cordialement.
NC.
Salut Nadira,
Il y a aussi ceux qui veulent bien en parler de temps à autre juste pour « passer le temps », je mets cela entre guillemets parce que, dans ces conditions, passer le temps, c’est faire en sorte que l’on ne s’ennuie pas. Et l’ennui, ça gâche tout, le seul fait d’y penser ou de s’en préoccuper altère le plaisir de l’évocation.
Circonstance atténuante: les gens en question sont toujours pressés et ne prennent pas le temps de se poser ou alors s’ils le font,c’est pour penser au lendemain.
Sur le projet cinématographique ou documentaire lié aux souvenirs: Il m’arrive d’y penser, c’est très séduisant; en même temps, je sais que c’est technique et donc assez difficile à concrétiser.
En général, les initiatives de ce type sont prises par les cinéastes eux-mêmes pour un partenariat éventuel avec celui qui suggère le récit ou l’histoire.
C’est toujours bien d’en rêver tout en continuant à sonder le passé en fonction de l’inspiration du moment.
Bye,
Lamine.