Ce que je pense de Bouteflika -14-
Posté par imsat le 19 janvier 2014
Le Président saisissait la moindre opportunité pour réaffirmer sa volonté d’instaurer la paix par la réconciliation nationale. J’avoue que, par moments, je me demandais s’il n’hypertrophiait pas un peu trop ce thème au détriment du reste, autrement dit de l’économie et des finances d’autant qu’il subordonnait constamment la vraie prise en charge de ces dernières à la réconciliation nationale. En fait, j’avais tort de le penser.
Donner du temps au temps. Bouteflika ne délaissait pas l’économie, il voulait agir par petites touches et en ciblant l’essentiel. Quand, dans l’un de ses discours, il pointa du doigt les 12 « barons » du commerce extérieur, j’ai très vite cerné ce qu’il visait sur le plan économique. Je connaissais parfaitement les arcanes et les dispositifs relatifs aux transactions commerciales et financières extérieures de l’Algérie. Je savais très précisément ce à quoi le Chef de l’Etat faisait allusion au-delà du monopole exercé par les barons en question sur notre commerce extérieur. La presse nationale avait fait ses choux gras de la déclaration de Bouteflika. Les commentateurs voulaient surtout que le Président livre des noms. Mais il ne céda pas. « Que voulez-vous au juste ? Que je prenne un Poclain, que je fasse le rouleau compresseur, que je détruise tout sur mon passage ? ». Cette réplique reste mémorable; j’en avais immédiatement capté et apprécié le sens caché.
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse » (Albert Camus). C’est cette pensée intemporelle et profondément philosophique de l’auteur de l’Etranger qui me vient à l’esprit lorsque je me remémore le message que Bouteflika essayait de faire passer quant à la posture à adopter face à ceux qui avaient profité du fait que le pays était complètement exsangue, sur le point de se défaire, pour frauder, s’enrichir indûment, procéder à des transferts illicites de capitaux. L’objectif de la réconciliation nationale était évidemment stratégique mais la démarche pour y parvenir avait un aspect tactique qui consistait précisément à ne traiter les fléaux induits par le conflit ( corruption, oligarchie, fraude fiscale…) que de manière graduelle, vigilante et en fonction de l’évolution des rapports de forces. Le pays était au bord de l’asphyxie. Bouteflika en était conscient. Il fallait faire preuve de détermination et de prudence car tout était instable, précaire. En somme, tout en Algérie devait inciter le Président à donner du temps au temps. Son projet politique s’inscrivait donc tout logiquement dans cette trajectoire.
Lamine Bey Chikhi
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