Remonter la pente
Posté par imsat le 22 juin 2011
J’entends dire à propos de certaines situations particulières, notamment celle générée par le décès d’un proche : » il faut gérer ça » ou alors : » tout ça se gère ». Le verbe gérer ne me paraît pourtant pas toujours convenir à ces circonstances spéciales. J’ai eu à le conjuguer (à titre professionnel) à tous les temps. Je l’ai trituré, conceptualisé, ajusté, thématisé, instrumentalisé sans doute, mis en question ou entre parenthèses, parfois aussi entre guillemets. Dans mes chroniques économiques, il était devenu incontournable; je ne pouvais plus m’en passer; il m’arrivait de lui substituer son équivalent anglais ou des synonymes français pour éviter la redondance. Autant j’étais à l’aise pour y recourir abondamment dans le travail qui était le mien à l’époque, autant j’hésite aujourd’hui à en faire usage dans ce qui se rapporte aux implications de la mort. Je sais bien que la façon de réagir à la perte d’un être cher, de s’organiser en conséquence, de se redéployer le cas échéant, de tenter de reconfigurer un mode de vie, des habitudes, revient à gérer une situation spécifique, à trouver les meilleurs accommodements avec ce qu’induit une disparition. Gérer dans ce cas équivaudrait à se conduire, à conduire ses affaires, son quotidien de telle sorte à « amortir » le choc, et à finir par oublier. Cependant, gérer, comme amortir, reste à mes yeux un verbe impersonnel, froid et beaucoup plus adapté aux personnes morales, aux structures, aux organisations qu’aux individus. Penser les incidences de la mort en terme de gestion, c’est passer graduellement sous silence ce qui me semble le plus important et qui devrait consister à continuer d’évoquer ceux qui nous ont quittés. Il ne suffit pas de le dire, il faut le faire et le faire bien. En parlant ainsi d’eux, de leur parcours, on appréhende mieux la place qu’ils occupaient dans notre vie, on les redécouvre et cela aide à remonter la pente.
Lamine Bey Chikhi
Laisser un commentaire