Ce que je pense de Bouteflika -60-

Posté par imsat le 9 avril 2014

Est-ce utile et intéressant d’évoquer son rapport à la France, aux dirigeants de la France ? En me posant cette question, je me suis aussitôt souvenu de la rencontre avortée entre Liamine Zéroual et Jacques Chirac, en octobre 1995, en marge des travaux d’une session de l’ONU. Zéroual voulait que la rencontre soit médiatisée; il ne souhaitait pas que l’entretien ait lieu en « catimini ». Chirac ne tenait pas à ce que les caméras soient présentes parce qu’il craignait une instrumentalisation de cette rencontre à quelques encablures de la présidentielle algérienne de 1995. Les algériens avaient apprécié l’attitude de Zéroual. Comment Bouteflika aurait-il agi à la place de Zéroual ? Je crois, je suis même convaincu qu’il aurait adopté une posture complètement différente. Il aurait traité la situation diplomatiquement; il n’aurait pas lâché la proie pour l’ombre; il aurait accepté une rencontre non médiatisée et considéré l’absence de caméras comme un non-événement. Bouteflika a une autre relation à la France. Et dans ce rapport, la dimension personnelle, culturelle est incontestable. Il y a aussi, dans cette convergence, des soubassements politiques indéniables. J’y vois également une espèce de complicité intellectuelle avec des responsables français. Leurs entretiens ont toujours été longs et approfondis.  A t-il une préférence pour les socialistes plutôt que pour les représentants de la droite ? Il ne le montre pas, parvenant à discuter dans une totale sérénité avec les uns et les autres. Il dialogue avec eux directement, l’esprit très ouvert et fluide. Il n’a jamais eu besoin d’intermédiaire. Je l’ai dit, c’est culturel. Cet élément influence t-il sa perception de la relation politique et économique entre les deux pays ? Je crois qu’il a toujours assumé le caractère spécifique de cette relation, y compris lorsqu’il lui est arrivé d’emboîter le pas à ceux qui, en Algérie, rappellent sporadiquement les méfaits du colonialisme français. En même temps, assumer la singularité de la relation entre l’Algérie et la France, c’est aussi faire de la realpolitik au vu précisément de ce qui lie les deuxpays à tous les niveaux. C’est peut-être banal de le rappeler mais ce n’est pas inutile.

La part des choses. Pour dire vrai, je voulais surtout m’interroger sur le fait de savoir si les sentiments exprimés par Bouteflika étaient réciproques, si le « bonheur » de converser longuement avec ses interlocuteurs était partagé, s’il n’y avait pas de sa part une surévaluation non fondée de son rapport à la France. Si je suis quelque peu sceptique à cet égard, c’est parce que je ne ressens pas vraiment le même feeling « De l’autre côte la mer » (pour reprendre le titre d’un film consacré justement à la relation entre les deux pays). Et cet autre côté, c’est ce qu’expriment les médias, certains milieux politiques et une partie de l’opinion publique en France. Comment qualifier ce rapport ? C’est difficile à expliquer. Ce dont je suis sûr, c’est que cela est lié à ce qui traîne encore dans le sillage de la décolonisation, même si l’Algérie est indépendante depuis un demi siècle. Il y aurait un reste à « liquider ». Et ce solde n’est pas sans impact sur la coopération globale entre les deux pays. Il y a de l’inachevé dans le processus relationnel. Bouteflika a toujours fait de son mieux, d’abord comme ministre des Affaires étrangères puis comme Président, pour assainir cette situation. Je pense, mais je me trompe peut-être, qu’il s’est toujours impliqué sentimentalement, psychologiquement nettement plus que ses homologues français. Boumediene, par exemple, n’était pas dans la spontanéité vis-à-vis des dirigeants français. Bouteflika parvient, quand cela s’impose, à faire la synthèse des deux approches, notamment dans les moments de crispation, de tension entre les deux pays. Je lui ai toujours fait confiance dans le traitement de  cette problématique. Sa formidable expérience politique, sa grande connaissance des relations internationales, sa culture, son sens de l’anticipation, tout cela lui a permis de faire systématiquement et intelligemment la part des choses tout en se souciant d’abord et avant tout des intérêts supérieurs de l’Algérie. 

Lamine Bey Chikhi

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Ce que je pense de Bouteflika -59-

Posté par imsat le 7 avril 2014

Je m’étais promis de me polariser le moins possible sur la dimension politique du personnage. Je n’y suis pas parvenu. Je pensais qu’en me montrant le plus subjectif possible à son égard, je limiterais mon jugement politique au strict minimum. Le résultat est plutôt mitigé même s’il ne me déplaît pas. Je crois avoir maintenu un relatif équilibre entre, d’une part, les arguments objectifs puisés d’une observation assidue de l’action politique du Président et, d’autre part, mes sentiments personnels sur ce qu’il m’inspire plus globalement, au-delà du politique. J’avoue que je n’aurais jamais pu engager la même démarche au sujet de ses prédécesseurs; je n’en aurais eu ni l’envie ni l’inspiration. Et c’est précisément ce qui explique la symbiose que j’ai tenté de réaliser, s’agissant de Bouteflika, entre ce qui relève de la raison et ce qui découle de l’impression personnelle, du désir de dire. Cette double optique me convient parfaitement en ce qu’elle n’est ni linéaire ni académique ni statique. Je me suis intéressé à Bouteflika notamment parce qu’il est multiple, controversé, atypique, génial, profond, spécial, littérairement attractif. Quand je souligne qu’il est littérairement intéressant, c’est pour dire qu’il m’a toujours donné envie de citer des auteurs pour exprimer ce que je ressentais pour lui, pour son parcours, pour ce qu’il a fait pour l’Algérie. Aucun de ses prédécesseurs n’a suscité chez moi une telle tentation. C’est d’ailleurs là un autre élément qui le singularise et qui fait de lui un personnage positivement complexe.

Il a déjà marqué l’histoire. Si je déborde d’imagination dès qu’il s’agit de lui c’est justement parce qu’il n’est pas qu’un personnage politique, que son action, ses postures ne sont pas réductibles à un projet politique ou à des ambitions exclusivement politiques. Il veut marquer l’histoire. Il l’a déjà marquée. C’est presque banal de le dire et c’est pourquoi je dis qu’il transcende même cette étape pourtant exceptionnelle et glorieuse. Dans mon imaginaire, tout cela est évident et indiscutable. Est-ce le cas dans l’imaginaire collectif algérien ? Je le dirai une autre fois. J’espère ne pas oublier. Je crois m’être posé les questions essentielles à son sujet. Je me suis même amusé à déconstruire l’image positive que j’en avais. Théoriquement, je pouvais suivre ou du moins tenter de comprendre les raisonnements de ses détracteurs, y compris les plus radicaux d’entre-eux. En 1999, ses adversaires politiques et plus généralement tous ceux qui le détestaient disaient de lui qu’il était considéré par les « décideurs » comme le moins mauvais des candidats à la présidentielle, mais leurs arguments n’étaient pas fiables. Pour moi, Bouteflika n’était pas le moins mauvais des candidats; Abonder dans ce sens, ce serait reconnaître que les autres pouvaient faire valoir des qualités plus ou moins comparables. En réalité, intellectuellement, doctrinalement et culturellement, il était, à ce moment-là, le seul homme politique capable de traiter stratégiquement et politiquement la crise algérienne. Il y est globalement parvenu non seulement par le biais de son projet de réconciliation nationale mais aussi en engageant de vastes programmes de modernisation de l’économie nationale ainsi qu’une politique de répartition plus rationnelle des ressources du pays.

Lamine Bey Chikhi

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Ce que je pense de Bouteflika -58-

Posté par imsat le 5 avril 2014

J’ai certes affirmé ne pas pouvoir imaginer l’Algérie sans Bouteflika à sa tête mais je n’ai pas dit que l’Algérie ne serait pas viable sans lui ni que son destin en dépendait. En disant de lui qu’il était l’homme providentiel, celui dont l’Algérie avait effectivement besoin à un moment de son histoire, précisément parce qu’il fallait  mettre un terme à la tragédie des années 1990, je ne voulais nullement signifier que le sort du pays était entre ses mains. Je ne suis pas (je l’ai souligné à maintes reprises) dans une approche exclusivement politique du Président. « Un être vous manque et tout est dépeuplé ». C’est sur ce vers intemporel et plein de vérité de Lamartine que je m’appuierais volontiers pour expliquer ma difficulté à « voir » l’Algérie sans Bouteflika. C’est un sentiment très personnel, très subjectif. J’en ai parlé récemment à MC qui m’a dit qu’il me comprenait, que je n’avais pas me justifier, que c’était comme ça et qu’il n’y avait pas lieu d’en faire une thèse. Je sais bien qu’un pays n’est pas réductible ni subordonné à un homme même s’il lui peut lui devoir quelque chose parce que cet homme en a été le sauveur à telle ou telle étape historique. J’allais d’ailleurs mettre le mot sauveur entre guillemets pour en relativiser la portée, parce qu’il peut paraître excessif (et il l’est pour le plus grand nombre non seulement en Algérie mais aussi sous d’autres cieux), mais je l’ai laissé tel quel car, d’une certaine façon, Bouteflika a été un sauveur, au moins sur un plan politique. En tout cas, c’est lui qui a conçu la solution de sortie de crise à travers son projet de réconciliation nationale. Est-ce qu’on a tout dit quand on a dit cela ? Beaucoup ont déjà répondu affirmativement à la question. Ce n’est pas mon cas. Pourquoi ? Parce que mon propos n’est pas circonscrit à des considérations typiquement politiques. Quand je dis, par exemple, que j’adhère sans réserve à un processus de changement dans la continuité en relation avec Bouteflika, je ne suis pas que dans une perspective politique. La perception du changement dans la continuité peut être très personnelle; elle est donc susceptible de s’inscrire dans une optique individuelle qui serait volontairement ou involontairement en phase avec une démarche politique déterminée. Et une telle conception n’équivaut ni au statu quo ni à la stagnation. C’est plutôt une situation dans laquelle l’essentiel serait préservé pour pouvoir (individuellement et collectivement) rester à la fois dans le mouvement et dans la sérénité. Pour moi, l’essentiel dont il s’agit n’est ni matériel ni politique. Et c’est justement ce qui m’éloigne de tous ceux qui plaident pour une continuité pour des intérêts privés, catégoriels, groupusculaires,  pour des enjeux de pouvoir pas toujours clean. Pour moi, l’essentiel en question, c’est un ensemble d’équilibres, cette impression de long fleuve tranquille que l’on peut ressentir y compris en dépit de soubresauts et de risques plus ou moins fréquents mais dont on sait qu’ils ont été intégrés, paramétrés dans les logiciels du chef. Et puis, il y a cette envie de renouer avec une certaine douceur de vivre des années 1960 dont je pense aujourd’hui qu’elle n’était possible, perceptible, accessible que parce qu’elle était dissociée des conjonctures et des préoccupations politiques.

Lamine Bey Chikhi

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Ce que je pense de Bouteflika -57-

Posté par imsat le 2 avril 2014

Parler de lui, c’est aussi parler des autres. Aujourd’hui, je pense en particulier à ceux qui se sont retournés contre lui  soit parce qu’il les a limogés soit parce qu’ils n’ont pas obtenu de lui ce qu’ils souhaitaient. J’ai toujours trouvé détestable le revirement des gens en question. J’en ai recensé une bonne vingtaine parmi les personnes publiques concernées. Ces individus ont fini par se montrer haineux, vindicatifs à son égard. J’aurais volontiers abondé dans leur sens si leurs critiques avaient porté uniquement mais objectivement sur sa gouvernance, ce qui n’a jamais été le cas. Ces gens-là continuent d’ailleurs de délirer à son sujet. Ils délirent tellement qu’ils finissent par tout confondre, le système et l’Etat, le pouvoir et le régime, Bouteflika et les clans, etc. Ils s’attaquent au système mais ils évitent soigneusement d’y inclure l’institution militaire. Ils stigmatisent très rarement l’Etat ou les pouvoirs publics en tant que tels, préférant mettre  sur la sellette, le pouvoir ou le système comme si ces deux notions étaient intimement et exclusivement liées à la personne même de Bouteflika et de ses proches, feignant d’ignorer qu’elles recouvrent des réalités diverses et complexes. En vérité, je n’ai pas très envie de m’étendre là-dessus; ça ne présente aucun intérêt particulier.

Il gère parfaitement le silence. Ce qui m’intéresse, c’est le silence du Président face à l’agressivité de ses détracteurs, à leurs violences verbales. Un silence légitimement méprisant. Ce silence qu’il gère parfaitement, est tout à la fois tactique, stratégique, moral, philosophique. Il est bien intégré dans son timing. Il conforte sa stature d’homme d’Etat. Il signifie que lui, Bouteflika, Président de l’Algérie, est au-dessus de la mêlée. Il veut aussi dire à ses détracteurs qu’ils ne sont pas à la hauteur des enjeux liés à la politique, à l’Etat, à la nation. Dans ses discours, il a toujours zappé ces individus. Pour lui, ce qui a toujours compté, ce qui compte, c’est l’Algérie. Il s’adresse aux algériens en général. Il lui est fréquemment arrivé de dénoncer les carences des pouvoirs publics mais je ne crois pas l’avoir entendu s’en prendre à des personnes en particulier. Il n’a jamais fustigé ceux (ex ministres, anciens Chefs de gouvernement) qu’il a dû congédier, souvent pour de bonnes raisons, alors qu’eux sont devenus extrêmement virulents à son égard une fois éjectés de leur poste. « La parole est d’argent mais le silence est d’or ». Eh bien, cela va parfaitement au Président qui donne ainsi au silence l’importance qui lui convient. J’ai toujours apprécié et compris sa stratégie du silence. Il y a ses discours, ses nombreux discours, prononcés en Algérie ou dans des forums internationaux. Et il y a ses silences. Et ses silences se métamorphosent en discours. Je les interprète ainsi. Il parle et c’est bien. Il ne s’exprime pas et c’est tout aussi bien. Le silence, ce n’est pas qu’une posture, c’est une  vraie discipline, une maîtrise de soi. Bouteflika, c’est aussi tout cela. De ce point de vue également, il a toujours eu plusieurs longueurs d’avance sur ses adversaires.

Lamine Bey Chikhi

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