Dire la même chose autrement ?
Posté par imsat le 30 janvier 2018
J’avais rédigé le texte en question en 2006. Aujourd’hui, j’en ai la certitude, je l’écrirais différemment; peut-être même ne l’écrirais-je pas du tout parce que bien des choses ont changé, depuis. Et elles ont changé non pas seulement autour de moi mais en moi, je veux dire dans ma perception et ma compréhension de ce qui, à l’époque, m’avait poussé à l’écrire. L’émotion sans précédent que l’événement concerné (le retour du Président après trois semaines d’absence) avait suscité en moi, a quasiment complètement disparu. Certes, l’image est encore un peu là, quelque part dans ma mémoire, je pourrais même la reconstituer à l’identique, la recontextualiser, mais il ne reste pas grand chose de ce qu’elle représentait sentimentalement, symboliquement. A l’époque, je ne voulais même pas envisager d’approcher intellectuellement, froidement l’absence du Président ni ses possibles répercussions collectives, individuelles, personnelles. J’en avais pourtant la capacité; je pouvais expliquer par écrit, arguments à l’appui, comment le pays pouvait évoluer différemment avec un autre Président, sur la base d’une autre politique, une autre gouvernance. A titre personnel, j’étais parfaitement en mesure de me voir, de me projeter sans lui. Pour moi, théoriquement, virtuellement, tout était envisageable, plausible. Je pouvais décliner toutes les options liées à une absence prolongée voire définitive de sa part. Mais je préférais penser à autre chose, je refusais d’en parler. Pour moi, c’était lui pour toujours et personne d’autre ! Quand je dis pour toujours, je veux dire que je ne voulais même pas baliser dans le temps sa présence à la tête du pays. Yabb m’avait demandé en 2014 de lui faire un papier sur les aspects positifs et négatifs d’une éventuelle réélection du Président. Je m’étais appliqué à les traiter de façon égale, objective en m’appuyant sur des arguments généralement considérés comme rationnels voire indiscutables. Mais je m’étais impliqué comme pour un article commandé ou comme l’aurait fait un mercenaire de l’écriture, sans états d’âme, en prenant la distance nécessaire, en évitant de céder à des émotions personnelles. Il fallait parler du Président, pas du personnage ni de sa personnalité, encore moins de son charisme ou de ce que je considérais alors comme son génie politique, son approche visionnaire. Il fallait parler du Président, de son bilan, à travers des statistiques, une évaluation des acquis, mais il me fallait aussi, dans un autre document, tirer sur lui à boulets rouges, démontrer qu’il n’était plus l’homme de la situation… Pour moi, dans les deux cas, ce n’était pas difficile; j’avais déjà vanté ses mérites via mes chroniques hebdomadaires, en particulier à la faveur de son deuxième mandat; mais je l’avais fait parce que je le pensais sincèrement. Je croyais en lui. Pour moi, il était plus que l’homme providentiel. Il avait à voir avec ce qui alimentait ma nostalgie. Il en faisait pleinement partie. D’ailleurs, le rédacteur en chef du journal m’avait fait remarquer que j’avais un peu exagéré en écrivant une quinzaine de papiers favorables au Président-candidat ; il avait émis le souhait de me voir défendre un peu le représentant de l’opposition. Je lui avais répondu que ce dernier ne m’inspirait pas du tout et que d’autres journaux le soutenaient, de toute façon. Aujourd’hui, je dirais les choses différemment mais pas nécessairement en me contredisant ; je les dirais en les connectant davantage à certaines images et peut-être aussi à une réflexion sur le pouvoir au regard de l’absence-présence du Président…
Lamine Bey Chikhi
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