Le vent se lève !…Il faut tenter de vivre !

Posté par imsat le 19 septembre 2012

Deuxième anniversaire de la disparition de ma mère. Depuis le 19 septembre 2010,  je n’ai pas rouvert le cahier dans lequel j’avais raconté le départ de Mà et ma réaction face à l’événement. En vérité, je n’ai pas très envie de relire mes notes. De toute manière, tout est encore dans ma tête. Cela dit, je ne sais toujours pas pourquoi je me suis mis à consigner mes impressions dans le cahier en question. Peut-être, s’agissait-il pour moi de mémoriser une situation particulière, gravissime, tragique. C’était sans doute l’objectif mais je n’en savais pas plus. Oui, peut-être avais-je peur d’oublier. Toujours est-il que je n’étais ni dans la fébrilité ni dans l’angoisse au moment où je me suis mis à « résumer » le départ de Mà. Je sentais que la formalisation écrite des premiers instants de cette  disparition était nécessaire, mais l’idée restait vague. Je devais probablement penser (inconsciemment) qu’il me fallait d’abord transcrire mes sensations immédiates avant de les reprendre un autre jour, de les développer, de broder dessus. Pourquoi ? A ce moment-là, je n’en savais rien. Après avoir écrit de façon quasi automatique ce qui me passait par la tête, je suis sorti. Il devait être 17 h. Tout était triste, moi, les rues dans lesquelles j’errais sans but précis, les gens que je croisais. La disparition de Mà, c’était la fin de tout : je me le disais, je le pensais. Le ciel était tout bleu mais pour moi ça ne valait rien. Larmes intérieures, mélancolie sans précédent. Comment reprendre le dessus ? Rue Didouche Mourad, non loin de l’église du Sacré coeur, je tombe sur mon coiffeur; il me demande si je vais bien; je lui annonce le décès de ma mère; il me présente ses condoléances; je me mets à lui parler des instants précieux de la vie qu’on ne sait pas apprécier, du vide abyssal dans lequel on se retrouve quand on perd des êtres chers. Je ne lui avais jamais parlé de cette façon. Dans son salon,  notre dialogue s’est toujours limité à des banalités. C’est encore le cas, à ce jour. En général, c’est surtout lui qui parle. Moi, je préfère surveiller ses moindres faits et gestes au moment où il me coiffe car j’ai toujours peur qu’il égratigne le bouton que j’ai sur le côté gauche du front. Ce 19 septembre-là, je lui ai parlé de ma mère comme s’il faisait partie de la famille. Il m’a écouté attentivement avant de me recommander de m’en remettre à Dieu. Je sais, chacun sait  qu’on ne peut pas faire autrement dans de telles circonstances. Après, on peut épiloguer, trouver des raisons d’espérer, se faire une raison, et cela passe par plein de relais. « Le vent se lève !…Il faut tenter de vivre ! ». Cette citation de Paul Valéry me vient à l’esprit tandis que je rédige ces lignes. Je la trouve merveilleuse, incitative, pleine d’optimisme.  En prenant congé de mon coiffeur, je me suis interrogé sur l’opportunité de la conversation que je venais d’avoir avec lui au sujet de Mà. Mais j’ai fini par penser que je n’avais pas à le regretter car mon émotion était profonde, vraie, irrépressible.

Lamine Bey Chikhi

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