Par petites touches
Posté par imsat le 29 janvier 2011
J’avais commencé à lui poser des questions plus précises sur ce que j’ignorais de son histoire. Dans ma tête, la démarche était structurée. Je voulais procéder avec elle de façon planifiée. Je devais à chaque fois choisir le moment; j’envisageais toujours l’interview dans la souplesse, la légèreté, la liberté. Il ne fallait surtout pas insister, alourdir, revenir à la charge, la relancer de manière intempestive comme il n’était pas question de la fatiguer ni de l’inciter à accepter de répondre au seul motif que cela était important pour moi.
Ses réponses étaient parfois implicites, formulées entre les lignes ou en pointillé. Il fallait prendre le temps et procéder par petites touches parce que pour elle la moindre évocation avait un sens, devait susciter quelque intérêt. Elle revenait spontanément sur telle ou telle tranche de son enfance, de son adolescence ainsi que sur certains endroits comme, par exemple, l’école primaire qu’elle fréquentait à Bougie; elle citait aussi Mme Noushi (j’espère ne pas me tromper de nom), une de ses anciennes institutrices; elle parlait souvent de Salima, sa cousine germaine ou encore d’Ain Oulmane où son père avait exercé quelque temps comme cadi.
En repensant à cela, je me dis que je n’ai pas été suffisamment perspicace ou plutôt opportuniste pour noter le plus de choses relatives à son parcours. A présent, je sais ce qui a manqué et qui ne m’a pas permis d’être toujours en phase avec les exigences de ce dont elle pouvait se souvenir.
Je le sais, mais à quoi cela va t-il servir maintenant qu’elle n’est plus ? Peut-être à mieux comprendre mon incapacité de l’époque à mener à bien le « scénario » qui était censé me permettre de recueillir, à défaut d’un maximum d’éléments d’information, tout au moins ce qu’elle pouvait considérer comme saillant dans sa vie, sa jeunesse durant les années 1940. Ensuite, il restera toujours à compléter par l’imagination ce qui pourrait l’être.
Lamine Bey Chikhi
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