Bribes d’histoire -28-

Posté par imsat le 29 avril 2019

« Aimer l’Algérie sans les algériens » : J’avais envie de rebondir sur ce sentiment attribué par Rachid Boudjedra à Albert Camus. Même si c’est faux, je pense que sa « décontextualisation » peut susciter diverses lectures. J’ai écrit quelque part que notre vie à Batna était agréable parce que toute la famille y était réunie. Dirais-je la même chose aujourd’hui si j’y résidais toujours ? Bien sûr que non. Cela n’a du reste rien à voir avec la nostalgie, une nostalgie pour ainsi dire révolue. Il y a quelques jours, j’ai croisé un ancien haut cadre de l’Etat; je le connaissais un peu; nous avons parlé du bon vieux temps, à Alger; comme nous sommes à quelques encablures du Ramadhan, il m’a dit qu’il était venu passer le mois sacré en Algérie. Il vit en France depuis une vingtaine d’années. Il m’a également dit qu’il ne concevait pas de passer le Ramadhan ailleurs qu’en Algérie. Ce propos m’a interpellé dans sa possible, son éventuelle transposition à des cas similaires ou comparables. Il y a des algériens qui disent préférer passer le ramadhan là où ils vivent, notamment en France. Mais la plupart ne supporteraient pas de le passer en Algérie, enfin je crois. Ce rapport à l’Algérie est très varié, controversé, polémique, compliqué. Les raisons avancées par les uns et les autres pour expliquer leurs postures sont extrêmement diverses. Il y a évidemment ce qu’ils disent mais il y a aussi (surtout) ce qu’ils taisent. Et c’est précisément la diversité des raisons en question qui a d’ailleurs évolué d’année en année, qui s’est considérablement étoffée, qui rend intéressant ce qu’aurait dit Camus de l’Algérie, à tort ou à raison. Est-ce qu’on ne pourrait pas faire le parallèle avec ce que pensent les algériens eux-mêmes de l’Algérie ? On peut amplifier, conforter, enrichir les interrogations, les supputations. La proximité historique, culturelle, matérielle avec la France a profondément muté ces cinquante dernières années. Le rapport me semble avoir changé surtout côté algérien…ou peut-être est-on plutôt en présence non pas d’un changement mais d’un rattrapage…
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -27-

Posté par imsat le 22 avril 2019

Plein d’idées, d’impressions, de sentiments, de colères, de contrariétés se bousculent dans ma tête et dont une partie notable a émergé dans le sillage du Mouvement populaire en cours. En vérité, je devrais parler davantage d’une reformulation, d’un réajustement des sentiments en question que de leur émergence. Je me demande, par exemple, de but en blanc, brutalement, sans prendre de gants, si les algériens méritent l’Algérie. Mais je m’empresse d’adoucir mon propos. Je crois que chaque algérien est fondé à dire qu’il aime l’Algérie. Il y en a qui disent que chaque algérien aime l’Algérie à sa façon.
Cette relation à la patrie, comme celles impliquant d’autres notions similaires, je l’appréhende dans un contexte historique, une évolution historique.
Si je devais être plus explicite, je dirais que j’aime l’Algérie comme j’ai aimé Batna, dans les années 60. Mais si je devais dire précisément ce que j’aime dans l’Algérie, ce serait compliqué, laborieux, moins aisé à formuler. Ce que je sais avec une quasi certitude, c’est que mes sentiments à cet égard se démarquent de la linéarité et plus globalement de l’ordinaire, des constats communs. Il ne s’agit pas d’une démarcation volontaire, délibérée, mais plutôt d’un processus spontané impliquant activement la mémoire, donc le passé, mais le passé constamment connecté au présent. Rachid Boudjedra dit d’Albert Camus « qu’il aimait l’Algérie sans les algériens ». Je ne sais pas si cette allégation est totalement vraie. Je suis quelque peu dubitatif car, dans Le premier homme, je ne crois pas avoir lu de propos corroborant ce que dit Boudjedra. J’y ai même lu des passages qui plaident pour le contraire. De toute manière, si tel était le sentiment de l’auteur de L’étranger, je ne le partagerais évidemment pas. Mais cela donne à réfléchir, incite à s’interroger : Comment aime t-on l’Algérie ? Qu’est-ce qu’on aime en elle ? L’aime t-on uniquement au présent ou à tous les temps ? Qu’aime t-on dans son histoire ? Comment concilier ce qu’il y a de matériel et d’immatériel en elle ?
Nation, patrie, pays : Je me demande si on est conscient du sens de ces notions, de leur portée, de leur poids. Peut-on aimer l’Algérie et la quitter ? Comment l’aimer de loin ? Peut-on aimer l’Algérie sans aimer les algériens ? Il y a beaucoup à dire en la matière, les questionnements sont inépuisables, de même que les réponses potentielles…
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -26-

Posté par imsat le 20 avril 2019

« Ecrire c’est se souvenir, mais lire c’est aussi se souvenir. Et c’est se comparer » (François Mauriac, Mémoires intérieurs).
Justement, en ce moment, je relis Mémoires intérieurs. C’est, je crois, la troisième ou quatrième fois que je le fais. Tout, dans ce livre, m’intéresse et, parfois même, me subjugue: le style, le sens de la nuance, l’extrême délicatesse des observations, la pertinence des comparaisons…Lorsque je replonge dans cet ouvrage, je ne le fais pas par hasard mais par nécessité, par besoin presque vital, pour mieux comprendre les choses surtout quand j’ai l’impression qu’elles m’échappent. Je le relis donc et je me souviens. Mais de quoi ? Eh bien, je me souviens parfaitement de nombre de bienfaiteurs d’autrefois au sein et en dehors de ma famille. J’ai déjà eu l’occasion d’en évoquer quelques-uns mais j’ai envie d’en parler de nouveau. Je pense à eux en même temps qu’à ceux qui bénéficiaient de leur générosité, de leur bonté. Et ceux-là leur étaient reconnaissants ad vitam aeternam.
Aujourd’hui, sauf quelques rares exceptions, les bienfaiteurs sont voués aux gémonies, carrément ignorés, oubliés, effacés de la mémoire, dénigrés, insultés, diffamés. Et c’est précisément ce que le Mouvement de contestation populaire Hirak nous donne aussi à voir. Dans le chapitre précédent, je me suis posé la question de savoir ce qu’est être Algérien aujourd’hui. En fait, j’avais mal formulé la question. La bonne question est la suivante: Qu’est-ce que, selon moi, devrait être un Algérien aujourd’hui ? Je suis même enclin à être plus précis : Qu’est-ce que, pour moi, l’Algérien idéal ? En réalité, j’y ai abondamment mais implicitement répondu à travers mes commentaires sur twitter depuis le 22 février. Il faudrait que j’en fasse une synthèse le moment venu, inchallah. Mais il faudrait aussi que je relie le tout à l’ensemble de ma réflexion introspective. Au fond, l’Algérien idéal est à la fois derrière-moi (il a bel et bien existé) mais il se niche également dans un processus de rattrapage lui aussi bien réel mais personnel, individuel. La démarche reste à peaufiner, à parfaire. On ne peut pas accélérer là où, au contraire, il faut s’appesantir, prendre le temps. Mauriac écrit : « Simplifier, c’est calomnier » Je suis d’accord avec lui et j’irais au-delà de son propos parce que j’observe dans notre société une simplification systématique dans l’appréciation des faits, des postures, des événements. Au reste, cette approche étriquée, expéditive, vulgaire à laquelle on assiste devient incontrôlable du fait de sa quasi généralisation. Violences verbales, stigmatisation, mensonges, tout cela se conjugue pour donner lieu à une régression particulière qui fait fi de toutes les valeurs morales, y compris les plus élémentaires d’entre-elles. Mauriac cite Maurice Barrès : « L’ignominie humaine est insondable » Nous y voilà ! Eh bien pour moi, l’Algérien idéal ce serait un être affranchi de l’ignominie ! Est-ce une utopie ?
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -25-

Posté par imsat le 15 avril 2019

Qu’est-ce qu’être algérien aujourd’hui ? Je me suis posé la question hier, mais très vite je me suis rendu compte que j’y avais déjà répondu longuement et de façon approfondie à travers les chroniques de ce blog ouvert il y a dix ans.
L’élément nouveau a juste trait au fait que l’actuelle crise politique algérienne corrobore de façon indiscutable mes constats, mes réflexions, mes interrogations antérieurs. Elle me conforte également dans la conviction que j’ai toujours eue quant au lien intime entre un parcours personnel, familial, communautaire, quel qu’il soit, et les éléments qu’on peut en tirer pour une compréhension cohérente d’événements collectifs, régionaux, nationaux. Je n’ai pas cessé de dire à certains de mes proches, en particulier Anis, Beida, Ferid, que je n’avais vraiment pas besoin de me prendre la tête pour saisir la contestation populaire massive en cours en Algérie, et que les clés du décryptage sont à notre niveau, dans notre mémoire individuelle, familiale. Ces clés font corps avec nous, elle sont en nous. Il faut juste faire preuve de sincérité pour en faire usage d’une façon intellectuellement profitable, franche et honnête. Le triptyque Amazighité, Arabité, Islamité est évidemment incontournable dans la décortication des événements actuels. Qu’est-ce qu’être Algérien aujourd’hui ? Moi, j’ai la réponse, ma réponse; je la revendique, je l’assume totalement. Je dois tout de même ajouter, pour me démarquer de ceux, et ils sont probablement la majorité en Algérie, qui banalisent tout, les idées, les innovations, la créativité et finalement aussi la modernité, que ma démarche se veut précisément et délibérément atypique. Oui, le triptyque Amazighité, Arabité, Islamité me va à merveille, mais pas dans sa « version » ordinaire, populiste, hypocrite, instrumentalisée à divers niveaux de la société. Il me convient dans sa quintessence, et cette quintessence renvoie justement aux valeurs morales et éthiques, à une authenticité, une certaine pureté. Cette exigence impose une obligation de moyens et de résultat, pour reprendre une notion fondamentalement juridique. Elle impose de dire les choses non pour faire plaisir ou par convention sociale mais parce qu’on les ressent profondément, parce qu’on les vit au jour le jour, parce qu’elles relèvent aussi de l’intime conviction. Etant entendu que l’intime conviction est censée reposer sur un argumentaire solide, expérimenté, testé et qui a donc fait ses preuves…
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -24-

Posté par imsat le 13 avril 2019

En vérité, je n’ai pas de feeling, pas d’affinités ni d’atomes crochus avec le mouvement populaire Hirak. Je le dis en toute sincérité et je n’ai aucune raison de tricher ou d’aller à l’encontre de mes convictions, de mon intime conviction. Je n’y ai pas adhéré parce que, dès le départ, ce mouvement a mis en avant des slogans nihilistes, un discours stigmatisant violemment, souvent de façon obscène, le système, c’est-à-dire les institutions, la République, la personne du président de la République. On en est même venu à reprocher à Bouteflika sa politique sociale extrêmement généreuse, les quatre millions de logements réalisés et livrés ces vingts dernières années, les recrutements massifs dans la fonction publique, l’électrification quasi totale du pays. On lui reproche tout, y compris les réussites de l’Algérie !!! Et ces diatribes n’émanent pas que de ses détracteurs et adversaires politiques. Elles ne proviennent pas uniquement des revanchards, ceux qui ont exercé sous son autorité et qu’il a dû limoger pour toutes sortes de raisons. Cela se comprendrait aisément. Non, le rejet vient aussi d’une partie notable du peuple, autrement dit de cette population qui a profité à fond et continue de profiter outrageusement du modèle social Bouteflikien. Abstraction faite de toutes considérations subjectives par rapport à la personnalité, au parcours, au bilan de Bouteflika, j’observe que l’actuelle problématique algérienne relance en réalité l’épineuse question des valeurs. Il ne suffit pas de dire qu’il y a une crise des valeurs. Tout le monde le dit mais personne ne reconnait que cette crise affecte chaque algérien non seulement dans son rapport à l’Etat, au régime politique, aux dirigeants du pays mais également dans sa relation à la société, à la famille, à l’histoire. Au demeurant, le Mouvement évoque la rupture avec un système mais il fait l’impasse sur l’histoire. Les jeunes parlent de construire une Algérie 2.0, numérisée, connectée. Mais l’histoire comme processus de compréhension des événements et des crises politiques ne les intéresse pas. L’histoire comme récit introspectif et critique susceptible de servir de levier pour des progrès futurs est le dernier de leurs soucis…Et puis, lorsqu’on les interroge sur les finalités du Mouvement, au-delà du « dégagisme » on se rend compte de la limite de leur stratégie, s’ils en ont une. Je crois même que leurs ambitions sont étriquées ou alors, comme celles de leurs « commanditaires », elles restent opaques parce qu’elles cachent des desseins douteux. Il y a aussi lieu de se demander si les leaders masqués n’ont pas le courage de leurs vraies opinions notamment sur la place de l’Islam en Algérie, la laïcité, la relation Algérie-France, le positionnement de la diaspora algérienne, la refondation de la gouvernance locale et les velléités autonomistes voire indépendantistes de certains pans de la société. Oui, tout cela renvoie à notre perception des valeurs morales et culturelles, et par ricochet à l’apport de l’histoire dans ce décryptage…

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -23-

Posté par imsat le 8 avril 2019

Ma poursuite de Bribes d’histoire marque le pas. Ce n’est pas par manque d’inspiration. Les événements en cours en Algérie depuis l’émergence, le 22 février 2019, d’un mouvement populaire m’absorbent totalement. Je suis en plein dedans ! Pas en marchant avec les manifestants, non, mais en réfléchissant aux tenants et probables aboutissants de cette espèce de tsunami protestataire, comme l’Algérie n’en a jamais connu auparavant. C’est très intéressant du point de vue analytique, donc intellectuel et historique. Il s’est produit une accélération de l’histoire. Le Président Bouteflika a dû démissionner sous la double pression continue du Mouvement et de l’armée. Ce que je ressens de prime abord, c’est comme un engrenage, un tourbillon. L’indifférence est impossible à l’égard des manifestations, des revendications de millions de marcheurs. Certains parlent de 10 millions de manifestants, d’autres de 20 millions! Il est vrai que l’effet de loupe amplifie les chiffres, notamment grâce aux réseaux sociaux.
Je réagis au jour le jour à ces événements en les commentant via mon compte twitter. Mes  réflexions, mes pensées sont certes dictées par l’urgence mais je me rends compte que leur soubassement, leur socle remonte à très loin. En fait, ce que je tenais à dire aujourd’hui, c’est que je pose un regard à la fois serein et dynamique (ce qui ne signifie pas optimiste) sur la crise actuelle. Non pas parce que les manifestations se déroulent dans un calme, une discipline, une « créativité » qui ont impressionné le monde entier, mais parce que la lecture intellectuelle que j’en fais me paraît présenter plus que des connexités avec la réflexion que je développe à propos de l’histoire de ma famille. Dans Les contrebandiers de l’histoire, l’écrivain Rachid Boudjedra évoque brièvement le lien entre l’histoire individuelle, le destin personnel et l’histoire collective. Eh bien, nous y sommes ! Je veux dire que tout renvoie à l’individu, à son milieu, ses origines, sa culture. Le Mouvement populaire Hirak, ce n’est pas du tout un bloc homogène, monolithique, soudé. C’est l’Algérie plurielle qui y est représentée. Le problème, c’est qu’il faudra bien arriver un jour à choisir son camp. Et cela passera par le suffrage universel. Quel lien avec l’histoire de ma famille ou du moins avec le décryptage que je décline depuis nombre d’années ? Je le dirais mais il faudra que je me détache d’abord de la pression actuelle, celle des événements, et de l’absolue nécessité pour moi de réagir à froid avant de dialectiser le processus en cours. Il faudra aussi dire brutalement un certain nombre de choses parce que, justement, ce mouvement semble avoir libéré la parole, et cela se fait dans tous les sens. Il y a de l’euphorie, de l’excès, des illusions, des amalgames, plein de contradictions,  des faux-semblants, beaucoup de non-dits…
Lamine Bey Chikhi

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