Ce que je pense de Bouteflika -46-

Posté par imsat le 8 mars 2014

Il n’est pas aisé d’être autonome, pondéré, objectif, impartial dans l’appréciation que  l’on fait  d’un personnage politique. Depuis 1999, j’ai entendu débiter toutes sortes d’insanités à propos du Président. Mais je n’ai jamais cédé au chant des sirènes. En dépit des commentaires tendancieux de ses ennemis, du grossissement délibéré, exagéré de certains de ses défauts, du rejet systématique et absolu par ses adversaires de tout ce qu’il représente, de leur propension à la mystification, je suis toujours resté droit dans mes bottes. Mon opinion  à son sujet n’a fondamentalement pas changé. J’avoue tout de même m’être quelque fois interrogé sur la recevabilité potentielle de certains arguments de ses opposants. Il m’est arrivé de penser que l’erreur était peut-être chez moi, que les autres pouvaient après tout avoir raison. Mais je finissais toujours par me ressaisir et par néantiser le mal qu’on disait de lui. J’ai rarement eu l’occasion de développer mon plaidoyer comme je l’aurais souhaité. Comment d’ailleurs le faire de vive voix face à des détracteurs violents, fébriles, grotesques, vulgaires, parfois même obscènes, nihilistes, douteux, intéressés ? Je me souviens de cet individu rencontré lors des funérailles de MM en 2007. Je ne le connaissais pas personnellement. C’était une relation de mon cousin Yabb. Nous étions devant le cimetière d’El Alia; nous attendions le cortège funèbre. Je crois que c’est Yabb qui se mit à parler de Bouteflika. L’autre saisit la balle au bond pour se lancer dans un réquisitoire d’une rare violence, insultant et plein d’imprécations contre le Président. Je ne disais rien, sidéré que j’étais par ce que j’entendais. Yabb, lui, paraissait plutôt dans son élément; il souriait, allant même jusqu’à corroborer les propos de notre « interlocuteur » par quelques-uns de ses jurons préférés, sachant certainement que, ce faisant, il allait encourager l’autre à surenchérir. Et c’est ce qui s’est effectivement passé jusqu’à l’arrivée du cortège funèbre. Le lendemain, j’ai dit à Yabb comment il pouvait fréquenter ce type et supporter sa façon de s’exprimer. Il m’a répondu qu’il ne le rencontrait qu’exceptionnellement, qu’il faisait semblant de l’écouter, qu’il n’accordait aucun crédit à ses racontars, que le gars ne connaissait rien aux questions politiques, qu’il avait des comptes à régler avec le système, qu’il avait toujours été de mauvaise foi et que de toute manière, lui, Yabb, en avait vu bien d’autres dans sa vie.

Pour en parler sérieusement, il faut être de bonne foi. A vrai dire, même avec Yabb, les conversations relatives au Président étaient souvent superficielles, anecdotiques, expéditives, caricaturales. Et elles l’étaient de son fait, pas du mien. Je crois que lui aussi, comme nombre de « critiques », était dans les faux-semblants, les jugements étriqués et sommaires. Au fond, Bouteflika était le dernier de ses « soucis ». Je m’efforçais de lui expliquer que, pour en parler objectivement, il fallait être sérieux, intellectuellement honnête, de bonne foi, sincère et désintéressé. Je lui disais tout cela; il me donnait raison; il me disait qu’il partageait complètement mes analyses  et qu’il les relayait à chaque fois qu’il en avait l’opportunité. Pour me convaincre, il me disait que si tel n’avait pas été le cas, il ne voyait pas pourquoi il me demandait régulièrement de lui livrer les écrits que je rédigeais au sujet de Bouteflika à la veille des différents scrutins présidentiels. Je restais quand même dubitatif. Même avec moi, Yabb faisait semblant. Je le savais. Je m’en accommodais plus ou moins. De toute façon, mes idées restaient intactes.

Lamine Bey Chikhi

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Ce que je pense de Bouteflika -45-

Posté par imsat le 5 mars 2014

« Un homme n’est rien d’autre que ce qu’il fait. Mais il est d’abord ce qu’il a voulu faire ». Cet aphorisme est extrait de Mémoires intérieurs de François Mauriac. Pourquoi citer de nouveau cet écrivain dont je précise qu’il fait partie de mes auteurs favoris ? Eh bien parce que Mémoires intérieurs a été  mon livre de chevet durant les années 1970-1980. J’y ai trouvé la quintessence de l’écriture. Le style du romancier me plaît. Je ne m’en lasse pas. Dans ce que je considère comme un journal, Mauriac évoque son enfance, le silence en littérature, l’odeur de l’asphalte, ses auteurs préférés (Gide, Baudelaire, Proust, Balzac, Dostoïevski, Flaubert…) la peinture, les choses de la vie. Je reprends Mémoires intérieurs de temps à autre et j’en relis quelques passages. Je me rends compte que je le fais exactement comme autrefois, avec les mêmes prédispositions, les mêmes aspirations.  Je me délecte en lisant Mauriac.

Une approche politique de la culture ? Pourquoi l’évoquer aujourd’hui ? Parce qu’en renouant avec lui, je me suis interrogé sur les goûts littéraires, artistiques de Bouteflika. Si, comme le soutient l’auteur de Thérèse Desqueyroux, « un homme est d’abord ce qu’il a voulu faire » alors, je peux dire que le Président a tenté de concrétiser pas mal de projets dans le domaine culturel. Il a fait ce qu’il pouvait pour sortir le pays de la léthargie ou plutôt du chaos dans lequel l’avaient plongé dix années de violences de toutes sortes. Je crois qu’il a une approche politique de la culture. Je pense qu’il voulait désenclaver l’Algérie sur le plan culturel en même temps qu’il essayait de le faire sur la scène diplomatique. Je ne l’ai jamais entendu évoquer la culture autrement qu’en référence à son intégration à une politique globale de développement. A cet égard, je citerai les manifestations d’envergure qu’ont été Alger capitale de la culture arabe et Tlemcen capitale de la culture islamique. Je mentionnerai également les festivals d’été (Timgad, Djemila…) et plein d’autres événements culturels institutionnalisés depuis son retour au pouvoir en 1999.  Cela dit et sur un plan individuel, peu de choses retiennent l’attention. Je ne l’ai, par exemple, jamais entendu citer un auteur, un livre, un parcours littéraire. Je crois qu’il aime le cinéma, la musique. Il a assisté à des concerts de Warda El Djazairia et Majda Erroumi. Je crois aussi qu’il apprécie beaucoup les ballets du libanais Abdelhalim Caraccala. Il a quelquefois rencontré des artistes, échangé avec eux dans la bonne humeur. Que pense t-il de la littérature ? Des auteurs algériens ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que la désignation par ses soins de Yasmina Khadra à la tête du CCA (Centre culturel algérien à Paris) ne semble pas avoir produit les effets escomptés. La question du retour sur « investissement » reste posée. D’autres détails sont-ils susceptibles de renseigner sur sa pensée, ses idées culturelles ? Personnellement, j’aurais aimé qu’il dise quelques mots de l’élection d’Assia Djebar à l’Académie française. Silence politique de sa part du fait de certaines connotations culturelles et historiques de ce choix,  « dévaluation » délibérée de l’événement ou tout simplement absence chez lui du sens littéraire ? Il m’est arrivé de penser que, s’il avait eu le temps de s’intéresser à la littérature, il ne serait pas resté indifférent à l’itinéraire des auteurs algériens les plus marquants. Mais je continue de croire que s’il aimait la littérature, il aurait pris le temps d’en parler directement à la faveur de certains événements culturels, sans charger quelqu’un d’autre de le faire à sa place.

Lamine Bey Chikhi

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Ce que je pense de Bouteflika -44-

Posté par imsat le 3 mars 2014

 Il y a encore beaucoup à en dire. C’est inépuisable. Je suis intarissable sur ce que  j’aime. En même temps, en  parlant de lui, je parle de moi. Tout ce que j’essaie d’exprimer ici est personnel. Quand on admire quelqu’un ou du moins quand on s’intéresse à lui, on peut dire pourquoi mais on peut aussi  se contenter de dire : « C’est ainsi, un point c’est tout ! ». En réalité, je me situe dans cette double optique. En le formulant de cette façon, je songe au cinéma. Je suis d’ailleurs souvent tenté par le parallèle avec le cinéma. Commenter méticuleusement un film, le jeu d’un acteur, une mise en scène n’a jamais été ma tasse de thé. J’ai adoré les versions américaine et russe de « Guerre et paix ». Elles m’ont procuré un plaisir immense. Mais je n’ai fait que survoler le roman éponyme de Tolstoï. Dans les deux cas, je pourrais dire pourquoi mais je ne le ferais pas ici. J’aime aussi tous les films interprétés par Lino Ventura. J’ai toujours aimé sa façon de manger; elle me donne envie de manger. Lorsque je pense à lui, c’est cela d’abord que je visualise. Je pourrais en  dire davantage mais pour moi cela suffit. Je pourrais raisonner de la même façon au sujet de Bouteflika. Parler ainsi d’un homme d’Etat, ce n’est pas l’appréhender en termes exclusivement politiques ni sous un angle académique. Faire de l’art pour l’art, écrire pour écrire : je trouve que c’est ce qui compte en premier. Le ravissement, le plaisir, l’étonnement, la fascination pour tel ou tel aspect, se ressentent, se vivent d’abord dans cette liberté élémentaire de pouvoir regarder les êtres et les choses sans devoir nécessairement s’expliquer outre mesure. Peut-on dissocier justement l’oeuvre de son auteur ? Question éminemment littéraire et/ou artistique et abondamment commentée par les spécialistes. Elle est transposable à d’autres domaines. Dans le même ordre d’idées, peut-on évoquer un homme politique, un leader, abstraction faite de son environnement et de ses zones d’ombre ? Je crois y avoir déjà répondu, du moins en partie. La question reste centrale dans les décantations que j’essaie d’opérer dans mes réflexions sur le Président. Le « tri » a également concerné mes propres souvenirs. J’ai délibérément zappé nombre d’images. Je les avais pourtant formalisées par écrit. Je me suis demandé s’il fallait en rendre compte. J’y ai renoncé. Je les avais enregistrées dans un moment de contrariété. Elles ne sont pas à l’avantage du Président. Je me suis censuré. Les moments en question avaient un peu à voir avec certains acteurs politiques que je trouvais détestables, antipathiques.

Un contraste saisissant. Ces gens-là étaient aux antipodes de mon idée de la politique. Ils faussaient complètement l’image du Président. Lui essayait de tout tirer vers le haut tandis que les autres régressaient. Le contraste était aussi là, saisissant, terrible. Il me rapprochait de lui tout en m’éloignant irrémédiablement de sa périphérie (ces remarques restent globalement valables aujourd’hui). Si j’ai dit que j’avais encore à parler de lui, c’est parce que je l’ai longuement observé, regardé, écouté, jaugé. Je l’ai fait constamment, patiemment. De ce point de vue, j’ai été tellement assidu que j’ai fini par me forger une appréciation totalement autonome par rapport à tout ce qui se disait de lui dans les médias, dans la rue. Tout ce qu’on me rapportait ou que je lisais dans la presse me paraissait superficiel, tendancieux ou expéditif. Je ne m’efforçais jamais de contredire mes interlocuteurs. J’aurais prêché dans le désert. Ce que je pensais vraiment, je préférais l’écrire.

Lamine Bey Chikhi

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Ce que je pense de Bouteflika -43-

Posté par imsat le 1 mars 2014

Suis-je sincère dans ce que je dis de lui ? Ne serais-je pas en train de me raconter des histoires à dormir debout, de me faire tout un cinéma à son sujet ? Prétendre l’aimer comme je le fais, ne serait-ce pas aimer un certain conservatisme, une certaine nostalgie, le relatif confort ou plutôt le bonheur de retrouver les choses là où on les avait laissées ? Je ne répondrai pas à ces questions ni à celles qui leur seraient liées, de façon directe, linéaire. Je le ferai autrement. Quelques-unes de ces réponses se trouvent dans des réflexions précédentes. J’aime bien fragmenter les choses. J’aime bien aussi saisir, capter des formules, des idées, les mémoriser sur le champ avant de les traiter le moment venu. Conversation téléphonique hier avec B. Selon elle, Bouteflika est en train de réinventer la fonction présidentielle. Je suis entièrement d’accord avec elle. L’appréciation est intellectuellement très intéressante. Dès qu’ elle m’en a fait part, j’ai immédiatement pensé au hasard et à la nécessité, à leur lien intime. J’expliquerai pourquoi, un autre jour.

Le hasard et la nécessité. Au reste, il y aurait pas mal d’observations à formuler sur l’itinéraire du Président en rapport avec le hasard et la nécessité, leurs connexités. Est-ce essentiel pour la compréhension du personnage, pour les implications d’une telle équation sur l’Algérie ? Je crois en tout cas que c’est utile. C’est justement en songeant aux corrélations dont il s’agit que j’ai dit à B que les questions politiques, en ce qu’elles mettent en scène des personnages, des enjeux de pouvoir (mais pas seulement), des situations extrêmement complexes, n’étaient l’apanage de personne. C’est pourquoi, je pense que ce serait bien que des spécialistes algériens de la littérature s’emparent par exemple des discours de Bouteflika et les dissèquent selon leurs grilles de lecture. Je suis convaincu qu’ils y trouveraient bien des éléments profitables non seulement pour eux en tant qu’universitaires mais aussi pour le plus grand nombre. Je dis « le plus grand nombre » en songeant aux perspectives diverses et variées susceptibles d’être proposées par l’approche littéraire qui dévoile, surprend, invite à des bifurcations toujours nouvelles, permet le cas échéant de fixer les choses, de susciter la polarisation là où elle s’impose, et de faire en sorte que le  thème étudié à travers des textes, des discours prenne la forme et le chemin d’un  récit. Bouteflika, c’est un peu aussi tout cela, autrement dit un récit, une épopée indissociable de l’Algérie et vice versa. Au fond, c’est ainsi que j’ai voulu le voir. C’est autour de cette idée que j’ai souhaité inscrire ma démarche. B qui sait ce que décortiquer un texte signifie, et ce, pour l’avoir étudié, enseigné, pratiqué pendant plus de 40 ans, partage mon point de vue. Elle estime qu’il ne s’agit pas seulement d’informer mais de raconter. L’information est abondante et dans bien des cas, surabondante. Ce qui fait défaut, ce n’est donc pas l’information ou le commentaire à l’état brut. Ce qui est absent, c’est le récit, la structuration de ce que l’on essaie de dire dans l’espace et dans le temps. Ce qui manque, c’est le recul, la distance. Et la vision littéraire apporte le recul, le détachement nécessaire, celui qui permet de jeter sur le personnage concerné une lumière qui le mette à l’abri de tout ce qui risque d’en parasiter et par conséquent d’en dénaturer la compréhension. Il s’agit là d’une ébauche de la thématique à laquelle je songe. Tout cela est donc à peaufiner.

Lamine Bey Chikhi

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