Garde rapprochée
Posté par imsat le 21 janvier 2012
Je ne pouvais plus convaincre mes interlocuteurs; je me rendais bien compte que mes explications et mes préconisations ne captaient plus leur attention; il me fallait cesser d’user de lieux communs; il ne me restait dès lors qu’à invoquer de nouveau le passé en restant néanmoins sceptique sur l’issue de ma démarche. Il fallait que je m’appuie sur ma double référence historique et culturelle, à savoir mon père et ma mère. Le souligner de la sorte, c’est résumer un ensemble de principes, de règles morales mais aussi des images, des attitudes, une façon de réagir aux événements.
Je dois dire que je ne m’appesantissais sur cette question qu’avec Mà. C’est avec elle que j’en ai aiguisé la perception aussi bien que l’argumentaire sur lequel je la fondais. Pour moi, la synthèse des acquis enregistrés dans ce cadre, c’est un processus mental et intellectuel qui jette la lumière sur les qualités respectives de mes parents, leurs manières d’appréhender la vie. Je n’ai jamais été dans le mimétisme par rapport à ces éléments de même que je n’ai jamais cherché à en reproduire ce qui pouvait m’apparaître comme une facilité. Ce qui continue de m’intéresser, c’est leur appropriation théorique pour tâcher de comprendre pourquoi et comment j’en ai fait des indicateurs, des repères dans mon quotidien. Tout le reste en découle. Parfois, ce sont des choses simples, des interrogations ordinaires du genre : « qu’auraient-ils fait ou dit face à telle ou telle situation, comment auraient-ils réagi ? »
Ce n’est donc pas une relation d’influence ou de dépendance mais plutôt un moyen de mettre en corrélation les conceptions, les approches de deux êtres chers dont je n’oublierai jamais qu’ils ont été, selon les époques et chacun en ce qui le concernait, ma seule vraie « garde rapprochée ». C’est une source d’inspiration inépuisable que j’inscris dans une permanence, une constance et dont je profite pour revisiter le passé.
Derrière moi et devant moi, il y a mon père et ma mère et cela ne remet nullement en cause mon autonomie de pensée et d’action dans la vie ici-bas. Derrière moi, c’est tout un passé, celui de mes parents, et c’est primordial. Devant moi, c’est encore eux mais dans une autre vie; c’est une espérance, une croyance. Entre les deux, entre hier et aujourd’hui, il y a le souvenir et la lucidité mais aussi l’idée d’une réflexion personnelle sur les interactions du temps et la relativité de sa discontinuité, ce qu’André Gide formule fort subtilement lorsqu’il écrit : « Le présent serait plein de tous les avenirs si le passé n’y projetait déjà une histoire ».
Lamine Bey Chikhi
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