Le nom recomposé d’Osiris (extrait de Gémellités)
Posté par imsat le 18 mars 2013
Jusqu’à nous, encore
Un héritage diffus
Une mèche de discorde
Un trouble néfaste
Deux contraires irrémédiables
Duel obscur de matières impures
Corps-à-corps ultime
L’un se découvre féroce
Ogre décuplé par monstres dévorés
Sa langue tremble vipère oisive
Verbe fielleux lacérant l’air
Souffre jaunissant le ciel tombé en poussière
Il sent le temps putride
Il respire le venin des corps mal momifiés
L’autre éclate en morceaux éparpillés sous torrents de colère
Stupeur, détresse, désespoir, hurlements, flagellations
Le Nil, vagues explosées, flammes écarlates, implore qu’on entre en lui
Il insuffle vie aux membres dispersés de son enfant
Une immersion affolée ratisse les profondeurs
Les plongeuses divines amerrissent
Sondent les abysses endoloris
Scrutent reflets et mirages polychromes
Quêtent la braise encore vivace du frère agonisant
Inlassables, jours nuits, nuits jours
Nul espoir hors les âmes-sœurs Isis, Nephtys
Brassées géantes agitant alluvions avides de matières fécondes
Les écailles phosphorescentes chargent
Les faisceaux diffractés du désert alentour s’inclinent à la rescousse
La nuit devient jour
Jour
Jour
Jour, rien que jour,
Jour, uniquement jour, jusqu’à illuminer l’écrin sacré du fleuve
Clameurs !
Fragments enfin retrouvés du corps mutilé
Captations fébriles des sens et de l’esprit
Raccords
Remembrement
Liesse
Ronde festive autour de la promesse reprenant forme
Humus, peau, aile, œil d’aigle recevant flamme
Le désir coule de source
Isis le recouvre de son corps
Son ventre se tend vers l’intensité du monde
Nephtys s’éloigne discrète
Les lettres naissantes d’un cercle solaire éclairent l’enfant né
Seth siffle en vain vers les ergs stériles de sa solitude
Son fiel coule pâle
Mort désespérée de n’effrayer ni les jeunes ni les vieux
Horus récite l’histoire, témoin jusqu’à nous du nom recomposé d’Osiris
Beida Chikhi
- Ce poème a été publié dans le numéro 74 de la revue Osiris (Andrea Moorhead, dir) à l’occasion du quarantième anniversaire de cette publication.
- Il a également paru dans Isthmes francophones : du texte aux chants du monde, mélanges offerts à Beida Chikhi (Anne Douaire-Banny, dir). Ce livre de 420 pages a été édité en 2012 avec le concours du Centre International d’études Francophones de l’école doctorale III (« Littératures française et comparée ») et du Conseil scientifique de l’université Paris-Sorbonne
Publié dans Non classé | Pas de Commentaire »