Ce que je pense de Bouteflika -42-
Posté par imsat le 27 février 2014
Autre souvenir intéressant. Celui lié à l’admonestation adressée indirectement à son ministre des finances, Abdelatif Benachenhou. C’était à la faveur d’un discours prononcé par le Président entre 2004 et 2005. A l’époque, le grand argentier du pays commençait à prôner la rigueur sans utiliser le mot proprement dit. Il parlait de supervision, de la nécessaire corrélation entre les investissements et leurs contreparties. Il n’était pas pour une allocation automatique des ressources. Il recommandait la prudence dans les dépenses publiques. En fait, Benachenhou voulait instaurer une plus grande discipline budgétaire tout en insistant sur le caractère incontournable des réformes structurelles. Ses interventions étaient toujours bien médiatisées. Il avait le sens de la formule, choisissant systématiquement des phrases choc pour dire les choses. « La réforme, ce n’est pas une soirée de gala! » avait-il déclaré un jour. Il ne mâchait pas ses mots. Quand on lui parlait des créances toxiques qui s’accumulaient, il répondait que le règlement de la question devait passer par une refonte de la justice dans le sens de l’efficacité et de la performance. La rationalisation économique et financière à laquelle il appelait constamment présentait quand même des limites. Et ces limites étaient d’ordre politique. Bouteflika avait dit à peu près ceci: « Il y en a qui proposent des arbitrages dans l’allocation des crédits mais ils ne semblent pas tenir compte des risques d’inertie que les procédures comportent. Moi, président de la République, je ne peux adhérer à cette vision. J’ai un pays à faire bouger, une économie à faire tourner. Je dois faire en sorte que l’économie crée des emplois, favorise la consommation, crée les conditions de la croissance ! ». Le Président ne venait pas seulement de recadrer son ministre des finances; il rappelait aussi sa conception du politique, la nature et l’importance des enjeux, les insuffisances de l’approche intellectuelle donc théorique des problèmes de la société. J’admire les deux hommes. Mais ce jour-là, j’ai surtout mieux compris pourquoi et en quoi le politique transcendait complètement l’économique. J’ai compris aussi pourquoi les vrais arbitrages, les arbitrages décisifs revenaient au politique et plus précisément au Président.
Le primat du politique. On n’était plus dans des processus sectoriels, des mesures ponctuelles, des démarches opérationnelles, des mécanismes intermédiaires ou subalternes. On était à la croisée des chemins, en tout cas à un moment où l’on ne pouvait pas se permettre de marquer le pas. L’action devait prévaloir sur le discours. La dynamique sociale n’est possible qu’à cette condition. C’est comme cela que j’ai interprété la mise au point du Président. J’ai tout apprécié dans ce rappel à l’ordre, la forme, le contenu, le timing, la pertinence. Ce jour-là, je me suis dit: « En définitive, Bouteflika saisit toujours les enjeux au bon moment et agit en conséquence. Il fait accomplir à la politique, à l’instance politique, une immersion positive dans l’économie et plus globalement dans la société. Il nous rappelle le rôle cardinal de la politique rationnellement appréhendée dans la gestion d’un pays ». Et en effet, « La politique n’est pas quelque chose qu’on prend et qu’on laisse à son gré: elle est la condition d’apparition et de représentation des grands problèmes qui se posent à la cité et qui sont présentement ou qui paraissent être des problèmes économiques » (Jean-Marie Domenach).
Lamine Bey Chikhi
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