Improbables conjectures ?
Posté par imsat le 28 janvier 2017
Envie de plonger à nouveau dans les archives de mon père. Pourquoi ? Parce que j’ai l’impression qu’elles n’ont pas tout livré, pas tout révélé. Il me semble que je pourrais les faire parler davantage. A quoi bon ? Moi, je ne me suis jamais dit « A quoi bon ? » Pour beaucoup, la question est inévitable. Il m’arrive de me remémorer la période relativement longue allant de 1961, année de son décès, à la fin des années 90, durant laquelle je ne pensais à lui que de façon ponctuelle, furtive, superficielle. Ma réflexion à son sujet n’a commencé à prendre forme que début 2000. Replonger dans ses archives, ce serait comme un rattrapage. J’avais commencé à le faire et je crois avoir acté pas mal de choses en lien avec son parcours, sa personnalité, tout ce qu’il nous a légué, transmis. Je ne suis pas du tout mécontent de ce que j’ai écrit. Je veux souligner que cette démarche m’avait très vite enthousiasmé d’abord parce que le rattrapage en question que je souhaitais profondément se mettait en place, ensuite parce que je m’étais vite rendu compte qu’il y avait une différence notable entre le propos verbal et sa transcription écrite. L’écrit comble bien des vides, éclaircit et clarifie les choses, remédie à des insuffisances, à un retard, lève des malentendus, une incompréhension, permet de s’étonner. Les questions que je continue de me poser ne sont pas difficiles. Si mon père n’avait pas disparu prématurément (51 ans), est-ce que cela aurait changé les choses, et, dans l’affirmative, à quel niveau? dans quel sens? pour qui ? En quoi cela aurait-il impacté (pour reprendre un verbe à la mode) le destin de tel ou tel membre de la famille, voire un certain cadre extra familial, social. Je m’empresse de préciser que ces questions n’ont rien à voir avec la nostalgie, du moins avec la vision étriquée et simpliste qu’elle suscite en général. Mes conjectures ne sont pas déconnectées d’une certaine approche de l’histoire, celle que l’on interpelle sous le prisme familial mais pas seulement. Economiquement, mon père était un libéral. Sa vision aurait-elle été compatible avec le socialisme des années 60-70 ? Serait-il resté en Algérie ? Aurait-il patienté ? Se serait-il adapté ? La plupart de ses partenaires avaient quitté le pays. Aurait-il refondé sa stratégie économique et commerciale en réarticulant, en refondant les relations intra familiales ? Comment se serait-il arrangé dans le contexte de l’époque vu les ambitions qui étaient les siennes? Comment aurait-il canalisé son énergie, sa créativité, son dynamisme tous azimuts ? Beida pense à un parallèle entre le parcours de notre arrière-grand père paternel Chikhi Ali et celui de l’homme d’affaires REIS. D’un certain point de vue, il existe en effet des convergences entre les deux itinéraires notamment quant à la transcendance, la qualité, la globalité des objectifs recherchés. Mais il me semble qu’il y en a aussi avec la trajectoire de mon père, en tout cas avec ses probables évolutions, autrement dit avec ce qu’il aurait peut-être réalisé s’il avait vécu 15 ou 20 ans de plus. Toutes les hypothèses sont ouvertes. Les décliner dans l’inventivité, la liberté, l’objectivité n’est pas du tout une perte de temps ni une quête illusoire. Je le dis comme ça parce que je trouve qu’on ne prend plus le temps aujourd’hui de s’arrêter collectivement sur des images. Je crois qu’on passe à côté de bien des situations dignes d’intérêt qu’on préfère occulter parce qu’on les juge a priori encombrantes, inutiles, perturbantes. En tout cas, il reste toujours possible d’emprunter une autre voie dans l’appréhension du passé, ce serait une introspection tranquille, silencieuse, intérieure, intime qui n’aurait pas besoin d’être « délocalisée » ou « externalisée » pour reprendre là aussi des termes en vogue dans le domaine de l’économie. En même temps, on peut ne pas se contenter de l’intériorisation surtout si les images qui l’accompagnent sont innombrables, diverses, riches et extraordinairement motivantes. L’idéal consisterait peut-être à alterner cette méditation silencieuse et sa matérialisation écrite parce qu’ il y a toujours une complexité à dire, à expliquer et d’abord à comprendre.
Lamine Bey Chikhi
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