Bribes d’histoire -39-
Posté par imsat le 6 octobre 2019
Au début des années 50, notre oncle paternel Abdelaziz a notamment été pion dans un lycée parisien alors fréquenté par Jean Paul Belmondo. Cette séquence qui nous avait été vaguement rapportée quand nous étions adolescents était passée plutôt inaperçue, comme du reste nombre d’autres histoires individuelles par rapport auxquelles il nous a fallu prendre de la distance pour en saisir la singularité, l’intérêt, la portée. Beida se souvient de la photo qu’Abdelaziz leur avait exhibée, le montrant précisément dans un lycée avec le groupe d’élèves qu’il surveillait. A la faveur de cette évocation, il racontait que lorsqu’il se présentait à ses interlocuteurs, il leur disait: « Je suis Chikhi De Batna… » Le « De » était mis en avant par ses soins comme une particule nobiliaire, un élément de rattachement à l’aristocratie. C’était sans doute une plaisanterie de sa part, mais qui pouvait néanmoins faire mouche dans les milieux mondains ou simplement dans un système relationnel ordinaire. Une plaisanterie sans doute mais que je ne trouve pas tout à fait déconnectée des réalités ni sans quelque fondement. Je veux dire par là que l’on peut invoquer ou revendiquer un titre de noblesse ou ce qui pourrait s’y apparenter à partir du moment où la famille à laquelle on appartient dispose d’une assise patrimoniale, financière conséquente, d’un parcours historique, d’une influence sociale. C’était bien encore le cas de notre famille à l’époque considérée. Cette anecdote concernant Abdelaziz, je crois bien en avoir extrapolé des éléments pour justifier que l’on puisse en effet se sentir appartenir à un groupe social spécifique, minoritaire, économiquement privilégié à un moment de l’histoire, mais pas seulement. Je pense ainsi à l’aristocratie au sens large, celle qui englobe les élites, mais aussi des notables ou des riches, une sorte de nomenklatura. Pendant longtemps, cette dimension de notre famille a été considérée comme une quasi évidence sur laquelle il n’y avait pas lieu de s’appesantir. Avec le recul, j’ai trouvé que cette « marginalisation », cette mise en sourdine n’était pas justifiée et qu’il fallait au contraire en parler, en approfondir l’exploration. J’ignore si Abdelaziz se présentait à ses interlocuteurs comme il le faisait en songeant à la place singulière, importante et digne d’intérêt de notre famille, historiquement parlant. Peut-être y pensait-il d’une façon ou d’une autre.
Lamine Bey Chikhi
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