Bribes d’histoire -19-
Posté par imsat le 4 février 2019
Je viens d’achever la lecture de Une planète et quatre ou cinq mondes. Réflexions sur l’histoire contemporaine (Gallimard, 1985), de l’écrivain et poète mexicain Octavio Paz, prix Nobel de littérature en 1990. Je connaissais cet auteur, enfin j’entendais parler de lui mais je ne l’avais jamais lu. J’ai trouvé son essai sur un rayon de la bibliothèque extraordinairement éclectique et cosmopolite de ma soeur Beida, rangé entre Le neveu de Rameau de Diderot et Les damnés de la terre de Frantz Fanon. Il m’a semblé intéressant de livrer un extrait de l’avertissement par lequel Paz introduit en quelque sorte son livre. Je dirai ensuite pourquoi j’ai jugé utile de le partager. En voici la teneur: « J’ai supprimé de nombreuses pages les unes parce qu’elles étaient trop circonstancielles, d’autres parce que des événements ultérieurs les avaient privées de leur raison d’être. De la même façon, j’ai modifié, rectifié et, parfois, amplifié certains passages. Malgré toutes ces retouches et mises au point, je ne me dissimule pas les défauts et les limites de ce travail. Je ne suis pas historien. Ceci n’est pas une théorie mais un témoignage ». Je reprends ce propos complètement à mon compte parce que l’auteur y met humblement en exergue les limites qu’il fixe à son travail face aux exigences et impératifs de l’histoire, de l’écriture de l’histoire. Paz fonde son approche sur la distinction fondamentale et pertinente établie par les historiens français dans l’analyse des processus historiques, entre la « longue durée » et la « courte durée ». Cette démarche me séduit parce qu’elle vaut aussi pour la micro histoire, celle qui, a priori, n’impacte pas le contexte global, n’est fondatrice qu’à une échelle réduite. Elle me tente aussi parce qu’elle peut accompagner, soutenir, favoriser la formalisation d’une histoire familiale. C’est en pensant constamment et parfois confusément à ce distinguo rationnel, universel, consensuel que j’essaie de rendre compte de ce que je sais de l’histoire de ma famille. J’ai d’ailleurs souvent souligné que mon souci premier était d’abord de rapporter, de témoigner, d’être une courroie de transmission tout en émettant ça et là des réflexions, des questionnements susceptibles de constituer des matériaux de type historique. Bien entendu, une telle démarche ne se déploie pas sans arrière-pensées par rapport à ce que l’on pourrait en tirer sur la « longue durée ». En définitive, tout est historique ou plutôt tout est de nature à prendre une dimension historique pour peu que l’on procède à un traitement critique, sincère, inventif voire audacieux des faits exposés.
Lamine Bey Chikhi
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