Ce que je pense de Bouteflika -55-
Posté par imsat le 29 mars 2014
Toujours dans ma machine à remonter le temps. Pas seulement le temps lointain. Parfois ce sont des choses plus ou moins récentes qui remontent à la surface. Comme cette conversation sur Arte (23.10.2010) entre une intellectuelle libanaise et Patrick Poivre d’Arvor autour des poèmes d’Adonis. « Je crois que traduire de l’arabe vers le français diminue, réduit fortement la valeur de l’original, avait-elle déclaré. Je donne deux exemples: lorsque je dis « la mer » ça n’a pas le même impact que le mot en arabe et qui donne « Bahr ». Dans le mot « Bahr », on sent qu’il y a beaucoup d’eau, que c’est plein, ce qui n’est pas le cas dans le mot « mer ». Le second exemple a trait au mot « arbre » qui donne « Echajara » en arabe; il y a plus de vert, plus de verdure dans « Echajara » J’adhère à ce point de vue même si ce n’est qu’une opinion, même si tout est relatif. Y a t-il un rapport avec Bouteflika ? Oui et il est linguistique. En fait, j’ai surtout envie de rappeler que notre Président maîtrise parfaitement l’arabe et le français, que c’est vraiment un excellent bilingue et qu’il est toujours brillant, et ce , qu’il s’exprime en arabe ou en français. J’aime sa façon de parler. J’ai écouté d’autres hommes politiques bilingues; ils ne soutiennent pas la comparaison avec lui. Dans sa manière de parler, il y a une musique, un rythme, une respiration. Chez lui, tout est limpide, fluide même lorsqu’il utilise des mots rares. Il maîtrise l’art oratoire dans les deux langues. Je crois que l’intérêt par rapport à ce que j’essaie de dire est dans la vérité, les émotions, les sensations que le discours véhicule. Il y a tout cela dans le verbe de Bouteflika qui a finalement toujours parlé du temps qui passe, en comparant différentes périodes de l’histoire de l’Algérie. La question du temps, toutes formes confondues, est littérairement très séduisante. Mais elle l’est aussi quand elle est déclinée par des hommes politiques d’exception. Là aussi, elle renvoie au temps qui passe, à l’exploration de celui qui n’est plus, au temps que l’on voudrait éternel, au souvenir à la fois comme instrument de pérennisation du passé face à un présent qui est bien là et sur lequel on ne peut faire l’impasse.
La madeleine de Proust est toujours quelque part. Evoquer le temps qui passe, c’est naturellement songer à Marcel Proust, à son oeuvre monumentale et, selon moi, sans précédent. C’est indissociable. Impossible d’occulter ce lien. Je crois que c’est le style qui impose cette subordination. Beaucoup d’auteurs ont planché sur le temps qui passe de façon plaisante. Le style fait toujours la différence. Chacun peut revendiquer pour lui le primat de ses souvenirs. On peut se raconter simplement. Souvent d’ailleurs, on le fait dans la sobriété. Tout se joue à ce niveau. Parvenir à universaliser des choses simples, c’est autre chose. La madeleine de Proust est universelle. Chacun de nous en a une. Elle est toujours quelque part. Encore faut-il pouvoir en rendre compte de façon à fasciner le plus grand nombre, à faire dire au commun des mortels: « C’est exactement ce que je ressens » Eh bien, lorsque Bouteflika parle, je dis toujours : « C’est ce que je dirais et je n’y changerais pas une virgule ». La narration des souvenirs, l’inspiration, ce n’est pas toujours évident; parfois, c’est laborieux ou ça ne vient pas. Littérairement, l’enfance, l’adolescence, ça reste des points de repère majeurs. Y rester ou passer à autre chose ? En faire un levier ? C’est souvent le cas. Passer à autre chose, tout en restant sur les mêmes années ? Les années 70 en l’occurrence mais c’est aussi Bouteflika, enfin Boumediene-Bouteflika. Mais pour moi, c’est également une image, celle de ce radio crochet organisé un soir de juillet 1973 sur la terrasse d’un hôtel, à Zéralda, face à la mer (El bahr) et au cours duquel mon cousin Yazid (guitariste, pianiste et surtout virtuose de la trompette) ex membre du groupe musical bônois Les Whyskol’s, chanta, dans une ambiance conviviale et devant une assistance admirative, joyeuse et sympathique, une belle chanson sentimentale intitulée « Pitié, pitié »
Lamine Bey Chikhi
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