Bribes d’histoire -31-
Posté par imsat le 17 juillet 2019
Bribes d’histoire, c’est tout à la fois bribes d’images, de conversations, d’échanges épistolaires, de documents anciens, de photos. Mais à la base de tout, il y a l’inspiration et quand elle vient à manquer, quand elle est entravée, perturbée, parasitée, il n’est pas aisé de faire émerger les fameuses bribes, d’en assurer une formalisation régulière, continue. Aujourd’hui, et ce n’est pas sans lien avec le passé, j’ai envie de rebondir sur ce que j’ai déjà eu à dire à propos du mouvement populaire qui continue de marquer l’actualité algérienne. Eh bien, la contestation me parait plutôt inertielle, statique, à contre-courant de l’inspiration et des motivations culturelles auxquelles je songe. C’est vrai, j’ai dit que ma compréhension de cette « protesta » qui semble s’être installée dans la durée sans pour autant bouleverser fondamentalement la donne politique, ne posait pas problème à partir du moment où je pouvais puiser des éléments de réponse dans l’histoire familiale telle que j’en avais extrait l’essentiel, enfin ce qui comptait vraiment pour moi. Ces derniers jours, je me suis intéressé aux slogans brandis par les manifestants et je me suis demandé pourquoi il n’y en avait aucun à caractère littéraire ou philosophique. J’ai trouvé que c’était une carence dans l’inventivité qui pouvait signifier beaucoup de choses. Certes, on réclame la démocratie, la liberté, le « dégagement du système » mais on ne recourt à aucune citation d’auteur pour enjoliver les revendications, frapper les esprits, inciter à réfléchir, conférer un impact global, planétaire à la contestation, sous des angles de rupture qui traduiraient une démarche fondée sur des idées, des aphorismes, des proverbes. Pourtant, ce ne sont pas les citations sur la liberté, le vivre-ensemble, la révolution, qui manquent. Il y a un vrai déficit dans l’expression, la présentation des mots d’ordre du Hirak; ça manque de punch; ça ne fascine pas, n’accroche pas, n’émerveille pas, n’enchante pas. J’ai tenté une jonction dans ma tête entre l’intérêt que nous autres (ceux de ma génération) accordions à la chose littéraire, aux questions et raisonnements philosophiques, et ce qui prévaut aujourd’hui et qui ne me semble pas attractif, par rapport aux préoccupations liées, entre autres, à la liberté, à la culture. Je me souviens encore de certaines vacances de printemps des années 60 et des conversations philosophiques et littéraires joyeuses et conviviales qu’il y avait entre Naziha, Beida, Faouzi, Fadéla. Il m’en reste des mots, des noms d’auteurs, Sartre, Kant, Balzac, Kateb Yacine, Nietzsche, des images, des sonorités, une résonance et puis cette sensation que j’avais éprouvée très tôt quant à l’importance, la puissance évocatrice de ce que j’entendais autour de moi. Et puis, plus tard, il y eut les classeurs de Madjid dans lesquels il avait pris des notes sur diverses thématiques philosophiques; ils avaient d’abord servi à Beida avant de m’être confiés; je m’en étais d’ailleurs largement inspiré dans mes révisions pour l’épreuve de philo au Bac. J’ai toujours considéré que l’écriture était d’abord une esthétique de la forme; eh bien, je le confirme, et je le redis en pensant précisément à ces classeurs, à l’écriture manuscrite de Madjid; j’étais épaté par le soin avec lequel il les avait tenus, préservés. Mince! je ne vois plus rien de comparable aujourd’hui ! Et en plus, l’évolution des choses ne me parait pas annonciatrice de quelque progrès que ce soit en la matière.
Lamine Bey Chikhi
C’est vraiment pas mal vu . il faut rester optimiste.cette histoire de bribes d’histoires ,quelle belle histoire! et quelle mémoire !continues.salutations.mourad