Escale proustienne -16-
Posté par imsat le 25 octobre 2014
Cette escale ne me contraint pas du tout à me référer à Proust pour tout et n’importe quoi. Pourtant, j’y songe à chaque instant ou presque. Librement, tantôt consciemment tantôt inconsciemment. Mardi dernier, j’ai acheté deux madeleines chez le boulanger de l’avenue Amirouche. « Pour déclencher des souvenirs » lui ai-je dit sur le ton de la plaisanterie. « Vous êtes un amateur de Proust ? » m’a t-il demandé. « Un peu plus que cela; il est souvent dans mes pensées » lui ai-je répondu. Il semblait partager mon propos. Il m’a encore dit : « vous serez toujours le bienvenu ici ». Le lendemain, rue Didouche Mourad, je croise HS. Je l’aborde spontanément. Il ne me connait pas. Moi, je le reconnais très vite; il n’a pas tellement changé. « je voulais juste vous présenter mes meilleurs voeux à l’occasion de l’Aid et en profiter pour vous dire ma nostalgie du JT de 22 h que vous présentiez en français dans les années 60-70; mais ma nostalgie est joyeuse, je ne suis pas dans la mélancolie ». Il m’a répondu: « Merci beaucoup, ça me touche vraiment ». Après quoi, je lui ai dit « Bonne promenade et bonne santé ». Y a t-il un lien avec Proust, son oeuvre ? Pour moi, oui. En fait, c’est quelque chose que n’importe quoi peut générer. En même temps, c’est un rapport dont l’ancrage est aussi bel et bien dans le réel. Le boulanger de l’avenue Amirouche connait Proust; du moins, en a t-il entendu parler. Le présentateur du JT des années Boumediene descendait la rue Didouche, l’air songeur, à la fois au-dessus de la mêlée et les pieds sur terre, flânant à son rythme (le rythme de celui qui prend le temps) mais comme à contre-courant du bruit et de la fureur de la ville. Le temps retrouvé, c’est donc un peu tout ce qui permet ces rencontres et qui leur donne du sens, une singularité. Concours de circonstances, hasard, mektoub : Quelle qu’en soit l’explication, ces « entrevues » ne me paraissent pas banales. Elles ne sont pas non plus toujours indépendantes de ma volonté; il m’arrive de les provoquer, de faire en sorte qu’elles aient lieu non pas comme s’il s’agissait de rencontres ordinaires, insignifiantes mais comme si elles portaient en elles des pans entiers d’une histoire, des stocks de souvenirs comparables aux miens.
Lamine Bey Chikhi
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