Ce que je pense de Bouteflika -51-
Posté par imsat le 20 mars 2014
Peut-on parler d’une stratégie, d’une vision bouteflikienne lato sensu ? Oui, sauf que chacun de nous la perçoit, la juge à sa façon. Je le dis d’emblée : mon approche de cette vision se veut positive, c’est-à-dire constructive non parce que mon parti pris pour Bouteflika reste inchangé mais parce que je ne vois pas au nom de quelle règle, la présentation et la critique d’une stratégie présidentielle ne seraient recevables, audibles et crédibles que déclinées dans l’agressivité, la contradiction de principe, le dénigrement. En politique, comme dans bien d’autres domaines ayant trait à la gestion de la cité, à la chose publique (autrement dit tout ce qui touche à l’intérêt général, à la République, la res publica), il faut toujours savoir raison garder. C’est donc à partir de ce postulat, pour moi essentiel, que je poursuis ma réflexion. Et c’est cela qui m’amène à souligner notamment que le Président a toujours joué la carte de l’ouverture politique. Je devrais plutôt parler de l’ouverture en général dans la mesure où, en plus de son caractère éminemment politique, elle a systématiquement présenté une dimension sociale et culturelle indéniable.
La recherche subtile du consensus. Sur le plan politique et dès 1999, il a instauré la cohabitation entre nationalistes, démocrates et islamistes dits modérés. Cette coalition dans la gouvernance politique et la gestion opérationnelle s’est structurée pour donner lieu à l’alliance présidentielle, espace de concertation politique entre les leaders des trois partis les plus représentatifs. Ouverture politique, cohabitation, alliance voire union nationale, tout cela dans l’esprit de Bouteflika avait un sens et une portée hautement stratégique; ce n’était ni une fiction ni une posture encore moins un leurre. Le Président en a fait des instruments de gestion politique répondant aux diverses exigences, en particulier celles liées aux intérêts et spécificités des courants socio politiques algériens, tels qu’ils ont émergé dans le sillage de la décennie noire. On ne peut minimiser l’importance du compromis concocté et mis en place à partir de 1999. On ne peut pas non plus se contenter de dire que l’Alliance présidentielle issue de ce compromis a le mérite d’exister. Elle traduit une réalité, elle continue de répondre à une situation complexe, exigeante et sujette à évolution. C’est une instance de dialogue politique permanent entre les principales forces politiques du pays. Cette structure était et demeure ouverte à toutes autres parties éventuellement intéressées. Au surplus, certaines formations, à l’instar du parti des travailleurs de Louisa Hanoune (tendance trotskyste) ont toujours soutenu activement la politique du Président sans avoir intégré l’Alliance. L’Alliance présidentielle n’est pas non plus une entité symbolique, une simple façade politique; elle avait été conçue pour structurer, organiser le consensus le plus large autour de la stratégie de Bouteflika et donner à ce rassemblement politiquement majoritaire une réalité, une visibilité, une tangibilité.
Concilier traditions et modernité. La dimension socio culturelle de l’ouverture bouteflikienne est aussi incontestable. C’est une réalité dans le discours mais c’est aussi une réalité dans le champ social. « l’Algérie appartient à tous les algériens ! Les algériens n’ont pas de terre de rechange ! » ou encore : « l’Algérie, nous la redresserons tous ensemble ! ». Ces formules directes et sans fioritures, ont fréquemment marqué les discours de Bouteflika, transcendant les clivages partisans, les velléités sectaires éventuelles, la tentation du repli sur soi. l’Algérie dont parle Bouteflika, c’est l’Algérie historique, l’Algérie nation, l’Algérie plurielle. Je n’ai jamais éprouvé la moindre difficulté à le comprendre ainsi. Sur le plan culturel, le chef de l’Etat a toujours prôné la tolérance, le respect de l’autre. « La société algérienne, c’est le kamis et la mini jupe ! » lança t-il lors d’un meeting tenu peu après son accession à la magistrature suprême. Cela signifie que la société algérienne, c’est la recherche difficile, épineuse d’une conciliation nécessaire voire vitale entre la tradition et la modernité. Le mot « kamis » n’est sans doute pas approprié mais on peut en ajuster l’interprétation par rapport au contexte algérien. L’essentiel est de comprendre comment toute cette sémantique et tous les concepts qui lui sont liés ont été intégrés par Bouteflika à la fois dans sa vision politique à moyen et long terme et dans la gestion gouvernementale de tous les jours. Quant à la question du projet de société, le Président ne l’a jamais élaguée de sa ligne politique. Il l’a toujours appréhendée par petites touches, en tenant compte au plus près de la diversité culturelle algérienne mais aussi des contradictions et des attentes de la société. Des avancées plus qu’appréciables ont été enregistrées en la matière (le triptyque arabité, amazighité, islamité est pleinement consacré et assumé) même si sur certains volets de la question linguistique, des clarifications restent à apporter. Le traitement de Ces questions nécessite plus de temps, davantage d’attention et un réel volontarisme pour qu’il puisse aboutir. Il s’agit de thématiques délicates car elles posent la question de la modernité, de ses conditions et du sens à lui donner dans une société encore (majoritairement ?) conservatrice. Bouteflika a toujours été conscient de ce défi; il s’est attelé depuis 1999 à réunir les conditions nécessaires pour réconcilier définitivement les courants pluriels de l’Algérie, reflets d’une longue et riche histoire, et bâtir un projet de société équilibré.
Lamine Bey Chikhi
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