Une carte postale, quelques mots…

Posté par imsat le 27 août 2016

Ecrire ou parler ou alors parler et écrire ? Je ne répondrais pas directement à la question; si je le faisais, cela n’aurait aucun intérêt. Oui, je sais que je n’innove pas du tout par rapport à mes thématiques habituelles. En revanche, j’observe que, du point de vue du contenu ou plutôt de l’élément déclencheur de la réflexion, ce n’est presque jamais la même chose. Il y a aussi la forme de la situation qui génère l’envie d’écrire et singularise ce qui capte l’attention. Je devais le formaliser dans mon évocation des « paradis perdus » d’autant que cela est lié à Yazid, mais j’ai jugé préférable d’autonomiser le propos parce que j’en avais mémorisé l’image correspondante depuis longtemps. Quelques jours après le décès de ma cousine maternelle Oualida, il y a  près de 9 ans, Yazid envoya une carte de condoléances à Mà (ma mère). C’était une carte postale très sobre représentant des ruines romaines de Timgad; je l’ai conservée comme je l’ai fait pour bien d’autres documents similaires. C’est une archive, donc c’est précieux. Et puis, je ne trouvais pas cela ordinaire, banal, je veux dire qu’il y avait dans la démarche de Yazid une démarcation qualitative qui ne pouvait pas laisser indifférent. Mà fut extrêmement touchée par ce message de compassion; je crois qu’elle l’était autant par le fond que par la forme, le vecteur du message. Elle ne me l’a pas dit de façon précise mais je voyais, je sentais que nous partagions la même appréciation, la même émotion. Je crois aussi que je n’aurais pas évoqué ce souvenir s’il n’y avait pas eu la carte en question ou si Yazid avait simplement téléphoné à Mà ou s’il lui avait parlé de vive voix à l’instar d’autres membres de la famille. Il n’y aurait pas eu de souvenir sans la carte et la carte n’aurait pas présenté d’intérêt particulier si Yazid n’avait pas écrit ces quelques mots : « Chère Fatima, condoléances pour Oualida. Batna est toujours aussi belle. Un bonjour à Lamine, Ferid, Anis et Fouzi. Portez-vous bien, Yazid »  Mà ne s’y attendait pas, moi non plus…Je me rappelle m’être appesanti sur cette phrase : « …Batna est toujours aussi belle » qui pouvait signifier que la vie continuait malgré tout, que cette ville restait pour nous un repère, une balise dans notre parcours ou plus encore dans notre compréhension du monde. Dire que Batna est toujours aussi belle, c’est aussi marquer une sorte de continuité entre le passé et le présent. Je ne l’avais pas revue depuis plus de 20 ans; la perception que j’en avais était temporellement limitée; mon butoir, c’était le début des années 70. La phrase de Yazid est venue secouer le cocotier, pour ainsi dire, décloisonner les choses, instiller une dose d’optimisme, d’espérance dans notre rapport à cette ville.

Lamine Bey Chikhi

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