Ce que je pense de Bouteflika -3-
Posté par imsat le 6 janvier 2014
Pour moi, la première image mémorable, déterminante, c’est celle de Bouteflika donnant une conférence de presse à Paris. C’était en 1973, l’année du premier choc pétrolier. Je m’en souviens très bien d’autant que la télévision algérienne en avait diffusé de larges extraits. Ce jour-là, Bouteflika, alors Ministre des affaires étrangères, était impérial, dominant parfaitement son sujet. Il répondait du tac au tac aux journalistes, suscitant de leur part des questions à répétition, les corrigeant sur des points de détail. Il était très à l’aise dans cet exercice périlleux qui plus est face à des journalistes redoutables. Moi, je jubilais en le voyant répliquer comme il le faisait. J’étais heureux. J’étais fier de l’Algérie, fier d’être algérien. L’Algérie était bien représentée, bien défendue. Je ne prêtais pas tellement attention au contenu des réponses de Bouteflika. Je scrutais le reste: son sourire, la forme de ses réparties, l’ambiance qu’il avait su créer dans la salle de conférence. Je voyais aussi que les journalistes étaient dans l’impossibilité de le contrer, de le coincer, de le contredire. Il était trop fort.
Comme un poisson dans l’eau. Les journalistes revenaient sur les questions pétrolières, la coopération énergétique entre l’Algérie et la France. « Chère madame, s’il y a quelqu’un ici qui maîtrise le dossier pétrolier dans son intégralité, c’est bien moi; et je pourrais en parler des heures et des heures ! » avait-il répondu à une journaliste qui réclamait des précisions sur ce thème. J’étais époustouflé par le brio de Bouteflika. Les journalistes présents dans la salle étaient eux aussi tombés sous le charme de notre ministre des affaires étrangères qui faisait un excellent usage de la langue française, notre « butin de guerre », se permettant même de recourir quand il le fallait à l’imparfait du subjonctif. La concordance des temps, qui n’est pas toujours une mince affaire, ne semblait avoir aucun secret pour lui. C’était ce qui m’intéressait. Pourquoi ? Parce que quand il s’agit de la relation entre l’Algérie et la France, il n’y a pas que l’économie, les échanges commerciaux. Il y a aussi la façon de dire les choses, de les expliciter, de les nuancer en utilisant les mots appropriés, parce que de ce point de vue, ce n’est pas toujours facile entre les 2 pays. Bouteflika savait surfer sur ce plan. Avec ses interlocuteurs français, comme c’était le cas lors de cette fameuse conférence de presse, il s’est toujours montré offensif, percutant, inventif. Je crois que cela est un peu lié à notre rapport à la langue française, à la conscience que nous pourrions avoir des possibilités qu’elle offre dans l’expression des choses. Je dis « nous » parce que je me sens pleinement concerné par cette question. Je présume que c’est aussi le cas de nombre d’algériens. Peut-être y reviendrai-je ultérieurement. Ce jour-là donc, Bouteflika était dans son élément. Comme un poisson dans l’eau, aurait-on dit. Il était le professeur et les journalistes ses élèves. Il était brillantissime. A ce moment-là, il avait déjà plus de 10 ans de pratique politique dont 8 à la tête de la diplomatie algérienne. Quant à moi, j’étais définitivement conquis par Bouteflika. Je crois aussi que j’étais déjà dans une approche, une perception littéraire du personnage. Et cette perception ne m’a jamais quitté. Je la cultive un peu pour ne pas tomber dans la banalité et pour pouvoir dire le meilleur de ce que je pense de Bouteflika.
Lamine Bey Chikhi
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