Transversalité

Posté par imsat le 20 août 2011

Hormis celles de ma mère (3 au total) qu’il me fallait absolument encadrer après son décès pour les raisons qu’il m’a déjà été donné d’exposer, et celle qu’on avait prise de moi à Venise, place Saint Marc en août 1993, les photos n’ont jamais suscité chez moi l’envie de les enjoliver et de les traiter autrement qu’en les commentant selon l’inspiration du moment. Sur la photo dont il est question aujourd’hui, je devais avoir 12 ou 13 ans. Je l’avais mise (en réserve) dans le calepin qui me servait de pense-bête. Je la regardais assez fréquemment; c’est l’une de mes rares photos que je trouvais intéressante; c’est pour cela que je l’ai extraite de l’album familial et mise de côté. Et puis, comme elle était un peu défraîchie, j’ai eu l’idée d’en faire un nouveau tirage et de l’encadrer avant de lui réserver un endroit approprié. Cette photo ne soulève pas de ma part que des considérations esthétiques et ce n’est pas par narcissisme que je souhaitais en parler spécialement. Au début, c’est vrai, elle m’attirait dans sa globalité, par rapport à l’atmosphère à laquelle elle renvoyait et dont je savais précisément ce qu’elle symbolisait en son temps; je ne faisais pas attention aux détails qu’elle pouvait donner à voir mais je sentais qu’elle en recélait un certain nombre sur lesquels je me promettais de revenir un jour. Je me disais : « elle me plaît, je m’en occuperai ultérieurement, il ne faut pas que j’oublie ». Enoncer ces éléments ne suffirait peut-être pas à expliquer mon intérêt pour cette photo. Et en effet, qu’y a t-il d’extraordinaire à être photographié, assis dans un fauteuil cossu, l’air détendu, souriant, habillé sobrement, portant une montre classique gris-clair…?. Chacun sait que l’on se montre en général à son avantage face à l’objectif soit délibérément soit parce que celui qui photographie demande qu’il en soit ainsi. Eh bien, la photo dont il s’agit n’a rien d’artificiel ni d’arrangé ou de trafiqué; c’était ce que je voulais dire sur un plan formel; les apparences sont conformes à la réalité et c’est aussi cela que je tenais à souligner. Cette photo, c’est la trace figée mais palpable d’un bonheur paisible, réel, total; et même si j’y apparais seul, elle n’en témoigne pas moins de la belle époque, celle où la famille était encore regroupée à Batna et où l’on était loin d’imaginer qu’il n’en resterait plus tard que des souvenirs volatils, parfois insaisissables. Notre salon, un téléphone, un tourne-disque, un tapis, le regard direct, insouciant, heureux que je lance spontanément à B qui me photographie, ma veste et mes chaussures d’hiver, une aisance dans la posture. Plus je passe en revue ces éléments et plus je suis convaincu qu’ils reflètent exactement l’équilibre, la qualité de notre mode de vie d’alors, outre naturellement le bien-être dans lequel je baignais personnellement. Je pourrais m’étaler sur ces détails, sur leur histoire, ce qui ne ferait que conforter ce que j’en pensais déjà lorsque je les appréhendais dans leur généralité. Je ne le ferais pas, les ayant déjà tous évoqués ici même d’une façon ou d’une autre. En revanche, j’exhiberais volontiers la photo concernée comme l’expression d’un bonheur authentique mais aussi, par les multiples interprétations qu’elle permet, comme l’une de mes réponses possibles  à ce que le dramaturge Jacques Lassalle appelle L’incertitude radicale du monde.

Lamine Bey Chikhi

PS : Lire le commentaire inventif et aérien de Roxane sur le texte  » Le bonheur, c’est quand il n’y a pas  de bruit « 

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