Ce que je pense de Bouteflika -7-
Posté par imsat le 11 janvier 2014
Début février 1979. L’armée porte Chadli au pouvoir. Dans quel état d’esprit étais-je à ce moment là ? Je devais être contrarié, dubitatif, surpris, stupéfait. Je me rappelle quelques images du premier Conseil des ministres présidé par le nouveau Chef de l’Etat.
Un sourire révélateur. Je voulais surtout voir Bouteflika. Et je l’ai vu comme beaucoup d’algériens au JT de 20 h de la télévision nationale. Deux ou trois images furtives mais expressives. Il était souriant mais ce n’était pas son sourire habituel. Dans son regard, dans son sourire, il y avait de la déception, un soupçon d’ironie, un ou deux messages, un mal-être, des adieux, une espèce de défi, peut-être aussi un au-revoir. Il y avait quelque chose d’irréel dans ce que ces images nous donnaient à voir, non pas parce que Chadli était devenu Président mais parce que subitement Bouteflika, encore tout puissant ministre des Affaires étrangères et successeur potentiel de Boumediene, quelques semaines auparavant, n’était plus à sa place. Mais sans doute, les deux situations étaient-elles liées. Politiquement, l’affaire était pliée. Bouteflika avait été désigné ministre-conseiller, c’est-à-dire rien ! Ce n’était pas sérieux. Il avait accepté de jouer le jeu pour la transition, pour sauver les apparences (pour le peuple ?), et puis parce que Boumediene venait juste de disparaître. Il avait accepté de faire semblant, en sachant parfaitement que la « comédie » ne durerait que quelques jours. L’habitude dont j’ai parlé dans les chapitres précédents, celle dont je ne voulais pas me départir pour un tas de raisons, eh bien cette habitude venait d’être rompue brutalement, définitivement. L’alternative ne valait pas le coup, j’en étais convaincu. Et ce sourire de Bouteflika que je n’avais pas entièrement décrypté me paraissait annonciateur d’une sorte de dévaluation de l’expression de la chose politique. Quand je dis « expression », je suis toujours dans l’aspect formel du discours global, pas forcément ni strictement politique. Quand je dis « expression », je reste dans ce qui renvoie à la personne qui porte le discours, dans ce rapport aux autres qui fait que lorsqu’on aime et admire la personne concernée, on est enclin à aimer son discours et naturellement aussi à comprendre ses décisions, ses atermoiements, certainement aussi ses maladresses éventuelles, ses fautes.
Lamine Bey Chikhi
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