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Escale proustienne -13-

Posté par imsat le 24 septembre 2014

« Quand on n’a pas de souvenirs, on n’a rien ». Cette phrase de l’écrivain américain James Salter (88ans) rapportée par le présentateur de l’émission littéraire La grande librairie diffusée sur la 5 (18 septembre 2014), sonne comme une sentence indiscutable, sans appel.  Moi, j’y adhère ipso facto; je m’y retrouve complètement. Ce qui me plait en elle, c’est qu’elle suggère une perception, une approche active des souvenirs. Son auteur est peut-être un disciple de Proust. Du reste, beaucoup le sont mais ne le disent pas ou ne veulent pas le reconnaître. Ainsi donc, quand on a des souvenirs c’est important, c’est même fondamental mais ça ne l’est que si on en fait quelque chose. C’est un vrai capital. Mais si c’est un capital dormant, oisif, ça ne présente aucun intérêt. Il ne s’agit pas ici de convaincre qui que ce soit de ce qui n’est justement évident que pour ceux qui y sont déjà ou qui y ont toujours été. « Quand on n’a pas de souvenirs, on n’a rien ». Je pourrais le répéter des dizaines de fois sans m’en lasser. La redondance de certains aphorismes, c’est comme un agréable refrain musical. Cela apporte comme un second souffle à ceux qui voudraient en « épuiser » l’interprétation, pas seulement d’ailleurs pour se faire plaisir. Ce second souffle est en réalité constant; il se renouvelle sans cesse parce que chaque souvenir en appelle un autre, ça ne s’arrête jamais, et c’est bien. Faut-il se contenter de dire, de parler ou faut-il plutôt écrire ? Ce n’est pas la même chose. A la recherche du temps perdu, c’est une méditation au long cours, des années d’écriture, des milliers de pages, des notes, des carnets, des cahiers, des brouillons, diverses versions préliminaires. En somme, c’est toute la mémoire transcrite par écrit, des images à perte de vue. Je le redis: je trouve plus jouissif non pas d’aller directement à l’écriture mais de faire le lien entre dire et écrire. Se limiter à dire et espérer fasciner par ce biais n’est pas donné au commun des mortels. Dans mon entourage familial d’autrefois, certains avaient cette capacité, ce pouvoir de capter l’attention durablement et qualitativement en relatant leurs souvenirs. Il faut donc écrire ! Oui mais la démarche référentielle renvoie t-elle à la vie personnelle ou à l’imaginaire ? Ce qui me séduit, c’est ce qui maintient le contact entre le réel d’hier et celui d’aujourd’hui.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -12-

Posté par imsat le 22 septembre 2014

J’ai indiqué quelque part que je n’avais pas tout dit et que par conséquent j’aurais encore beaucoup à dire. Encore faut-il pouvoir ou plutôt oser le faire. Proust, lui, l’a fait. Et dans tous les sens du terme. Dans le documentaire qui m’a servi de transition pour rebondir sur les questions liées à la mémoire, au souvenir, je ne me rappelle pas avoir entendu les lecteurs de Proust interviewés souligner, par exemple, que Le temps retrouvé, qui parachève l’oeuvre de l’auteur, n’a été retrouvé que parce que le romancier a dit tout ce qu’il avait à dire, considérant que c’était bien le cas. Pour oser tout dire, pour pouvoir mettre ses tripes sur la table, il faut être transgressif, complètement transgressif. Il faut aussi savoir rentabiliser les interdits, autrement dit les explorer à fond, les instrumentaliser absolument. Moi, je ne suis pas apte à aller au fond des choses. Chez Proust, il y en a pour tous les goûts. Il sait aussi rester à la surface des choses, dans l’implicite, inciter à la supputation. C’est également cela qui m’intéresse dans son écriture. Il n’en demeure pas moins que dire les choses en les contournant, en les jaugeant de loin ou encore se tenir à distance de situations essentielles, en les occultant d’une certaine façon, c’est finalement les craindre. Craindre de ne pas les maîtriser, de se laisser submergé. On n’est pas loin du mensonge par omission. Proust, lui, n’est pas dans les faux-semblants. Il a parlé de lui, de sa vie, de son entourage à tous les temps. Il s’est projeté tous azimuts. Il a endossé nombre de personnages; il s’est décrit tel qu’il fut, tel qu’il aurait voulu être et tel qu’il n’a jamais été. Sans concession, sans complaisance. Son génie se niche partout; il éclate à chaque phrase, il s’intercale merveilleusement entre les mots. Il est partout, dans le style, dans ce qu’il imagine, dans ce qu’il dit de son rapport à la vraie vie, aux hommes, aux femmes, à la société.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -11-

Posté par imsat le 20 septembre 2014

Il y a 4 ans, disparaissait Mà (ma chère mère). Je ne pouvais évidemment pas passer sous silence cet anniversaire. Mais, le rappeler ainsi n’a rien de singulier. C’est juste une manière de noter que 4 années se sont écoulées depuis son décès. Ce n’est pas non plus spécial pour la simple raison qu’elle est toujours dans mes pensées; pour être plus précis, je devrais dire: « tous les jours, au quotidien ». Je n’invente rien, je n’exagère absolument pas en le disant. Au reste, je ne trouve rien d’extraordinaire au fait qu’elle reste encore pleinement présente dans ma vie de tous les jours. Je ne fais aucun effort en ce sens. Il n’y a rien de délibéré de ma part. Quand je l’évoque dans cette escale proustienne, ce n’est pas du tout la résultante de quelque volontarisme de ma part. Elle est dans un continuum naturel non seulement par rapport à ce que j’ai dit d’elle sur ce blog avant et après son départ mais aussi en considération de ce qu’elle représente encore pour moi au présent, dans le réel. Elle est toujours là. Hier, avec A, la conversation sur certaines banalités de la vie a fini par bifurquer sur diverses conceptions du bonheur. Eh bien, j’ai cité spontanément Mà pour rappeler qu’elle savait apprécier tous les petits riens générateurs de vrais instants de joie, de gaieté. Elle était éligible au bonheur, mais avec rien, à partir de presque rien. Je crois que cette vocation avait à voir avec des facteurs culturels, historiques, familiaux, généalogiques. Cela signifie t-il qu’une telle vocation constitue une sorte de privilège réservé aux « âmes bien nées » ? Je suis parfois enclin à le penser. Ce n’est pas nouveau pour moi. Il m’arrivait d’en parler avec Mà. Je suis convaincu que nous en aurions approfondi le contenu à la faveur de cette escale. Nous en aurions profité pour cogiter agréablement sur Proust qui ne lui était d’ailleurs pas étranger. Nos échanges renvoyaient souvent à l’écrivain, à sa vie, à son époque. En même temps, je suis en train de le faire comme si elle était avec moi, comme si nous dialoguions directement, sans intermédiaire.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -10-

Posté par imsat le 17 septembre 2014

Quand on parle d’un roman, on pense presque toujours au produit fini qu’il constitue, très rarement aux efforts souvent gigantesques consentis par son auteur pour y parvenir. Les spécialistes eux-mêmes prêtent beaucoup plus attention au contenu du texte, au style de l’écrivain, aux liens possibles avec des éléments biographiques pour en comprendre les ressorts qu’à l’immense travail technique qu’il a fallu accomplir pour atteindre l’objectif fixé. Proust aussi a été approché de cette façon mais certains critiques se sont également intéressés à tout ce qu’il y avait en amont de son oeuvre. Dans son essai intitulé « Proust dans le texte et l’avant-texte » (Flammarion 1985), l’universitaire Jean Milly prend en charge nombre d’aspects antérieurs à la version définitive du roman.  A propos de ce qu’il appelle les constantes des avant-textes proustiens, il écrit : « Leur progression est loin d’être régulière; une ébauche peut être refaite dix fois, et chaque fois différemment; la composition n’est pas linéaire, et fréquemment des fragments se trouvent déplacés d’un endroit à un autre, très éloigné du roman; les suppressions sont au moins aussi nombreuses que les additions; certains maillons de la chaîne génétique ont disparu… » J’en déduis que les travaux préliminaires de l’auteur sont colossaux non seulement au regard des thématiques qu’il développe mais aussi de la formalisation qu’il finit par leur conférer après maintes et maintes corrections, après maintes et maintes souffrances. Il y a dans ce labeur tout à la fois de la passion, de l’exigence, de la discipline, de la colère, des incertitudes, des satisfactions, des doutes et puis surtout cette volonté constante de chercher le mot le plus juste, la ponctuation la plus adéquate, la phrase la plus achevée. Une virgule est à sa place, indiscutable, conforme à la règle mais Proust décide de la repositionner ou de la supprimer purement et simplement; il peut se le permettre; l’éditeur n’aura pas le dernier mot. Un lecteur a comparé l’oeuvre de Proust à une religion, une totalité; je l’ai déjà dit et je le comprends. Personnellement, j’exprimerais le même sentiment à l’égard de l’investissement quotidien intellectuel, physique, mental de l’écrivain dans l’accomplissement de son travail. On ne doit donc jamais oublier que Proust a sué sang et eau pour nous offrir la quintessence de ses écrits et permettre à ceux qui s’y retrouvent de tirer le meilleur profit des connexités plus que probables qu’il a si bien su établir entre la littérature et la vraie vie.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -9-

Posté par imsat le 15 septembre 2014

« L’oeuvre de Proust est née du silence… ». Je ne sais plus qui l’a dit. Peut-être Mauriac. En tout cas, pour moi, c’est évident; je veux dire que l’on ne peut s’engager valablement, sérieusement dans une quête particulière du temps perdu que dans la concentration, l’inspiration, l’apaisement. La tentative serait totalement vaine dans le vacarme, la violence, le chaos. Le silence requis n’est pas n’importe quel silence. Il est supposé s’inscrire dans une certaine continuité. Cette durée est illimitée pour ainsi dire; elle est conçue, imaginée de telle sorte qu’elle puisse correspondre à la consistance, à l’ampleur de la tâche envisagée; de telle sorte aussi qu’elle soit équivalente, en terme de couverture, à ce que représente le temps que l’on dit vouloir retrouver. Mà me disait souvent à propos de certaines choses de la vie: « Que vas-tu faire, que vas-tu laisser ? » Parfois, elle ajoutait: « Fais ce que tu peux; pour le reste, il faut s’en remettre à Dieu ». Cette recommandation, je m’en suis toujours servi dans ma machine à remonter le temps. Il y a, il y aura toujours quelque chose à dire de ce temps que l’on n’a pas connu ou que l’on n’a pas vécu intensément ou encore que l’on souhaite retrouver d’une certaine manière. Oui, cette recherche passe par le silence, ce silence seul à même de favoriser la focalisation nécessaire. Le téléphone sonne. Mon interlocuteur me parle du temps qu’il fait. Un vent chaud souffle sur Alger. Il fait lourd. L’été semble s’éterniser. Je ne suis plus dans le silence. Il faut regagner, réinvestir le monde du silence pour pouvoir se réapproprier celui du passé. Il m’arrive de faire un détour par la rue Marceau;  je le fais parce que je le veux; en vérité, je le fais rien que pour me souvenir. Et là, en deux ou trois minutes, défilent devant moi des dizaines d’images de Soraya avec tout ce qui lui était lié.  Pour moi, Rue Marceau, c’est un peu le temps ou plutôt le silence retrouvé grâce à Soraya. Mais n’est-ce pas au fond la même réalité ?

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -8-

Posté par imsat le 13 septembre 2014

Rien de ce que j’écris n’est définitif. C’est comme un brouillon. Tout est provisoire. Je corrige,  j’ajuste,  je rectifie,  je nuance,  je précise au fur et à mesure que j’avance. J’ai eu une conversation téléphonique avec CC. Nos échanges ont toujours été brefs, mais cette fois c’était différent. Il s’est mis à parler du passé. Il m’a dit qu’il ne se retrouvait pas du tout dans le contexte actuel, que tout ce qui pouvait nous relier à ce que nous étions jadis avait disparu, que même des gens de notre génération avaient fini par jeter l’éponge et s’aligner sur ceux d’aujourd’hui. Il n’avait pas besoin de détailler ses observations ni d’expliquer ses conclusions. Je le comprenais, il le savait même si son propos était par moments incohérent, saccadé, inaudible presque. Pourquoi j’en parle ? Eh bien parce que cela renvoie justement au passé et surtout à une nostalgie totalement différente de la mienne . Celle de CC  n’est pas mélancolique, elle ne prête pas à conséquence, elle est un peu tardive, elle n’est pas romantique, elle est pragmatique, elle ne fait pas de place aux fragrances, au charme d’autrefois, à la ferme Chikhi qu’il a pourtant bien connue, elle est mesurée, elle est trop adossée au présent, elle ne marque pas les esprits, elle ne dit rien des plaisirs gustatifs d’antan, elle passe sous silence les paroles proverbiales de nos parents, de nos grands-parents, elle est dans le constat désabusé, ne parvenant pas à s’affranchir des pesanteurs actuelles, à les dépasser, à les néantiser. Il faudra décoder tout ça. Je le ferai un jour en particulier par rapport à un point, celui ayant trait à ce qu’il m’a dit de la « mission » des Chikhi d’avant, celle conçue, définie, impulsée, boostée, mise en oeuvre, encadrée par notre arrière grand-père Ali et qui se serait achevée selon CC au tout début des années 60. Cet aspect relève t-il exclusivement de l’histoire ? Je ne le pense pas, et c’est précisément parce qu’il est susceptible d’être appréhendé sous divers autres prismes qu’il m’intéresse.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -7-

Posté par imsat le 11 septembre 2014

Je ne suis pas le seul à dire qu’on peut lire Proust dans la discontinuité sans perdre le fil conducteur de sa méditation. Ses évocations sont dans un télescopage permanent mais positif, inspirant; Toutes sortes de personnages font des allers-retours incessants dans ses textes; ils suivent le rythme, le souffle de ses souvenirs. J’aime bien cette cadence; j’y adhère pleinement car elle fait cohabiter en bonne intelligence des images étalées dans le temps, pas forcément directement liées mais néanmoins susceptibles par un effet miroir d’aider à jeter des lumières multiples sur les personnages mis en scène. J’aime donc cette approche car elle permet de passer indifféremment et sans que cela suscite la moindre lassitude d’une situation à une autre. Le présent n’est jamais bien loin car il s’agit d’abord d’observer, de constater pour ensuite jeter les ponts avec le passé. Le mot esbroufe me vient à l’esprit. Je me rappelle en avoir parlé au début de l’été avec A. Nous nous sommes amusés à établir une espèce de classement des champions du bluff dans le cercle plus ou moins proche. Nous sommes tombés d’accord pour accorder le leadership à ML, les trois autres places revenant à K, R et Y. Naturellement, nous l’avons fait pour rire même si nous savions que ce « palmarès » recouvrait bien une réalité à laquelle j’avais personnellement déjà longuement réfléchi. Cela n’avait pas grande importance mais comme je tiens toujours à faire la jonction avec le passé, je me suis interrogé sur un certain nombre de postures. Peut-on être à la fois hâbleur et nostalgique d’un certain passé ou du passé tout court ? Je dis immédiatement non si je m’en tiens à l’exemple précité. Des bluffeurs, il y en a toujours eu. Chaque époque a les siens. Ceux à qui je fais allusion ont pourtant connu, vécu mon époque de référence. En vérité, ils n’en ont cure ! C’est cela qui me fait penser que la nostalgie, parce qu’elle n’est pas accessible à tous, devient précieuse. C’est une « denrée » rare. Et c’est cette rareté qui fait sa valeur. Mon propos sur l’esbroufe de ML et compagnie n’est qu’une digression sur l’étendue du champ d’investigation lié aux souvenirs et à leurs retombées.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -6-

Posté par imsat le 9 septembre 2014

Faire parler des réminiscences ce n’est pas seulement s’arranger pour qu’elles émergent de la mémoire, c’est aussi et surtout essayer d’en tirer quelque profit. Quand je dis profit, cela n’a rien à voir avec ce que cette notion peut avoir de communément bénéfique ni avec l’intérêt qu’elle présente parce que cela s’inscrit dans l’air du temps. Au demeurant, je préfère le mot convivialité à celui de profit pour m’éloigner carrément de toute connotation utilitaire pratique et terre à terre. La convivialité en question se veut en rupture avec tout ce qui risque d’en brouiller les objectifs, précisément parce qu’elle n’a rien de matériel. Au fond, c’est une abstraction et comme toute abstraction, cela a à voir avec l’esprit, l’intellect, l’imagination, le rêve (éveillé ?). C’est aussi une démarche ouverte aux souvenirs des autres, à des fragments de leur vie, notamment ceux que l’on n’a pas connus. Les images d’autrefois ne sont donc pas cloisonnées. Leur reconstitution éventuelle ne demande pas à être rigoureuse ni dogmatique. Il n’y a pas à remettre à leur place les éléments d’un puzzle car il ne s’agit pas d’un puzzle. Pour moi, ce sont surtout des impressions, des sentiments que j’ai envie d’exprimer sur plein de choses. En ce moment, par exemple, je pense à mon père, à Dar El Foukara (la maison des pauvres), cette structure qu’il a mise en place à Batna en 1938 pour venir en aide aux nombreux nécessiteux de la ville. J’ai déjà évoqué ce point (cf le chapitre intitulé Les  Chikhi de Batna, le regard d’un historien). Aujourd’hui, ce qui m’intéresse, au-delà du fait historique proprement dit, c’est mon père tel qu’il devait probablement être à cette époque-là. En 1938, il avait à peine 29 ans ! Il avait ses affaires commerciales (et elles étaient extrêmement prenantes) mais il s’impliquait aussi activement dans le domaine caritatif et humanitaire. Aujourd’hui encore, je suis subjugué par cet aspect de sa personnalité et par tout ce qui lui est lié. Mon imagination me permet de visionner nombre de séquences à partir d’éléments parcellaires certes mais consistants et par conséquent suffisants. Quand je repense à cela, je me dis toujours : « Batna, 1938, mon père ouvre Dar El Foukara, c’est quand même pas rien » Je me dis aussi : « Dar El Foukara a vu le jour une année avant le second conflit mondial, donc bien avant les massacres du 8 mai 1945; et on était encore loin du déclenchement de notre guerre de libération nationale ». Il aurait pu se contenter de sa famille, de ses affaires, ce qui l’occupait déjà notablement. Quelles étaient ses motivations pour agir ainsi tous azimuts ? Que ne ferais-je pas pour en savoir davantage auprès de ceux qui l’ont connu durant la période en question ! Cela n’a rien à voir avec l’histoire appréhendée selon des règles et une méthode précises. Ici, les éléments historiques sont purement factuels; ils me permettent d’étayer l’admiration que j’ai pour mon père et corrélativement de retrouver par rapport à lui et peut-être aussi à d’autres personnes « ce monde en suspens » évoqué par Mauriac.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -5-

Posté par imsat le 7 septembre 2014

Dirais-je, à l’instar d’autres lecteurs, que ce que j’ai lu de Proust m’a aidé à jeter un regard particulier sur la vie, à apprécier le quotidien autrement que sous l’angle matériel ?  Je réponds oui sans aucune hésitation.  En même temps, je reste autonome dans le décryptage de mes souvenirs; je les sonde et les exploite comme je l’entends. Il n’y a pas longtemps, on m’a demandé si je n’avais pas un peu arrangé les choses en évoquant le passé et si, en définitive, mes compte-rendus étaient vraiment fiables, en particulier au sujet de notre mode de vie, je veux dire celui de notre famille, dans les années 50-60. Ce questionnement est intéressant. Sur le fond, je ne retrancherai rien à ce que j’ai déjà écrit. Je serais même plutôt tenté d’en rajouter, précisément parce que je n’ai pas tout dit, loin s’en faut. « Ce monde en suspens dans les saveurs et dans les odeurs ne se comprend pas, il se retrouve » (François Mauriac). Retrouver, redécouvrir, réévaluer, réinventer, être toujours disposé à éclaircir ce monde en suspens, c’est cela qui me motive dans la quête des images, des sensations, des visages d’autrefois. De ce point de vue, le passé n’est jamais révolu; soutenir le contraire est pour moi inconcevable. Ce que je pense avoir retenu de la Recherche, c’est notamment cette possibilité que l’on a, si on le veut, de hiérarchiser le temps de façon non conventionnelle et de renouer avec l’exploration du passé après y avoir renoncé provisoirement. Mauriac a dit de Proust qu’il n’aurait plus supporté de vivre s’il avait dû renoncer à retrouver le temps perdu. Je ne peine pas du tout à comprendre cette posture.  Pour moi, faire table rase du passé ou le traiter à la légère et ne regarder que devant soi, c’est tout simplement insensé.

Lamine Bey Chikhi

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Escale proustienne -4-

Posté par imsat le 6 septembre 2014

A la recherche du temps perdu, c’est une oeuvre d’art. Je sais qu’on l’a déjà dit. Je le dis à mon tour. Ce sont des tableaux que l’on peut apprécier aussi bien dans leur interdépendance que dans leur autonomie propre. Et puis surtout, on n’est pas tenu, on ne se sent pas tenu d’expliquer ce que l’on éprouve en les admirant, l’important étant de s’en rendre compte, d’en prendre toute la mesure  et de le dire. Même quand on n’est pas expert en la matière, on peut toujours émettre un avis et cet avis est crédible parce qu’il est sentimental, subjectif. Quand on s’éloigne de ces toiles, on ne s’en détache pas vraiment ni définitivement. Pourquoi ? Eh bien parce qu’elles génèrent des extrapolations, des transpositions en rapport avec la vie personnelle. L’intérêt est là. La puissance suggestive de la Recherche est là ! Serais-je dans un processus de réécriture de mes propres souvenirs alors que j’en ai déjà relaté les plus marquants ? Oui s’il s’agit d’en amplifier certains aspects ou tout simplement de parachever des réflexions liées à des situations, des événements à propos desquels je n’avais peut-être pas pris la distance nécessaire. De toute manière, on n’en finit jamais avec ses souvenirs. Et on n’en finit pas parce que ce ne sont pas que des images fugaces, passagères, éphémères. Si je devais, par exemple, reparler du bien-être que je ressentais sur les chemins que j’empruntais pour aller rendre visite à ma grand-mère ou à mes tantes dans les années 60-63, je donnerais l’impression d’être dans la sur-interprétation alors même qu’il serait juste question de me remémorer sous d’autres angles et par un effort de volonté ce que j’avais marginalisé ou sous-estimé. Je veux préciser que tout en déclinant mes réminiscences sur ce blog depuis novembre 2009, je savais que ma démarche serait partielle, transitoire et je le savais parce que je sentais que je pouvais en tirer le maximum en termes de découvertes,  de « trouvailles ». C’était une question de temps. Autre exemple, si je devais revenir sur ce que j’ai écrit à propos de TY, je le ferais évidemment différemment non pas seulement parce que j’aurais pris du recul mais parce que des lignes auront entre-temps bougé. Le documentaire sur Proust n’est qu’un prétexte que j’ai saisi pour continuer à vivifier, redynamiser un de mes principaux centres d’intérêt : Faire parler les images d’autrefois dans l’inventivité…

Lamine Bey Chikhi

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