Convivialité
Posté par imsat le 17 décembre 2011
Sans nous en rendre compte, nous nous sommes retrouvés à épiloguer sur les diverses variantes de la convivialité, sur ce qui la favorisait à l’époque où notre bien-être passait aussi par la dégustation des savoureux manchons au fromage gruyère de Méguellatti. D’autres images ont surgi en lien direct avec la quintessence d’une certaine cuisine, celle de nos mères, de nos tantes dont le Tajine ellouz, Erfis ziraoui, la Mloukhia et la Baklawa restent uniques et par conséquent incomparables. Le plaisir gustatif que ces mets nous procuraient, les commentaires toujours élogieux et inventifs qu’ils suscitaient de la part de nos aînés, l’immense bonheur que nous vivions pendant les grandes vacances, nos rêves après chaque séance de cinéma, tout cela affinait notre sens de la convivialité.
« Rien de cela n’est vraiment définitivement perdu à condition de ne pas se contenter de lister des souvenirs ni de les décliner dans la monotonie; à condition aussi de prendre le temps d’en faire apparaître la valeur, la singularité… » lui dis-je pour relancer la conversation.
Aux endroits qu’il évoque et que je n’ai pas connus, j’oppose la périphérie verdoyante de ma ville natale, mais nous restons au fond sur la même longueur d’ondes en relatant nos souvenirs respectifs. Lorsqu’il se remémore la table de leur salon sur laquelle il y avait toujours des gâteaux, je suis complètement en phase avec lui car cela me rappelle que notre buffet était lui aussi régulièrement rempli de sucreries de toutes sortes; nous sommes d’accord pour y voir comme le déploiement anticipé ou plutôt constant d’un savoir-vivre. Les gâteaux toujours disponibles, cela signifiait être prêt à recevoir ses hôtes en toutes circonstances.
Hier, nous avons parlé du temps de vivre, celui que nous donnaient à voir les adultes de la famille et que nous percevions à travers leur jouissance pondérée, raffinée et intelligente de la prospérité, de ses signes extérieurs. Pour moi, cette prospérité passait également par les tapis que l’on déroulait dans la cour de la maison certains soirs d’été, lorsque oncle D, qui avait une façon bien à lui d’occuper l’espace, de fumer ou de déguster le café, nous rendait visite. C’est lui qui m’a fait goûter pour la première fois nombre de plats « royaux », et qui m’a convaincu de manger des beignets au miel au petit déjeuner pour reprendre des forces.
Et puis, les adultes considéraient, respectaient les enfants que nous étions; c’était aussi cela la convivialité. C’est pourquoi, ce mot me parait intimement lié à des personnes précises, à des moments précis d’autrefois. C’est aussi la raison pour laquelle je ne l’emploie plus qu’au passé.
Lamine Bey Chikhi
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