Nedjma-6-
Posté par imsat le 29 juillet 2017
Ce que je vais dire aujourd’hui n’apparaîtrait-il pas comme une digression par rapport à mon idée de base ? Je me suis posé la question mais je n’ai pas trouvé d’antinomie dans mon analogie avec Nedjma, projet filmique. De quoi s’agit-il ? Eh bien, ce serait une sorte de parallèle avec l’adaptation cinématographique de Mémoires de la chair, le roman à succès de l’algérienne Ahlam Mosteghanemi, que j’ai suivie attentivement et avec un réel plaisir. Le film a été diffusé par la télévision algérienne sous forme de feuilleton en juillet-août 2010. J’avais lu le roman (traduit en français par Mohamed Mokeddem); je l’ai mieux visualisé et apprécié à travers l’écran. Pourquoi je pense précisément à ce livre et au film qui en a été tiré ? Parce qu’une partie notable du récit, en fait celle ayant trait à des scènes audacieuses, transgressives, a été traitée via de longs monologues intérieurs. On voit les personnages, on les entend parler ou plutôt soliloquer; ce n’est pas inintéressant. La narration prend le dessus sur l’action ou plutôt sur la matérialisation du propos en actions, gestes, attitudes. Le corporel est furtif, évasif, à peine suggéré, évanescent; on l’effleure, on passe à côté; tout ce qu’on ne montre pas, on le dit, la démarche est poétique…Ne serait-on pas tenté, justement pour les mêmes raisons, de procéder ainsi pour Nedjma ? J’avoue que l’approche ne m’a pas déplu en regardant ce film réalisé par le syrien Najdat Ismaïl Anzour. Etait-ce parce que j’avais déjà lu le roman et que j’étais disposé à adhérer automatiquement et sans réserve à son adaptation cinématographique même si elle courait le risque de comporter des imperfections techniques ou bien était-ce parce que je trouvais le texte non seulement attractif mais aussi de nature à s’imposer comme un ersatz quasi idéal de l’image ? En vérité, je me faisais une idée un peu mitigée du réalisateur même si je savais qu’il avait travaillé en étroite collaboration avec l’écrivaine. Il a axé son effort sur la mise en valeur du texte. Je crois que le scénario tout entier a été articulé autour de cet impératif. La prédominance du texte, donc de la langue, procède t-elle d’un souci d’intellectualisation du film ? Dans l’affirmative, a t-on assumé le risque de s’adresser à un certain public, un peu à l’instar de certains films que la chaîne Arte diffuse quelquefois et que je regarde d’ailleurs avec intérêt, qu’ils soient iraniens, turcs, roumains, croates ? Cet élitisme ne me gêne pas; le cinéma, ce n’est pas que du spectacle ou du divertissement, c’est aussi un questionnement…Peut-on justement concilier divertissement et questionnement ou encore considérations commerciales et didactique historique, tradition et modernité ? Comment faire pour ne pas dénaturer le texte de l’auteur, pour le transcrire aussi fidèlement que possible à l’écran ? J’ai aimé Mémoires de la chair mais je crois que le metteur en scène ne pouvait pas faire mieux ni aller plus loin. Le feuilleton a quand même été regardé par 60 à 70 millions de téléspectateurs arabes, en particulier au Moyen Orient où la romancière compte de très nombreux lecteurs. Ce chiffre a été rapporté, sans source précise, par Mostaghenemi elle-même lors de l’émission télévisée Soirées de la ville du 12.12.2011. Il n’en demeure pas moins que la comparaison avec ce que j’appréhende pour Nedjma n’est pas infondée. En d’autres termes, ce n’est pas du tout ce dont je rêve pour son éventuelle adaptation à l’écran…
Lamine Bey Chikhi
Publié dans Non classé | Pas de Commentaire »