Atmosphères
Posté par imsat le 16 août 2010
Je revenais de Quérigut. Ma mère me demanda d’aller voir nanna et féliciter par là même mon oncle Abdelaziz qui venait de convoler en justes noces. J’étais satisfait des tongues vertes que j’avais achetées en France; elles m’allaient bien; c’était l’été; il devait être 16 heures; il faisait encore chaud; j’étais heureux. Heureux de tout, de mon retour de vacances, de l’été, du short bleu et de la chemisette blanche que je portais, heureux aussi de retrouver les miens, le quartier, la maison, de marcher sur des trottoirs uniformes et bien faits, d’imaginer nanna surprise de me voir. J’étais heureux oui, mais en étais-je conscient ? Ce que je sais parce que je m’en souviens parfaitement, c’est que je me sentais bien dans ma peau; j’en étais d’ailleurs convaincu puisque non seulement je le ressentais physiquement mais je me disais : » je suis en forme, j’ai pris un bon bain, je suis propre, je suis bien ».
Je ne sais pas si l’on court (avec l’âge) le risque de perdre tout ou partie de cette conscience des petites choses positives de la vie, ces instants de bien être, de légèreté physique, de totale insouciance. En même temps, je me demande si, avec le recul et en s’intéressant un tant soit peu à l’écriture, on ne se met pas en condition de réaliser ce que l’on recherche (inconsciemment ?) à savoir la jonction, la soudure entre ce que l’on a pu vivre ou ressentir enfant et ce que l’on peut en dire avec des mots quelques décennies plus tard.
Des mots ou des images ? Le souhait de continuer à évoquer le passé se trouve parfois concurrencé par celui, moins exigeant, de faire seulement défiler des images dans sa tête et de s’en contenter. Il y a encore une foultitude de réminiscences en réserve mais il n’est pas rare que la mémoire comme idée ou souvenir l’emporte sur la tentation de la formalisation écrite. Il arrive que la phrase à peine entamée soit balayée, chassée par une émotion. Je reste alors rivé sur des atmosphères, des odeurs. Et je m’interroge: » les odeurs précèdent-elles les images ? Qu’en est-il des atmosphères, de leur influence ? « .
Aujourd’hui, ce sont des odeurs de piscine et d’ambre solaire qui me submergent, peut-être parce que c’est l’été. Piscine municipale-Batna 1962-1963. Mer-Alger (Moretti), années 1970 : Ce qui m’intéresse à l’évocation de ces endroits, ce sont les personnes avec qui je m’y trouvais. Penser à ces lieux, ces années-là, c’est penser à ces êtres. Il y a quelques jours, l’idée de décrocher de ces souvenirs m’a traversé l’esprit. « Pourquoi le ferais-je ? » me suis-je demandé.
Lamine Bey Chikhi
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