Docteur D
Posté par imsat le 29 juillet 2010
Je souhaitais depuis longtemps dire quelques mots au sujet du docteur D, notre médecin de famille jusqu’à son départ d’Algérie en 1962. Je le vis maintes fois ausculter ma mère. Il prenait le temps de le faire. Je le trouvais rassurant, extérieurement d’abord. Il avait toujours la mine soignée. Il parlait posément. Il recommandait souvent le repos à ma mère. Sa façon de manipuler le stéthoscope ou de tâter le pouls retenait particulièrement mon attention. Ses gestes étaient parfaitement synchronisés. En plus, son eau de Cologne sentait bon.
Le docteur D était devenu une référence pour moi, l’aune à laquelle je devais jauger tous les médecins que des membres de ma famille et moi-même allions consulter après qu’il eut quitté le pays. Je dois dire que je n’ai trouvé que deux ou trois médecins, dont mon cousin Rafik, capables de soutenir la comparaison, en particulier sur le terrain de la psychologie. Je reconnais que mes critères d’appréciation n’avaient rien à voir avec la science, le savoir. Certes, parler du docteur D c’est évoquer une époque où le grade de docteur impressionnait à lui seul et signifiait vraiment quelque chose en ce qu’il couronnait de longues et difficiles années d’étude. C’est également penser à un temps où la médecine était une vocation et un sacerdoce.
Mais le docteur D, c’était aussi une écoute, des paroles, le sens du dialogue, le timbre d’une voix, une présentation et une explication « diplomatiques » du diagnostic, une courtoisie, des perspectives de guérison ou de rémission déclinées dans l’objectivité, une volonté délibérée de voir les choses du bon côté, le refus de l’alarmisme…
C’est en prenant du recul par rapport à ce que je percevais dans le gestuelle du docteur D que j’ai acquis la conviction qu’une consultation médicale digne de ce nom devait impérativement s’appuyer sur la psychologie; j’ai compris aussi que la qualité de la prestation en ce domaine était largement tributaire des mains du médecin, je veux dire de son toucher, de cette palpation quasi magnétique qui, confortée par des paroles idoines, met en confiance et soulage.
Les médecins d’autrefois avaient-ils conscience du pouvoir magique de leurs mains ?
Lamine Bey Chikhi
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