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Ses mains, ses bras…

Posté par imsat le 31 octobre 2010

Sur ses photos les plus récentes, outre son regard, ce sont ses bras qui retiennent mon attention. De son vivant, je les observais souvent; je me surprenais même à jauger son état de santé à travers celui de ses bras; 1 ou 2 ans avant sa disparition, ils commençaient à maigrir par le haut puis un peu aussi vers le bas. Je n’ai pas eu l’opportunité de les toucher, de les caresser comme je l’aurais voulu; je les ai légèrement massés quand elle commença à se plaindre parce qu’ils lui faisaient un peu mal, quelques heures avant qu’elle ne rende l’âme; j’aurais aimé le faire en d’autres circonstances, pour son confort, son bien-être.

Je pense la même chose de ses mains. Je ne sais plus qui a jugé utile de nous rappeler qu’il n’y avait pas de trace d’arthrose sur les mains de ma mère. J’ai interprété cette indication comme un élément positif et de nature à atténuer quelque peu notre douleur. Au surplus, si je devais faire un commentaire sur les pieds, la nuque, les épaules ou encore le visage de ma mère, la conclusion serait la même : malgré son âge, rien de ce qui était apparent chez elle n’était abîmé. J’avais même relevé que lorsqu’elle se faisait teindre les cheveux et qu’elle mettait sa robe mauve, elle paraissait nettement moins que son âge.

Je parle ici des apparences parce que c’est cela qui s’impose en premier au regard. C’est aussi cela qui permet de conforter les propos favorables que l’on veut tenir à autrui sur sa santé en général. Les apparences visées n’ont rien d’artificiel; elles rendent compte d’une certaine vérité.

Lamine Bey Chikhi

 

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Palliatifs

Posté par imsat le 30 octobre 2010

La vie sans elle c’est un peu comme l’automne, le ciel gris. Quand je dis la vie, je songe à tout, à ses petites et grandes choses, au lever et au coucher du soleil, aux saisons, au mois de mai qu’elle aimait tant. Depuis sa disparition, tout a changé. L’appel du muezzin à la prière que je percevais de façon ordinaire, banale, résonne à présent tristement dans ma tête. Je l’entends et je revois ma mère; je me rends compte qu’elle n’est pas là, plus là. Je me souviens aussi du même muezzin appelant à la prière du maghrib, marquant la rupture du jeûne durant le ramadhan, le dernier ramadhan que nous avons passé ensemble.

Rien n’est simple. Il faut aller de l’avant oui mais c’est plus facile à dire qu’à faire. De l’endroit où elle se trouve, elle voit, elle sait, elle est impliquée dans mon quotidien; c’est ce dont j’essaie de me convaincre.

Je pense aussi à la philosophie mais que peut-elle lorsqu’elle cesse d’être conceptualisation et débat théorique pour se retrouver confrontée à cette situation ?  Que peut-elle quand on est soi-même dans cette confrontation ?

Lamine Bey Chikhi 

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Te souviens-tu de sa voix?

Posté par imsat le 28 octobre 2010

« Après avoir partagé plein de choses ensemble, nous en avions programmé beaucoup d’autres… »

« Le problème, c’est que nous ne la reverrons plus… »

« Elle a eu une belle mort, elle était sereine… »

« C’était quand même inattendu… »

« Le soir en question, je lui avais lu mon dernier texte « Consensus »…

« Te souviens-tu de sa voix ?… »

« C’est vrai, tu as raison, comment était sa voix ? »

« On aurait dû l’enregistrer… »

« C’est toujours comme ça, on s’en rend compte après, quand c’est trop tard… »

« C’est comme pour papa… »

« Heureusement, il y a les photos… »

J’ai capté ces bribes de conversations au lendemain de son décès. Je m’aperçois que j’ai hérité de son téléphone portable moi qui faisais partie de la minorité complètement réfractaire aux nanotechnologies. Si elle était parmi nous, elle dirait: « c’est le mektoub ».

Elle ne parlait plus beaucoup mais elle était là; sa présence effaçait le vide, chassait le pessimisme. Il y avait son courage, son background, ses souvenirs, sa générosité. Il y a encore ses idées et tout ce qu’elle a fait pour nous plus de cinq décennies durant. Elle était fragile mais elle restait énergisante.

Le topo, elle savait ce que c’était. Elle aimait que je dise « si jeunesse savait.. » ; elle aimait ajouter:  »et si vieillesse pouvait ». Sur la mort elle n’exprimait rien de direct, se contentant de lâcher: « on ne sait jamais ce qui peut arriver… »

Lamine Bey Chikhi

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Je m’appuyais sur elle

Posté par imsat le 27 octobre 2010

En dépit de son âge avancé et de ce qui commençait à devenir chez elle une vulnérabilité physique notable, je continuais à m’appuyer sur elle mentalement et intellectuellement. Je prenais en compte tout ce qu’elle me disait, y compris sur des aspects de la vie auxquels elle n’était pas censée s’intéresser ou sur lesquels elle n’était pas supposée avoir un point de vue compétent, comme ceux liés, par exemple, à la nation, à l’économie, à la gouvernance.

Ma mère savait susciter et relancer la conversation en posant des questions pertinentes; elle avait aussi cette qualité rare de faire en sorte que ses interlocuteurs se sentent importants et de bonne compagnie. Avec elle, les temps morts n’existaient pas, il y avait juste des moments de silence courts, opportuns, agréables.

Les recommandations qu’elle était parfois amenée à faire en rapport avec les sujets sérieux de la vie étaient réfléchies, pesées, objectives; elle les formulait de façon précise et intelligible; elles emportaient facilement l’adhésion. Ma mère était attentive à la moindre doléance, la moindre sollicitation; elle savait être diplomate; elle était prévenante et juste.

Lamine Bey Chikhi

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Edulcorer le temps

Posté par imsat le 26 octobre 2010

La photo émouvante de ma mère publiée par Ferid le 24 octobre sur son blog Convergences plurielles me paraît s’inscrire dans la lignée de celles que l’on a prises d’elle ces deux dernières années et sur lesquelles elle semble méditative, un peu absente, fixant l’objectif tout en donnant l’impression d’être ailleurs. Je sais que les photos de personnes disparues suscitent chez les proches des points de vue marqués en général par une certaine tristesse. Je ne déroge pas à cette idée mais je voudrais aller au-delà.

J’aimerais dire que la réflexion que m’inspirent les photos récentes de ma mère ne s’arrête pas à l’apparence, elle renvoie à une réalité. Et cette réalité, c’est que dans le regard de ma mère de ces dernières années, il y avait une profondeur, certes, mais aussi une espèce de mélancolie, des questionnements existentiels que j’ai essayé de décrypter mais dont je me suis toujours abstenu de lui parler, par pudeur je crois ou par prudence. Il me semblait que cela avait à voir avec le temps qui passe, un peu aussi avec la conscience que l’on peut en avoir. Je la « surprenais » à des moments précis de la journée, scrutant le ciel ou me fixant du regard sans rien dire.

Je me suis souvent demandé à quoi elle pouvait ainsi songer, et tous les éléments de réponse que j’échafaudais  me conduisaient à une réflexion sur le temps, non pas seulement le temps futur mais celui que l’on a vécu et dont il reste le souvenir.

Je me suis aussi demandé si le fait de lui avoir parlé quasi quotidiennement (entre le début de l’année 2007 et la première quinzaine de septembre 2010) à la fois du passé, du présent et de l’avenir ne l’avait pas quelque peu conditionnée et amenée à développer involontairement une approche comptable, quantitative du temps. Moi, je ne cherchais qu’à l’aider à se souvenir des belles choses d’autrefois; je voulais édulcorer son présent et lui ouvrir des perspectives.

Lamine Bey Chikhi

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L’avant et l’après

Posté par imsat le 24 octobre 2010

L’itinéraire quotidien est toujours le même mais, depuis un peu plus d’un mois, je le sens différent. Je me rappelle avoir déjà noté quelque part que si un trajet ne changeait pas nécessairement physiquement, la perception suscitée n’en était pas moins influencée par de nouvelles donnes. Je crois, d’ailleurs, que la plupart de mes réminiscences ont été dictées par l’irruption d’éléments nouveaux ou spécifiques dans mon immédiate proximité et par ce que j’ai pu ressentir du fait des ruptures engendrées par une succession de présences-existences (trop brèves à mes yeux), d’absences prolongées, de disparitions particulièrement douloureuses. Pour chaque événement de ce genre, il y a un avant et un après et c’est cela qui change, bouscule ou bouleverse non pas un itinéraire proprement dit, dans sa configuration, son articulation, sa matérialité, mais la vision qu’il inspire, les pensées qu’il soulève. C’est à cette forme de variation que je songe depuis le décès de ma mère.

Lamine Bey Chikhi

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La regarder prier

Posté par imsat le 23 octobre 2010

Elle ponctuait ses prières en demandant d’innombrables choses au bon dieu. Dans ses implorations, elle s’efforçait de n’oublier aucun membre de la famille. Ses sollicitations à Allah portaient sur la santé, le bien être, le travail, le cadre de vie. En passant devant sa chambre alors qu’elle finissait sa prière du milieu de l’après-midi (El asr), je l’entendais énoncer ses supplications de façon insistante et toujours avec la même constance. On dit que c’est à la faveur de la prière d’El asr que l’on a le plus de chances de voir ses voeux exaucés.

Parfois, pour la taquiner, je la questionnais sur le détail de ses souhaits et sur la part de l’argent dans son « listing ». Elle me répondait: « tu sais bien qu’il n’y a pas que l’argent dans la vie; la paix, la tranquillité, c’est plus important que tout; et puis, il faut toujours demander l’aide de dieu et ne jamais s’en lasser ».

Quand elle finissait sa prière, elle pliait soigneusement son tapis et son foulard. La regarder me réconfortait et me faisait oublier tout le reste.

Lamine Bey Chikhi

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La même longueur d’onde

Posté par imsat le 21 octobre 2010

Sur la régression de certaines mentalités, elle me disait :  » C’est une insuffisance d’éducation et/ou de savoir ». Elle résumait toujours judicieusement ce sur quoi j’épiloguais parfois outre mesure et qui était lié à des thèmes à mon sens dignes d’intérêt. Elle cherchait ainsi à pondérer la sévérité de mes appréciations et tentait subtilement de faire en sorte que je ne m’embourbe pas dans le superflu, les développements inutiles, les aspects irritants de ce que m’inspirait la vie quotidienne, les gens, les relations sociales.

Je restais malgré tout incorrigible sur nombre de questions, continuant à m’enliser dans les détails et à revenir sur ce qui avait été en principe classé ou du moins largement évoqué. Elle ne m’a jamais contredit ni contrarié alors même que je forçais souvent le trait en parlant des autres. Je savais, je sentais que cela pouvait la lasser. Pourtant, je recommençais le lendemain et les autres jours, et je recommençais parce que j’adorais converser avec elle. J’en avais besoin.

 » Finalement, c’est toujours un problème de culture » lui disais-je pour expliciter ma critique de la société. Au concept de culture, elle préférait celui de savoir ou d’éducation. Au fond, nous étions sur la même longueur d’ondes.

Lamine Bey Chikhi

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Un optimisme de volonté

Posté par imsat le 20 octobre 2010

J’ai toujours essayé de relativiser les choses dans mes conversations avec ma mère, en particulier celles relatives à la santé de l’être humain. Mais j’avoue que cette façon de faire procédait plus d’un volontarisme devenu nécessaire, compte tenu des circonstances, que d’une démarche spontanée de ma part. Je lui parlais tantôt de la longévité de Michelle Morgan tantôt de celle (avant sa disparition) d’Henri Salvador et de bien d’autres personnalités. Je lui ai même cité le cas de cette dame de 100 ans qui venait d’écrire un livre pour raconter non pas ses souvenirs mais son actualité, son quotidien.

Il m’arrivait de mentir sur l’âge des gens que j’évoquais avec elle en ajoutant systématiquement 2 ou 3 ans. Elle acquiesçait de la tête mais son adhésion à ce qui sous-tendait mon propos n’était pas toujours acquise. Elle me disait : « oui, mais là où ils vivent, ce n’est pas la même chose, les conditions ne sont pas les mêmes, l’environnement est différent, ce n’est pas comme ici ».

Je dois également dire que si je m’appuyais périodiquement sur les exemples de personnes âgées  vivant correctement leur condition, c’était pour faire diversion, je veux dire pour lui permettre d’entrevoir les belles années qu’elle avait encore devant elle. Lorsque je sentais que les arguments que je puisais de ces cas ne prenaient plus, je les relayais aussitôt en parlant de perspectives, de projets susceptibles de l’intéresser, donc de l’impliquer. Je m’arrangeais pour les lui présenter dans des optiques étalées dans le temps, autrement dit déclinées à court, moyen et long terme. Elle n’y était pas indifférente, ce qui m’encourageait à persévérer sur cette voie. Et plus elle s’intéressait aux projets en question  et plus je parvenais à mettre entre parenthèses, pour quelque temps, ses multiples fragilités, ses inquiétudes, ses angoisses. Je le faisais chaque jour. Il me fallait contrebalancer tout ce qui risquait de la décourager ou de la maintenir dans ce qu’elle appelait de manière récurrente la fatigue de l’âge.

Lamine Bey Chikhi

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Il faut juste patienter

Posté par imsat le 19 octobre 2010

Quand je lui demandais quels pouvaient être selon elle les remèdes aux problèmes nombreux, importants et complexes de notre pays, ma mère me répondait : « il n’y a rien à faire, il faut juste patienter ». Au début, je ne partageais pas cet avis qui me paraissait se situer à contre-courant de ce que j’ai toujours pensé à ce sujet, à savoir que  l’initiative individuelle devait être positionnée au coeur des solutions globales. Cependant, après réflexion, j’ai fini par me rendre compte que son point de vue était parfaitement adapté au cas algérien et qu’il renvoyait à juste raison non seulement au facteur temps si déterminant en la matière mais également à l’impossibilité objective de faire autrement que de s’en remettre en définitive à la dynamique de l’histoire.

Ma mère avait saisi assez vite ce que les analystes appellent les tendances lourdes de la société en synthétisant à sa manière les programmes de télé algériens ou français qu’elle pouvait suivre et ce que je lui disais à propos de ce que j’observais quotidiennement dans la rue, au marché, dans certains services publics. J’ai aussi compris sa référence à la patience comme un appel à la sagesse face à des comportements dont l’intelligibilité et la logique ont été depuis longtemps complètement faussées par toutes sortes d’éléments extra moraux.

Lamine Bey Chikhi

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