Bribes d’histoire -38-
Posté par imsat le 18 septembre 2019
Je pourrais continuer à évoquer Mà (ma mère) abstraction faite de sa disparition, il y a 9 ans, le 19 septembre 2010. Oui, je le pourrais comme je l’ai d’ailleurs fait abondamment depuis nombre d’années. Mais rappeler en même temps opportunément la date de sa disparition, fait partie du devoir de mémoire.
Il y a les évocations dans lesquelles je la cite nommément car elles la concernent exclusivement. Et il y a tout le reste, tout ce que je dis et qui, en vérité, renvoie en filigrane à Mà. A Soraya, à mon père également plus ou moins fréquemment. A Fayçal aussi. Mais systématiquement, inéluctablement à Mà. Allah yerhamhoum ainsi qu’à tous les autres proches disparus. Mà est donc toujours là, soit directement soit dans l’implicite, entre les lignes, en pointillé. Elle est omniprésente, y compris lorsque ce que j’écris n’a pas grand-chose à voir avec notre vie d’autrefois. Aujourd’hui, je me demande ce qu’elle aurait pensé de la contestation populaire qui agite le pays. En réalité, je devine ses réflexions, ses interrogations probables…Je crois qu’elle aurait été d’accord avec mon propos sur ce mouvement. Je suis à peu près sûr qu’elle m’aurait posé des questions simples, réalistes, logiques: « Que cherchent-ils au juste, ces gens du Hirak ? » ou encore: « Pourquoi manifestent-ils le vendredi, jour de repos mais surtout de prière et de recueillement pour les pratiquants ? » Le bruit des hélicoptères de la police nationale qui survolent le centre d’Alger chaque vendredi et mardi à cause des manifestants l’aurait fortement indisposé. Elle m’aurait aussi dit: « Que Dieu préserve l’Algérie » Elle aurait été préoccupée par l’état de santé de Bouteflika, par le sort de certains de ses proches incarcérés (Ouyahia, Sellal…) Elle aurait évoqué Louisa Hanoune, elle aussi placée en détention provisoire. Je pense qu’elle aurait été choquée, sidérée, comme moi, par ce qui est arrivé aux personnalités en question, par la fulgurance de certaines situations, l’accélération de l’histoire, ainsi que par les causes à l’origine des dérives du « système ». Oui, elle aurait adhéré à ma vision des choses car elle avait le sens, la mesure des choses. Je lui aurais rendu compte quotidiennement de l’évolution de cette nouvelle crise algérienne. Sa question récurrente aurait été: « Oui, mais que veulent-ils alors, ces gens, puisqu’ils refusent de dialoguer avec le pouvoir, rejettent toutes ses propositions et ne veulent pas aller aux élections présidentielles? » Je crois aussi qu’elle aurait abondé dans mon sens si je lui avais dit que Bouteflika a été trahi par tout le monde ou presque, pas seulement par sa garde rapprochée, mais par la majorité des algériens…je lui aurais expliqué par petites touches, elle aurait compris, nous serions même tombés d’accord sur les connexions de la crise algérienne avec l’histoire telle que nous en avons toujours parlé…
Lamine Bey Chikhi
Laisser un commentaire