Ce que je pense de Bouteflika -10-
Posté par imsat le 14 janvier 2014
1993-1994. On avait évoqué l’hypothèse de son retour en politique mais ce n’était que pure spéculation. La situation dans le pays était dramatique, les actes terroristes quasi quotidiens. C’était « la guerre de tous contre tous ». Chacun devait sauver sa peau comme il pouvait (et s’il le pouvait). La solution à la crise ne pouvait, ne devait être d’abord que militaire. Il fallait que l’Etat règle le problème prioritairement sur le terrain militaire. Je songeais de moins en moins à Bouteflika. Comme la majorité des algériens, j’étais pris dans la tourmente, d’une façon ou d’une autre. Comme beaucoup d’algériens, j’avais adhéré à l’option éradicatrice engagée par le pouvoir car l’Algérie risquait la dislocation, l’effondrement, la disparition.
Faire taire les armes par les armes. Il m’arrivait de penser que, comme nous étions à l’ère des baroudeurs, Bouteflika ne pouvait pas réinvestir la scène politique. Je me disais que ce n’était pas encore le moment pour lui. L’option militaire était incarnée par Zéroual, élu Président de la République en avril 1995. Et même si une tentative de dialogue national avait été timidement initiée, elle restait très subsidiaire, marginale par rapport à l’objectif stratégique d’écrasement de l’insurrection armée. J’ai toujours perçu Bouteflika comme un négociateur, un médiateur; je ne le voyais donc pas réémerger alors que la conjoncture imposait de faire taire les armes par les armes, ce qui pouvait prendre beaucoup de temps. Au surplus, dans le contexte de l’époque, il n’existait pas de vrai projet politique, pas de cap; les perspectives s’assombrissaient de jour en jour. Le chaos était tel qu’il ne permettait pas d’esquisser un règlement de type politique avant une victoire militaire tangible et convaincante de l’Etat. Bouteflika n’était pas dans l’agenda politique de l’Algérie. En tout cas, on n’en parlait pas dans cette optique. Lui-même n’était pas visible. Il devait avoir ses raisons. Je les respecte. Je ne lui reproche rien. ll dira, un jour peut-être, ce qu’il ressentait, ce qu’il pensait profondément alors qu’on ne voyait pas le bout du tunnel… L’Algérie entrait dans sa 6ème année de violence. Nous étions à quelques encablures de l’élection présidentielle de 1999. Quel homme allait pouvoir à la fois poursuivre le processus d’éradication du terrorisme, faire bouger les lignes sur le plan politique et proposer un vrai projet de redressement national, un projet fédérateur et consensuel ?
Lamine Bey Chikhi
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