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Bribes d’histoire -43-

Posté par imsat le 26 novembre 2019

Je lui ai dit: « On se reverra quand il fera beau et on évoquera d’autres souvenirs » Il m’a répondu sur le ton de la plaisanterie: « On évoquera ou on révoquera… » Cette idée de révocation m’a immédiatement plu parce que je l’ai trouvée originale, singulière. Dans mon esprit, cette notion n’avait de lien qu’avec l’administration, le droit, le travail, le licenciement, le congédiement, l’annulation, les fonctionnaires. Je l’entendais ainsi pour la première fois suggérer quelque chose qui n’avait rien à voir avec le sens originel du mot ni avec les domaines, les thématiques auxquels elle s’applique en premier.
Révoquer des souvenirs, est-ce possible ? Oui, mais je ne l’ai jamais conçu ni admis. Révoquer en l’espèce signifierait-il renvoyer encore plus loin dans le passé ? Cela pourrait aussi vouloir dire effacer, zapper, occulter, marginaliser, néantiser, faire l’impasse, en prendre connaissance sans s’y attarder, rejeter d’un revers de la main…ou encore carrément ne pas du tout regarder derrière-soi. Ce serait rester sur l’instant présent, l’oeil rivé sur les perspectives. Mais alors, comment s’enraciner dans une histoire ? comment retrouver des moments de vie, des traces de vie ? Comment assumer un devoir de mémoire ? Comment tout simplement transmettre si l’on révoque les souvenirs comme me l’a suggéré Madjid ? Quand j’évoque des séquences du passé, je le fais certes pour moi, parce que cela me ravit, parce que j’en ai besoin mais aussi et peut-être surtout pour ceux qui ne sont plus parmi nous. Ce n’est pas seulement une façon de leur dire que je ne les l’oublie pas mais pour leur signifier que ce qu’ils ont entrepris, réalisé, laissé n’a pas été vain. Je le fais aussi pour les vivants mais j’avoue que je pense d’abord et essentiellement aux disparus, à tout ce qu’ils ont bâti et à ce qu’ils auraient voulu, aimé, souhaité faire, communiquer mais que, pour diverses raisons, ils n’ont pas concrétisé. Il ne s’agit pas seulement de choses matérielles mais de paroles, de recommandations, de préconisations, d’écrits, de rêves. Révoquer des souvenirs ? A ce jour, c’est  bien tout le contraire que j’ai fait et j’en suis satisfait. Mais je serais curieux d’en parler avec Madjid pour savoir exactement ce que cela pourrait signifier pour lui. Si cela voudrait dire se délester de l’inutile, du superflu, de ce qui ne sert à rien, je le comprendrais d’autant plus facilement que c’est ce que disent la plupart des gens fâchés avec la nostalgie, mais je n’y adhérerais pas parce que, dans les images du passé, tout est important ou en tout cas digne d’intérêt.
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -42-

Posté par imsat le 12 novembre 2019

« Contrairement à ce qu’on croit souvent, il est périlleux d’écrire l’histoire d’une époque dont on n’est pas encore sorti. C’est une règle pour l’ethnologue et c’en devrait être aussi pour l’historien que l’objet d’une étude est d’autant plus compréhensible qu’il est plus éloigné de nous » (Jean-Marie Domenach, Approches de la modernité, 1986). J’ai immédiatement pensé à cette phrase en prenant connaissance du propos de Mohammed Harbi sur le Hirak qu’il considère comme « une réaction contre la dépossession et l’oppression ». Confrontée à la pertinente recommandation de JM Domenach qui cible explicitement et exclusivement l’ethnologue et l’historien, l’appréciation de Harbi me semble hâtive, expéditive. Ce qu’il dit serait compréhensible venant d’un journaliste dont le travail est de rendre compte de l’actualité, de relater dans l’urgence les faits qu’il observe, et, dans certains cas, d’émettre un commentaire, des impressions. La réaction sommaire est aussi compréhensible lorsqu’elle provient d’un citoyen lambda. Mais là, on a affaire à un historien consacré doublé d’un acteur du mouvement national. Harbi n’est d’ailleurs pas le seul universitaire algérien à décrypter à chaud le mouvement populaire. J’ai dû voir défiler des dizaines de politologues, sociologues, historiens algériens sur des plateaux de télévision (France 24, TV5Monde, CNews…): leur discours consensuel, unanimiste, étriqué est sidérant. Son contenu rejoint la déclaration faite par Harbi à l’occasion du 65ème anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale. Rien en définitive ne semble distinguer ces universitaires des algériens ordinaires à qui on pourrait pardonner des opinions tendancieuses, erronées parce qu’ils réagissent à chaud et avec les mêmes pré-supposés par rapport à la nature du pouvoir algérien. La pierre d’achoppement des analyses faites dans la précipitation, s’agissant de l’Algérie, semble être systématiquement connectée à la notion de pouvoir, à l’image que le pouvoir renvoie. Dans l’esprit de la plupart des intellectuels algériens, le pouvoir ou le système ne représente rien de positif; il ne peut qu’être critiqué, dénoncé, stigmatisé, vilipendé. Harbi est précisément dans cette posture. Il est dans le déni d’une certaine histoire, celle des acquis engrangés depuis l’indépendance dans de très nombreux domaines. l’Algérie est bel et bien indépendante, et les algériens aussi ! Les algériens circulent, voyagent librement, étudient, travaillent, investissent, font du sport, construisent… La presse algérienne est l’une des plus libres du monde arabo africain. Je pourrais conforter mon propos par moult autres arguments mais je ne le ferais pas parce qu’ils sont connus de tous les algériens de bonne foi. En réalité, les acquis dont il s’agit sont le fruit du labeur de générations entières de cadres qui se sont engagés, investis sans complexes ni idées préconçues dans la bataille de l’édification du pays. Ces cadres, ces travailleurs se sont donnés pleinement pour donner un sens, une tangibilité à la souveraineté, à l’indépendance de l’Algérie. Harbi occulte tout cela, préférant, comme souvent, se pencher sur les révolutions de palais et autres luttes intestines qui ont marqué la guerre de libération et la gouvernance post indépendance. Quoi qu’il en soit, sur le Hirak, son diagnostic n’est pas du tout à la hauteur de ce qu’on pouvait espérer de lui. Harbi est dans des affirmations à brûle-pourpoint, ex cathedra; il ne s’interroge pas, ne se questionne pas, passe carrément à côté de la complexité du Hirak, de ses soubassements et ramifications, de ses zones d’ombre, et des multiples interrogations qu’il soulève pourtant dans la société. Son regard n’est pas un regard objectif, distancié, nuancé. En ce sens, il n’apporte rien de constructif au débat…

Lamine Bey Chikhi

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