El Gusto
Posté par imsat le 8 septembre 2012
Un vendredi de septembre, 18h10. Pluie orageuse, canicule persistante. La chaîne 1 de la radio algérienne diffuse des chansons chaabi. J’aime le chaabi, son rythme, ses mélodies. Je viens de relire une lettre écrite par S à sa hiérarchie en février 2008. Une demande d’avancement après 26 ans d’activité. Des images défilent devant moi : S, son sourire, sa façon de conduire dans les rues escarpées de la ville, de faire très attention en descendant les escaliers de notre immeuble, de balayer d’un revers de la main tout ce sur quoi les autres se montraient sceptiques ou réticents, de réévaluer les confidences et autres piquantes révélations qu’elle nous faisait sur le microcosme algérois. J’éteins la radio. J’ouvre le Coran tout en continuant de penser à S, à la perception qu’elle avait de certains pans de la société, à son désir de faire bouger les choses en dépit de tout. L’émotion est là, sur le point de me submerger. Reconduction de mon questionnement habituel sur quelques disparitions. Je lis la sourate Yassine (le coeur du Coran, selon le prophète Mohamed); elle prend rapidement le dessus sur l’affaissement moral qui me guette. J’enchaîne avec la sourate El Fath (la victoire) que je déclame, conscient des bienfaits immédiats du livre saint dans son intégralité, avant de finir par sourate El Hadid (le fer) dans une totale sérénité. Pluie orageuse, canicule. Je referme soigneusement le Coran. Je remets la radio en marche. Le chaabi est toujours à l’honneur. C’est Amor Zahi le maestro qui chante. Cette ambiance me fait songer au concert d’El Gusto retransmis sur Arte il y a 4 ans, à l’occasion du festival des musiques traditionnelles du monde de Francfort, et à la longue standing ovation du public à la fin du spectacle. Dans ce sillage, je pense au film de la cinéaste algéro irlandaise Safinez Bousbia, retraçant l’histoire d’El Gusto. Il est sorti il y a quelques mois en France. Je me demande s’il passera un jour en Algérie. Certains ici ont déjà tenté de jeter le trouble sur ce groupe musical composé d’artistes musulmans et juifs originaires d’Algérie. Dernièrement, dans un quotidien national, quelqu’un a cru devoir politiser sa réflexion en s’interrogeant sur « les desseins réels » de cet orchestre métissé. J’ai trouvé le propos de ce rabat-joie complètement hors sujet, médiocre et stupide.
Lamine Bey Chikhi
Soraya aurait eu 59 ans aujourd’hui. Allah yerhemha ainsi que notre mère