Bribes d’histoire -35-

Posté par imsat le 24 août 2019

J’entends encore mon père me dire d’un ton ferme : « Regarde devant toi quand tu marches ! » ou encore: « Tiens-toi droit quand tu manges ! » Il m’a sermonné ainsi deux ou trois fois, guère plus. J’entends aussi ma mère me recommander fréquemment mais toujours très diplomatiquement, la prudence, la pondération, la sagesse. Ce n’est pas par hasard que j’en parle aujourd’hui. Non, je le fais parce que les conseils, les mises en garde d’autrefois ont immédiatement et naturellement émergé de ma mémoire lorsque j’ai tenté de trouver des explications normales, sensées, je veux dire des explications relevant de la morale, de la philosophie, de la culture, aux nombreux scandales politico financiers mis à nu par les autorités depuis un peu plus de six mois en Algérie dans un contexte marqué par une forte mobilisation populaire pour le changement. Un intellectuel a évoqué la nécessité de moraliser la société algérienne, condition sine qua non, selon lui, d’une vraie refondation de l’Etat. Je suis d’accord avec lui. Je l’ai écrit sur Twitter. Un intervenant m’a rétorqué que la moralisation ne se décrétait pas; je lui ai répondu que j’approuvais son propos, mais j’ai conclu mon commentaire en citant Camus: « Un homme, ça s’empêche ».
Et cette phrase de l’auteur de l’Etranger m’a paru indissociable des « remontrances » et conseils précités de mon père et de ma mère. Evidemment, j’ai établi la connexité en question après les avoirs actualisés, réinterprétés, passés au peigne fin, sortis de leur contexte originel, celui de l’enfance ou de l’adolescence. En général, les gens se polarisent autour du délit lui-même, rarement sur les causes profondes à l’origine du délit, sur la genèse d’une situation. Personnellement, ce qui m’intéresse c’est d’abord le pourquoi des choses, pas la matérialité des faits….Il y a donc les mises en garde des parents, mais il y a aussi des renvois à d’autres concepts qui me paraissent aujourd’hui tout aussi importants. Quand il m’arrivait de lui demander comment elle pouvait expliquer nombre de situations, de postures, de réactions que je trouvais étranges, curieuses, incompréhensibles au regard de ce que nous considérions comme des conventions sociales, ma mère me disait: « C’est lié au milieu… », elle me disait aussi: « C’est une affaire de savoir-vivre, de siyassa, de hikma… ». Eh bien, elle avait parfaitement raison ! Et c’est d’ailleurs largement à l’aune de ses éclairages que j’ai appris à décrypter tout ce qui, dans les pratiques, les relations sociales, les dérives individuelles, pouvait m’interpeller, me choquer, me sidérer…
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -34-

Posté par imsat le 18 août 2019

Moi, avant de lire Proust, je vivais comme lui, je veux dire dans ma tête. Enfin, je m’en suis rendu compte après l’avoir lu.

Aujourd’hui, quand il m’arrive de boire une limonade, je me remémore immédiatement les sodas de mon enfance.
Le plaisir dure deux ou trois minutes mais il est intense.

Le souvenir et le plaisir sont intimement liés.

J’en ai parlé autour de moi; on m’a mis en garde contre les boissons sucrées; j’ai répondu: « S’il vous plaît, ne me gâchez pas ce rarissime moment de bonheur… »

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -33-

Posté par imsat le 3 août 2019

Pourquoi la question de l’appréciation de la langue française est, pour moi, éminemment subjective, personnelle ? Parce que ses soubassements ne renvoient pas qu’à une histoire nationale. Ils ont aussi une dimension familiale indéniable, consistante elle-même connectée à une histoire plus globale. Beida a été la première enseignante algérienne de français au Lycée Ben Boulaid de Batna dont il faut préciser que c’était un établissement mixte. Elle y a dispensé ses cours au début des années 60, préférant reporter de quelques années l’entame de ses études supérieures, à la demande des responsables du secteur. Elle y donnait également des cours de latin. En classe de cinquième, outre les leçons de grammaire qu’elle nous donnait et divers textes qu’elle nous demandait de résumer, elle nous faisait lire notamment des extraits du Malade imaginaire, de l’Avare et d’autres oeuvres. En interprétant les personnages de Molière, il arrivait aux élèves que nous étions de rire sous cape; c’était nouveau pour nous mais nous étions ravis de goûter ne fut-ce que de façon rudimentaire aux délices du théâtre classique. Un autre souvenir découle de cet épisode, celui de PA, ex camarade de classe à l’école Jules Ferry, qui venait prendre des cours de latin à la maison une fois par semaine, avant de quitter définitivement Batna pour la France. J’avais bien tenté moi aussi de m’intéresser au latin mais j’ai très vite décroché. En rappelant cela, je voulais en profiter pour souligner que Beida a contribué au niveau qui était le sien, c’est-à-dire dans l’enseignement secondaire, à la transition post-indépendance, non seulement à Batna mais également au lycée Frantz Fanon à Alger. Je saisis cette occasion pour indiquer que notre cousine maternelle Fadila professa les mathématiques au lycée de Batna à la même période. Nombre d’anciens élèves du lycée n’ont pas manqué de le rappeler et de leur rendre hommage sur internet. Mais la transition post indépendance, mon oncle Brahim y a, lui aussi, participé en enseignant les mathématiques au CEG de la route de Biskra jusqu’à la fin des années 60. Quant à ma cousine Malika, elle était déjà institutrice à l’école Jules Ferry avant l’indépendance et y a poursuivi sa mission au delà de 1962. La langue française « butin de guerre » était ainsi positivement exploitée au profit du pays. Cette démarche était d’autant plus pertinente qu’elle s’engageait à un moment crucial de l’histoire de l’Algérie, à savoir l’indépendance nationale et, dans son sillage, les nombreux défis à relever, à commencer par l’éducation nationale et la nécessité absolue de pallier le départ des cadres français, en dépit de la rareté des ressources humaines disponibles. Les premiers coopérants français commencèrent à arriver à Batna à partir de 1965-1966. Toutes ces données ont une portée historique fondamentale même si je les restitue modestement et de façon parcellaire. Il est donc évident que je ne pouvais disserter sur mon rapport au français sans évoquer ces réalités qui allaient d’ailleurs consolider progressivement et durablement mon intérêt pour cette langue.

Lamine Bey Chikhi

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