Nedjma-3-

Posté par imsat le 16 juillet 2017

« Une première lecture de Nedjma provoque généralement une impatience, une irritation voire une  frustration. On pense lire une histoire et on s’impatiente que le narrateur accumule les suspensions, retarde indéfiniment le récit; tant il est vrai qu’au principe de l’écriture Katébienne se trouve un choix qui bouleverse les habitudes, impose à la durée d’énormes distorsions, utilise le récit en l’inversant » Ce propos de l’universitaire Tunisien Habib Salha résume bien l’opinion consensuelle de ceux qui ont lu Nedjma, pas seulement les connaisseurs mais les gens ordinaires, les profanes; il renvoie à l’absence de linéarité, à la discontinuité, aux flash-backs et zigzags qui marquent le roman, du début à la fin. Ces éléments avec d’autres expliquent, définissent, imposent la complexité de l’histoire. Il me paraît dés lors impossible et d’abord inconcevable qu’une adaptation cinématographique du récit fasse l’impasse sur cette complexité ou en réduise la portée, la signification, la genèse par des artifices techniques, pour ne pas risquer d’ennuyer le spectateur et finalement pour répondre à des exigences de rentabilité commerciale et financière. On ne saurait donc délester un tel projet de ce qui précisément singularise le roman, le style de l’auteur mais aussi l’enchevêtrement maîtrisé des scènes, des personnages, des lieux. Je le dis en songeant aux films qui ont fait l’objet de 2 ou 3 versions (celle du pays d’origine et celle d’autres pays, occidentaux en particulier, à l’instar de Guerre et paix, Anna Karénine, les Misérables…En général, la version américaine des films étrangers est divertissante, captivante mais expéditive car expurgée de nombreux « détails » pourtant importants. La version originale est longue (2 ou 3 parties) mais spectaculaire, fastueuse et je dirais rassasiante. Un film sur Nedjma ne peut être valablement appréhendé que sous le prisme d’une version longue, de nature à en restituer tous les questionnements, toute la beauté, toute la profondeur. J’en parle comme un cinéphile ordinaire, certes, mais en même temps apte à repérer, à déceler assez vite la scène phare ou, au contraire, la déficience majeure d’un film. Il y a l’expérience, le professionnalisme du cinéaste, il y a le travail des critiques de cinéma mais il y a aussi l’observation, le coup d’oeil du cinéphile. Au reste, cette réflexion sur Nedjma transposable au cinéma remonte à la fin des années 70. J’en parlais souvent avec AF, lui aussi grand amateur de cinéma, très attentif au jeu des acteurs mais aussi à la dimension esthétique des films. Est-ce que nous en parlerions aujourd’hui de la même façon ? C’est possible sur un plan général mais je crois que nous y ajouterions un peu de ce que nous avons engrangé comme images durant ces dernières décennies. Nous parlions de Nedjma comme nous le faisions des autres livres que nous avions lus ou que nous lisions à ce moment-là. Nous en discutions en pensant systématiquement à ce que donnerait tel ou tel roman à l’écran. Parfois, nous focalisions sur un personnage. Ce n’était pas le cas quand nous évoquions Nedjma que nous visualisions certes à travers les yeux, les propos, les fantasmes des autres personnages (Lakhdar, Mustapha, Mourad, Rachid) mais aussi par nous-mêmes. Nedjma, roman universel ? indubitablement ! Chacun peut y trouver ce qu’il cherche. Moi, cela me parle notamment parce que, comme le souligne Jacqueline Arnaud spécialiste de l’oeuvre de Kateb Yacine, « La topographie du roman fait référence à l’Algérie de l’Est et au quadrilatère Sétif-Guelma-Constantine-Bône » Cette articulation me conduit à penser que certaines villes, certains lieux apportent une espèce de plus-value aux histoires qu’ils abritent; ils les bonifient. Ces lieux ont une mémoire, une résonance qu’on ne retrouve pas ailleurs, en tout cas pas de la même manière ni avec les mêmes prédispositions psychologiques, culturelles…

Lamine Bey Chikhi

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