Un écrivain peut-il se contredire ?

Posté par imsat le 19 juin 2017

Il y a nombre de textes sur lesquels j’aurais voulu revenir, pas nécessairement pour en revoir le fond. Il y en a parmi eux dont je disais qu’ils constituaient juste l’esquisse, l’ébauche d’une réflexion que j’aurais à développer ultérieurement. Moi, je ne suis pas écrivain, je suis juste un blogueur ordinaire; je peux me permettre des volte-face, des revirements. Mais un écrivain (un vrai) peut-il se permettre de se contredire, de dire une chose et son contraire dans une phrase, un chapitre, un livre, une oeuvre ? Des critiques littéraires répondent affirmativement à la question. Je crois que cela ne vaut pas que pour les auteurs. Le souci de la nuance, la recherche opiniâtre du mot juste, la crainte de se voir reprocher une déficience, des lacunes, quelques erreurs dans la présentation des choses, tout cela peut parfois pousser à la contradiction. Mais il y a aussi la contradiction délibérée, consciente, totalement assumée. On n’a pas besoin d’expliquer ce que l’on assume. C’est à prendre ou à laisser ! Les observateurs, les commentateurs ne se positionnent pas clairement par rapport à ce thème. J’en ai vu un défendre bec et ongles le romancier qui était en face de lui en disant grosso modo qu’un écrivain n’avait pas à être dans la linéarité, la tranquillité, la logique, qu’il n’était pas tenu non plus de caresser le lecteur dans le sens du poil, mais il ne s’est pas demandé en quoi la contradiction pouvait, devait être acceptée comme un élément dynamique de l’écriture. J’y ai repensé dernièrement en écoutant l’excellente chaîne 3 (francophone) de la radio nationale algérienne. Je me suis interrogé sur la façon que j’aurais de disserter éventuellement sur Meg, en particulier sur sa voix radiophonique  lisse, claire, harmonieuse, singulière. Pourrais-je me limiter à dire que sa voix, c’est du miel ? Non, cette impression liminaire ne me suffirait plus. Je me suis rappelé avoir lu un article élogieux à son égard dans l’hebdomadaire Révolution Africaine (rubrique culture) ; c’était au milieu des années 90. On la présentait comme l’étoile montante de la radio. Et puis d’autres éléments sont venus s’agréger autour de cette évocation. La sublime voix radiophonique ne pouvait se suffire à elle-même. Il fallait en effet aller au-delà pour voir si cela collait avec le reste et inversement. Il y avait une distance vis-à-vis des auditeurs. Un recul difficile à saisir, peut-être tactique, un peu professionnel, en tout cas maîtrisé, donc pas tout à fait naturel. Cela finit par annihiler la fraîcheur, la spontanéité de la prise de parole initiale. En outre, une image s’était incrustée dans ma mémoire, celle d’une brève rencontre, place Kennedy, à El Biar, Alger, en 1986. Ensuite, il y a eu un enchaînement de souvenirs mettant en présence un entourage, des conversations polémiques liées à l’identité, à la culture. C’est cela qui vient à la fois fragiliser les idées originelles suscitées par une voix exceptionnelle, et mettre à nu l’ambivalence des impressions que j’ai pu ressentir au fur et à mesure de la rétrospective à laquelle je me suis livré pour asseoir mon « verdict ». Je ne suis qu’un blogueur et mes contradictions ne prêtent pas à conséquence. Mais un écrivain peut-il se permettre de se contredire ? A partir de quel moment cela nous interpelle t-il ? Dans l’Etranger, Camus écrit: « …J’ai compris alors qu’un homme qui n’aurait vécu qu’un seul jour pouvait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez de souvenirs pour ne pas s’ennuyer ». Dans Le premier homme, il déclare :  « La mémoire des pauvres déjà est moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise. Bien sûr, il y a la mémoire du coeur dont on dit qu’elle est la plus sûre, mais le coeur s’use à la peine et au travail, il oublie plus vite sous le poids des fatigues. Le temps perdu ne se retrouve que chez les riches ». Les deux passages ne sont-ils pas contradictoires, le premier mettant en avant la consistance, la portée des souvenirs de l’homme en général, le second opposant la mémoire des pauvres qui finit par s’effriter avant de disparaître complètement, à celle des riches ?

Lamine Bey Chikhi

2 Réponses à “Un écrivain peut-il se contredire ?”

  1. Kiara dit :

    Un écrivain peut totalement se contredire. Je pense que comme tout à chacun, ils ont le droit de revenir sur des points qui se révèlent à eux bien plus tard, ou de changer tout simplement d’avis, d’opinion, d’apprendre d’autres choses chaque jour.

    Par la même occasion je vous laisse l’adresse de mon blog personnel, où j’y raconte les étapes de ma vie jusqu’à l’émancipation et la liberté. Si vous avez envie d’y jeter un coup d’oeil… je viens de commencer et je n’ai pas de lecteur. http://www.loooner.blogspot.com

    A bientôt j’espère (:

    Kiara

  2. imsat dit :

    D’accord sur ce que vous dites à propos des contradictions de l’écrivain.
    Votre blog est intéressant. Bonne continuation. LB Chikhi

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