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Une absence temporaire

Posté par imsat le 18 octobre 2010

J’ai l’impression, par moments, que son absence n’est que temporaire. Je le dis ainsi en pensant aux week-ends qu’elle passait de temps à autre chez Anis ou chez Soraya. Quand elle allait chez eux, je ne changeais rien à mes habitudes mais je me retrouvais dans la posture de celui qui pouvait (devait?) méditer autrement, en tout cas dans une relative concentration, sur certaines choses de la vie. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il m’est arrivé de songer à ce que serait la vie sans ma mère et d’abord, plus généralement, à l’idée de la mort.

En réalité, il s’agissait moins d’une réflexion de type philosophique ou méthaphysique que d’une espèce de revue axée sur les éléments pratiques de ce à quoi ressemblerait la perte d’un être cher. La dimension concrète, palpable à laquelle je pensais portait sur l’événement lui-même, ses tenants et aboutissants, je veux dire les conditions dans lesquelles il pouvait avoir lieu, l’impact qu’il produirait sur l’entourage familial immédiat, notre réactivité, notre capacité à assumer le tout, le vide, la solitude. Il y avait de ma part sinon une volonté d’anticipation du moins une tentative de théorisation de l’inéluctable tout en sachant que l’être humain ne maîtrise absolument rien dans ce genre de situation.

Lamine Bey Chikhi

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Ce jour-là…

Posté par imsat le 17 octobre 2010

En sortant du domicile, j’étais un peu inquiet pour elle. Je me suis dit :  » pourvu qu’il ne lui arrive rien de méchant et qu’elle n’aille pas demander assistance aux voisins d’en face « . Les voisins dont je parle ont toujours été gentils avec nous mais je suis incapable aujourd’hui de dire pourquoi, dans mon appréhension initiale, j’ai pensé à eux de façon contrariée. Vers 13h, j’ai éprouvé une folle envie d’aller retrouver ma mère, de lui parler; j’étais conscient du caractère inhabituel de cette pensée mais c’était irrépressible. Certes, nous avions coutume de converser juste avant sa sieste; je lui rendais compte de ce que j’avais fait ou vu dehors; mais ce jour-là, j’ai ressenti comme un besoin pressant de lui dire des choses (des choses sans doute ordinaires mais formulées autrement) ou simplement de la regarder différemment, plus attentivement, de la sentir présente, d’être dans sa proximité. J’accélérai le pas, priant dieu de faire en sorte que je la trouve en bonne santé.

Il faisait chaud et la fenêtre de sa chambre était grande ouverte, comme toujours depuis le début de l’été. Elle était allongée sur son lit; elle regardait la télévision en égrenant son chapelet; j’étais rassuré, heureux même de constater que tout était normal et que rien n’avait changé. Ainsi donc, je m’étais inquiété sans raison. J’ai éteint la télévision; je me suis assis sur la banquette; elle s’est mise sur le côté droit pour être bien en face de moi; j’ai commencé à lui raconter ma matinée…

Ma mère avait une bonne écoute, ce qui m’incitait à faire preuve d’inventivité dans mon propos. J’avais toujours du nouveau à lui dire mais je finissais systématiquement par mettre en relief ce qui n’allait plus dans le pays. Notre discussion ou plutôt mon monologue durait moins d’une demi-heure; c’était suffisant pour lui permettre de s’assoupir.

Lamine Bey Chikhi

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Des dîners silencieux

Posté par imsat le 16 octobre 2010

Le moindre de ses gestes valorisait tout ce à quoi il avait trait, tout ce qui l’environnait, y compris ce qui paraissait de prime abord insignifiant. Elle mangeait posément. Je l’observais discrètement. Elle s’en apercevait mais ne disait rien. J’appréciais beaucoup nos dîners, peut-être parce que le silence qui les entourait nous permettait à la fois de déguster comme il se devait ce qu’il y avait dans nos assiettes et de ne songer alors à rien de précis ni de préoccupant. Cela ne durait guère plus d’une heure mais nous avions fini par ritualiser ce moment devenu pour nous singulier, privilégié. En général, nous n’avions pas besoin de parler. Quelquefois, des mots s’échappaient de ma bouche : « un peu de sel, excellent, parfait, el hamdoulillah (louange à dieu)… » . Il lui arrivait de réagir mais ce qu’elle disait restait lapidaire; le plus souvent, elle se contentait de me regarder. Il y avait de la douceur dans ses regards, de la bienveillance aussi.

Au dessert, lorsque nous devions partager une pomme, je lui laissais le soin d’éplucher le fruit en vertu d’une répartition approximative des tâches que nous avions tacitement établie ces dernières années. Je la regardais faire; cela me plaisait; je crois qu’elle le savait. Le silence était délibéré de ma part. Je l’entretenais d’une certaine manière pour permettre à ma mère de se concentrer sur son repas et d’assimiler pour ainsi dire correctement ce qu’elle mangeait. Au-delà, il y avait cette convergence philosophique qui s’était créée entre nous sur la perception et la gestion du temps.

Lamine Bey Chikhi

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Nous nous sommes dit l’essentiel…

Posté par imsat le 13 octobre 2010

Je crois que nous nous sommes tout dit ou presque. Nous avons parlé de la famille, de la nostalgie, des gens d’autrefois et de leurs valeurs, de l’Emir Abdelkader, de nos problèmes d’hier et d’aujourd’hui, des voisins, de Franchise de nuit de Djamel Benamara que j’écoutais sur la chaîne 3 tous les week-ends entre 23h et 1h du matin, de la maladie en général et d’Alzheimer en particulier, de Charles Aznavour, de la longévité, de la peine que j’ai éprouvée en apprenant la disparition du comédien Bernard Giraudeau et de Larbi Zekkal, un de mes acteurs algériens préférés, des entraves bureaucratiques, des nuisances sonores, des statistiques du divorce, des gardiens de parkings sauvages qui pullulent un peu partout dans les villes, de nos espérances, de nos souvenirs respectifs, de son enfance, de sa santé, de ses frères et soeurs, de certains projets, de Tony Blair, Barack Obama, Sarkozy, de Bouteflika, de l’Algérie, de Paris, Montréal, de la Syrie, des motivations des harragas (les brûleurs de frontières), des années 1960, de la Palestine, de Marcel Proust, de notre maison de Batna, de mon père, de l’Islam, de la mondialisation, du 11 septembre, du nucléaire Iranien, de Mahmoud Ahmadinejad…

Lamine Bey Chikhi

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La robe mauve

Posté par imsat le 12 octobre 2010

Il faut que je retrouve sa robe mauve. Toutes les robes qu’elle portait lui allaient bien mais la mauve mettait davantage en lumière sa prestance naturelle, l’élégance de ses gestes, de ses postures. Elle la portait souvent après son bain du jeudi. Et à chaque fois, elle était comme neuve. Il m’arrivait de lui dire que cette robe se démarquait des autres, qu’elle la métamorphosait complètement, effaçant meme les signes de fatigue que je percevais auparavant sur son visage ou dans sa façon de marcher. Elle la rajeunissait. Elle était porteuse d’espérances. A travers elle, tout me paraissait apaisé. Je dois la retrouver; c’est cette robe que j’ai envie de conserver dans la penderie de sa chambre. Elle l’avait mise la veille de sa disparition, le 19 septembre 2010.

Lamine Bey Chikhi

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