Ce que je pense de Bouteflika -45-
Posté par imsat le 5 mars 2014
« Un homme n’est rien d’autre que ce qu’il fait. Mais il est d’abord ce qu’il a voulu faire ». Cet aphorisme est extrait de Mémoires intérieurs de François Mauriac. Pourquoi citer de nouveau cet écrivain dont je précise qu’il fait partie de mes auteurs favoris ? Eh bien parce que Mémoires intérieurs a été mon livre de chevet durant les années 1970-1980. J’y ai trouvé la quintessence de l’écriture. Le style du romancier me plaît. Je ne m’en lasse pas. Dans ce que je considère comme un journal, Mauriac évoque son enfance, le silence en littérature, l’odeur de l’asphalte, ses auteurs préférés (Gide, Baudelaire, Proust, Balzac, Dostoïevski, Flaubert…) la peinture, les choses de la vie. Je reprends Mémoires intérieurs de temps à autre et j’en relis quelques passages. Je me rends compte que je le fais exactement comme autrefois, avec les mêmes prédispositions, les mêmes aspirations. Je me délecte en lisant Mauriac.
Une approche politique de la culture ? Pourquoi l’évoquer aujourd’hui ? Parce qu’en renouant avec lui, je me suis interrogé sur les goûts littéraires, artistiques de Bouteflika. Si, comme le soutient l’auteur de Thérèse Desqueyroux, « un homme est d’abord ce qu’il a voulu faire » alors, je peux dire que le Président a tenté de concrétiser pas mal de projets dans le domaine culturel. Il a fait ce qu’il pouvait pour sortir le pays de la léthargie ou plutôt du chaos dans lequel l’avaient plongé dix années de violences de toutes sortes. Je crois qu’il a une approche politique de la culture. Je pense qu’il voulait désenclaver l’Algérie sur le plan culturel en même temps qu’il essayait de le faire sur la scène diplomatique. Je ne l’ai jamais entendu évoquer la culture autrement qu’en référence à son intégration à une politique globale de développement. A cet égard, je citerai les manifestations d’envergure qu’ont été Alger capitale de la culture arabe et Tlemcen capitale de la culture islamique. Je mentionnerai également les festivals d’été (Timgad, Djemila…) et plein d’autres événements culturels institutionnalisés depuis son retour au pouvoir en 1999. Cela dit et sur un plan individuel, peu de choses retiennent l’attention. Je ne l’ai, par exemple, jamais entendu citer un auteur, un livre, un parcours littéraire. Je crois qu’il aime le cinéma, la musique. Il a assisté à des concerts de Warda El Djazairia et Majda Erroumi. Je crois aussi qu’il apprécie beaucoup les ballets du libanais Abdelhalim Caraccala. Il a quelquefois rencontré des artistes, échangé avec eux dans la bonne humeur. Que pense t-il de la littérature ? Des auteurs algériens ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que la désignation par ses soins de Yasmina Khadra à la tête du CCA (Centre culturel algérien à Paris) ne semble pas avoir produit les effets escomptés. La question du retour sur « investissement » reste posée. D’autres détails sont-ils susceptibles de renseigner sur sa pensée, ses idées culturelles ? Personnellement, j’aurais aimé qu’il dise quelques mots de l’élection d’Assia Djebar à l’Académie française. Silence politique de sa part du fait de certaines connotations culturelles et historiques de ce choix, « dévaluation » délibérée de l’événement ou tout simplement absence chez lui du sens littéraire ? Il m’est arrivé de penser que, s’il avait eu le temps de s’intéresser à la littérature, il ne serait pas resté indifférent à l’itinéraire des auteurs algériens les plus marquants. Mais je continue de croire que s’il aimait la littérature, il aurait pris le temps d’en parler directement à la faveur de certains événements culturels, sans charger quelqu’un d’autre de le faire à sa place.
Lamine Bey Chikhi
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