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Capharnaüm

Posté par imsat le 14 décembre 2013

La semaine dernière, conversation saccadée, contrariante avec G sur des questions algériennes puis évocation du passé, notre passé mais là aussi de manière désordonnée, contreproductive, infructueuse. Il n’y a pas mieux que l’écriture. J’étais en manque d’écriture. En le disant ainsi, je pense à ce que l’on peut écrire par exemple sur telle ou telle fragrance. C’est très personnel. Certes, chacun peut dire ce qu’il pense lorsqu’il se remémore telle ou telle situation. Mais je crois qu’on ne peut vraiment dire les choses qu’en les écrivant, à travers les mots les plus adéquats. A quoi ça sert ? Moi, je ne me pose pas la question. Je le fais et je m’en contente. Je consigne  par écrit pour ne pas oublier. Je me demande comment j’ai pu courir le risque à certaines époques de ne rien verbaliser, donc de risquer de tout oublier, d’oublier des choses essentielles. J’écris pour ne pas oublier, pour moi c’est évident. Mais j’abonde aussi dans le sens de JM Le Clézio quand il dit : « J’écris pour apprendre » .

Sans transition : RK, je la savais pleine de vie; ce soir-là, elle était resplendissante. C’était sa première sortie nocturne, de surcroît avec l’aval de son père, un homme plutôt sévère et conservateur. Moi aussi, j’étais bien; bien de la savoir heureuse; heureuse de pouvoir assister aux fiançailles de B. C’était en juillet 1965. Je portais un pantalon bleu nuit et une chemise blanche; je sais que j’ai déjà parlé de chemises blanches. Si je le fais de nouveau, c’est parce que c’est lié à ce que je voulais dire à ce propos. Et puis, parce que j’ai toujours aimé les chemises blanches. Cela dit, pourquoi, 10 ans plus tard,  RK mit-elle fin à ses jours ? Dieu seul le sait.

Autre trajectoire: Depuis que j’ai mis un terme à ma chronique économique hebdomadaire, je vois la chose écrite autrement. Je suis dans d’autres formes de nuances, j’arrondis les angles différemment. Ecrire sur des thématiques économiques, ça n’a rien à voir avec la fiction ni avec les extrapolations sans limites. Ai-je écrit pour rien ? En tout cas, j’ai l’impression d’avoir été dans la même redondance 20 ans durant. J’ai aussi le sentiment qu’il est nettement plus difficile d’écrire sur soi, d’exprimer sa subjectivité que de rédiger un papier sur ce qui entrave l’investissement public, la gouvernance politique ou sur ce qui entretient les pratiques de corruption dans les relations commerciales internationales.

A propos de citations: Certains aphorismes de Houari Boumedienne continuent de marquer les esprits : « Les musulmans ne veulent pas aller au paradis le ventre vide » ou encore « Le jour où la langue arabe deviendra celle du fer et de l’acier, et cessera d’être uniquement celle de la poésie, alors elle deviendra la langue du progrès et du développement » . Les discours de Boumedienne me manquent (nous manquent ?). Je me souviens de celui qu’il prononça à Constantine. Ce jour-là (quelle année ?), le Président ne portait pas de chemise-cravate; il l’avait troquée contre un gilet-polo noir. Cela le changeait complètement. Il était décontracté et  avait l’air moderne. Chez Boumedienne, la gestuelle était réduite au strict minimum. Ce qui le singularisait, c’était la voix, l’intonation de la voix, le regard, mais aussi le rythme du discours, et les silences toujours pertinents qu’il imposait entre 2 ou 3 phrases. Boumedienne dans mes souvenirs, c’est aussi sa visite à Batna au début de l’année 1967. Bain de foule à 100 m du siège de la wilaya. Devant moi, 2 françaises (épouses de coopérants enseignant au lycée Ben Boulaid) commentent le passage du Président: « Qu’ il est beau ! »  « Il est grand ! », « Je crois qu’il a les yeux bleus », « En tout cas, c’est un rouquin, enfin il a les cheveux roux ! », « Tu as vu, il nous a souri ! »  « Quelle élégance ! »

Inspiration: Parfois, c’est laborieux; ça ne vient pas toujours; s’y maintenir ou passer à autre chose ? Autre chose, ce serait quoi ? Alger oui mais Alger de radio crochet à Zéralda dans les années 70 ou celle de la terreur des années 90 ? ou encore celle d’aujourd’hui qui n’a strictement rien à voir avec celle d’autrefois? Et puis, il faut avoir épuisé les années 60 ou celles qui leur ont plus ou moins ressemblé. C’est toujours résiduel. Le résiduel, les bribes, les fragments, c’est ce qui reste quand tout vient d’être nettoyé par l’averse. Le résiduel, c’est par exemple,  ce récital de Serge Reggiani à la salle Harcha (1984 ?) interrompu, gâché par des pannes de courant à répétition. L’artiste en était désolé; nous aussi. Ce qui reste des années 80, c’est aussi cette voix sublime dans la nuit, celle de la grande dame de la radio algérienne, Leila Boutaleb qui animait  « A coeur ouvert » l’émission phare de la chaine 3. Cette professionnelle de la radio mérite tous les hommages. Djamel Benamara, autre style, autre ton,  a pris le relais dans le milieu des années 90 avec « Franchise de nuit ». Et il l’a fait avec un réel professionnalisme.

Les temps ont changé: Néanmoins, les images tiennent le coup. Une image récurrente : Une terrasse de café (ex brasserie Saint-Georges) de l’avenue de la République. HC s’y attablait souvent. Il paraissait gêné d’être vu attablé. Pourquoi ? Je me le suis longtemps demandé. Voulait-il voir sans être vu ?

Mémoire familiale: Oui mais pour quoi faire ? Il ne s’agit pas de passer le temps; je crois l’avoir déjà dit. Ni d’en parler de façon marginale, juste comme ça, en passant, à la légère. C’est très difficle d’expliquer ce qui contrarie dans la manière d’appréhender cette mémoire. Le présent avec ses exigences, ses impératifs vient  souvent parasiter les évocations nostalgiques, les souvenirs de famille et les autres. Il ne s’agit pas de convoquer la mémoire familiale parce que ça peut s’inscrire dans l’air du temps; je crois que si ce n’est pas ressenti profondément, il vaut mieux s’abstenir de s’engager sur ce chemin. Or pour que cela soit profondément ressenti, il faut dire et expliquer comment et pourquoi on le ressent; et dire aussi ce que l’on cherche à travers cette quête.

L’acteur et la vraie vie: J’aime la transcendance des acteurs de cinéma, autrement dit ce qu’ils déploient physiquement et intellectuellement pour nous faire oublier à travers leur jeu, les rôles qu’ils campent, que, dans la vraie vie, face aux épreuves, ils sont eux aussi finalement comme tout le monde. Des noms me viennent à l’esprit. Ceux de mes acteurs préférés: Gabin, Ventura, Richard Widmark, Humphrey Bogart, Rock Hudson…

Etre et avoir: Lorsqu’on a été rassasié d’espace, lorsqu’on a vécu  des années durant dans un certain espace, supporte t-on plus facilement d’évoluer ultérieurement non pas dans l’exiguïté mais dans ce qui serait considéré comparativement comme modeste ? Quand X, Y, Z déplorent que nous ne soyons plus dans la configuration matérielle d’autrefois, je ne suis pas d’accord avec eux; je pense que l’important c’est de « capitaliser les acquis », intellectuellement parlant; je ne manque pas de leur rappeler que nous avons connu toutes les variantes du confort et de l’espace, que nous avons joué dans une grande cour voire dans 2 cours, une terrasse, couru dans des couloirs immenses; que nous avions une basse-cour, un jardin potager, un figuier, des chats, des chiens, une buanderie, le chauffage central, le téléphone (à cette époque, ce n’était pas courant), un frigidaire de marque Général Motors, notre taxi pour aller en vacances à Béjaia,  Khenchela ou Annaba, les caléches pour accompagner Mà au Hammam. Ces détails sont-ils dérisoires, illusoires ? Peut-être mais en parler ne me dérange pas; au contraire, ça me fait du bien, c’est comme un bon film qu’on revoit.

Dans ce sillage, je repense aux cours de philo de M.Vincent  (1969 lycée Emir Abdelkader, Alger), en particulier à ses fréquents renvois au rapport entre l’être et l’avoir. Je me rappelle avoir parcouru le livre de Gabriel Marcel traitant de ce thème. Ce distinguo me convenait: il me permettait déjà de valider le rejet d’une dépendance excessive à l’égard de la dimension matérielle de la vie, de refuser pour ainsi dire le diktat matériel…

Lamine Bey Chikhi

 

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