En attendant le printemps
Posté par imsat le 25 février 2012
Tout est important, les saisons, le climat, les couleurs du ciel. En ce moment, il pleut sur Alger et ça change presque tout. C’est peut-être une banalité de le souligner. Pourtant, cela suscite une autre perception si l’on estime que les saisons s’apprécient autant par rapport à leurs caractéristiques propres qu’en considération des personnes avec lesquelles on partage des impressions sur le temps qu’il fait. Naturellement, cela vaut pour tout le reste. La pluie qui tombe mal, je veux dire au mauvais moment, violemment et de façon saccadée, c’est insupportable !
Je ne sais plus si je disais cela du vivant de Mà et de Soraya; peut-être que oui, mais je devais le formuler ou plutôt le ressentir autrement. Il en est donc ainsi lorsqu’il fait froid, mais est-ce le cas quand le soleil brille ? C’est différent mais ça conduit à d’autres pensées pour ceux avec qui j’avais l’habitude de ne voir que le bon côté des choses, y compris lorsque le ciel était gris.
Et quand il faisait beau, avant d’en profiter au sens extérieur, physique du terme, nous en prenions d’abord acte. Parfois, nous anticipions certaines saisons, en en parlant à l’avance. Mà prenait l’initiative de ce dialogue peu avant les premiers signes annonciateurs du printemps mais elle joignait le geste à la parole en commençant à préparer ses délicieux Brajs (petites galettes de semoule, losangiques, fourrées de ghars ou pâte de dattes écrasées). Le Braj, c’est un avant-goût du printemps. Mà tenait beaucoup à cette anticipation que nous interprétions comme l’indicateur-déclencheur, la perspective de bonnes nouvelles. Tout ce que faisait Mà était réussi; en plus, elle le commentait bien. Elle présentait le Braj au-delà de son aspect culinaire, gustatif ou esthétique. Elle s’arrangeait pour en étaler le plaisir dans le temps; cela passait par les mots, des mots choisis pour enjoliver et mettre en valeur la symbolique de l’ensemble du processus. Dès la première semaine de février, elle me disait : « il ne faut pas que j’oublie d’acheter de la semoule et du ghars pour le Braj ». Il ne m’en fallait pas plus pour actionner mon imagination et faire comme si tous les éléments de l’événement annoncé, les rayons de soleil, les senteurs printanières, le pétrissage de la pâte par Mà, la dégustation des brajs, le petit lait, étaient déjà là, inscrits dans le réel, exactement comme je le souhaitais.
Lamine Bey Chikhi
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