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Bribes d’histoire -46-

Posté par imsat le 29 décembre 2019

Lundi 23 décembre 2019, 11 h. On frappe à la porte. C’est Anis. « Tu n’as pas entendu ? » me dit-il. Je pense immédiatement à une mauvaise nouvelle. Et c’est à Bouteflika que je songe d’abord. Je me préparais depuis longtemps, cinq ans ou plus, à quelque chose qui ressemblerait à son éloignement définitif de la vie politique, à sa disparition tout en sachant que cela relevait de la volonté divine. « …Gaid Salah est mort » poursuit Anis. J’ai subitement l’impression que le ciel me tombe sur la tête. Je suis bouleversé, en colère, contrarié, triste. Je me rappelle très vite avoir eu deux semaines auparavant une sorte de pressentiment ou plutôt une appréhension sur les capacités physiques de Gaid Salah à aller au bout de sa mission historique. Dix mois durant, il s’était investi corps et âme dans la gestion de la crise politique et, au-delà, dans la direction du pays. J’en avais parlé autour de moi à plusieurs reprises depuis le déclenchement de la contestation populaire le 22 février. Je suis sorti de chez moi vers 14h. Je regardais les gens avec aversion à cause de leur indifférence apparente. Morosité, ciel couvert, temps maussade, incertain. J’avais le sentiment d’être le seul à prendre la mesure de l’événement. Morosité donc mais aussi sensation d’oppression. Sur twitter, j’ai écrit: « Gaid Salah est décédé. Allah yerahmou. Paix à son âme ». Sur un autre tweet, j’ai dit : « Il a pleinement assumé ses responsabilités au regard de l’histoire. Les algériens patriotes lui en sont reconnaissants » Dans la soirée, j’ai tenté de théoriser l’événement. Je me suis retrouvé à comparer ce que j’ai ressenti à l’annonce de la mort de Gaid Salah avec le sentiment que j’avais éprouvé lors de situations similaires. J’ai pensé successivement à la disparition, en 1972, du cousin maternel de ma mère, CA, personnalité importante du régime entre 1965 et 1971, à celles de Boumediene en 1978, de Boudiaf en 1993. J’essayais, à travers ce parallèle, de sortir de l’émotionnel, du ressenti immédiat pour comprendre à la fois la singularité de ma réaction et, par ricochet, celle de la disparition de Gaid Salah. Dans ma tête, des mots se télescopent: hasard, histoire, mektoub, courage, détermination, pressions socio politiques. Mais oui, ce que j’ai ressenti était particulier, inhabituel. Tout s’explique: J’ai cohabité à distance, intellectuellement, politiquement, stratégiquement avec lui durant 10 mois. J’anticipais ses déclarations (au moins une par semaine, parfois deux ). Ce que j’écrivais sur les réseaux sociaux quasiment au jour le jour, je le retrouvais dans les déclarations en question et je le diffusais sur le Web. C’était magique ! Je n’étais pas dans la fiction ou l’imagination. Non, j’étais bel et bien dans le réel. La convergence était totale entre ce que je pensais, ce que j’actais par écrit, ce que je souhaitais entendre du chef d’Etat-major de l’armée et ce qu’il allait effectivement dire et faire. Ses déplacements étaient annoncés via les médias et, par conséquent aussi, les déclarations qu’il allait faire. Leur programmation était conforme à mes attentes. J’observais, je scrutais, je décryptais l’évolution de la situation au jour le jour. Je commentais les faits, je défendais bec et ongles l’ANP, son Etat-major, sa feuille de route, son chef, ses discours, ses mises en garde, ses coups de gueule et ses mises au point. Et chaque fois que je postais un commentaire, un texte, des préconisations sur le Web, j’émettais en mon for intérieur le souhait qu’il en tienne compte, et c’est exactement ce qui se passait en permanence ! A aucun moment, je n’ai cessé de faire confiance à Gaid Salah, à l’Etat-major. J’étais, comme eux, optimiste, déterminé, pragmatique, combatif. Je craignais quand même qu’il ait des ennuis de santé. je l’ai dit autour de moi. J’ai émis une ou deux fois en moi-même le voeu qu’il puisse aller jusqu’au bout de sa mission. Fluctuat nec mergitur (« Il est battu par les flots, mais ne sombre pas »). C’est cette locution qui me vient à l’esprit lorsque je pense à lui, à son travail colossal, courageux, déterminant, audacieux au service de l’Algérie…

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -45-

Posté par imsat le 18 décembre 2019

Je ne tire aucune fierté de mon diagnostic de la situation ni de mes prédictions. Après tout, j’aurais pu me tromper, mal apprécier ce qui allait se jouer en rapport avec le mouvement de contestation populaire, céder au chant de sirènes, lâcher la proie pour l’ombre…mais l’évolution des conjonctures a fini assez rapidement par me conforter dans ma vision initiale. « Seuls ceux qui ont la mémoire longue ont la capacité de penser l’avenir » J’ai pris connaissance de cette citation de Nietzsche il y a à peine un mois. J’ai d’abord pensé à Proust, à sa recherche du temps perdu. Justement, la Recherche du temps perdu est-elle une forme d’anticipation de l’avenir ? Pour moi, oui, indiscutablement. La mémoire longue, les souvenirs, les conversations familiales d’autrefois, ce que nous observions chez nos aînés, leurs conseils et recommandations, tout cela nous a aidés à forger graduellement une pensée critique et à asseoir des projections qui débordent le champ de la nostalgie, les images d’Epinal, pour constituer un ensemble de leviers capables d’investir le champ de la prospective. Si on est sincère, intègre, pondéré, de bonne foi, lucide, cartésien, alors, oui, on peut parvenir à séparer le bon grain de l’ivraie avant les autres et au bon moment.
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -44-

Posté par imsat le 15 décembre 2019

Qu’ai-je envie de dire aujourd’hui à brûle pourpoint ? Plein de choses en rapport avec l’Algérie. Et d’abord avec l’élection présidentielle du 12 décembre. Elle s’est tenue dans un contexte difficile du fait des appels au boycott lancés par le Hirak. Mais elle a eu lieu. Qui a voté ? Les algériens patriotes. l’Algérie patriotique a voté et elle a gagné ! Naturellement, j’ai voté. Je m’en serais terriblement voulu si je ne l’avais pas fait. J’ai voté non pas seulement parce que c’est un droit constitutionnel mais parce que c’est un droit civique et moral. Je l’ai écrit sur twitter: ma perception du vote repose sur des considérations qui renvoient à la patrie, à la nation, à l’Etat à l’histoire, l’histoire avec un grand H et l’autre, celle de ma famille. Vivants, mon père et ma mère auraient-ils voté le 12 décembre ? Je pense que oui, et ce, pour un tas de raisons, parmi lesquelles, sans doute, celles relevant du bon sens, de la sagesse, bref toutes ces raisons qui convergent pour signifier l’exact contraire de la violence, verbale ou autre, de l’entêtement bête et méchant, de l’intransigeance, du dogmatisme, du nihilisme. Oui, mes parents auraient voté. Pour quel candidat ? Je l’ignore. Mais ils auraient voté parce que, chez nous, on a toujours respecté le cadre normatif de la société, on a toujours donné de la considération à l’Etat, à l’histoire, au travail, à l’ordre public, à la culture. C’est d’ailleurs aussi pour ces raisons que j’ai voté. Ce sont ces éléments d’appréciation qui m’ont permis de théoriser puis de « prophétiser » ce qui allait arriver, à savoir l’essoufflement puis l’impasse du Hirak, sa dénaturation, son instrumentalisation, son échec. Je l’ai écrit ici même mais autrement. J’avais également prédit le succès du pilotage par la haute hiérarchie militaire de cette phase sensible que l’Algérie allait traverser. De même que j’avais intégré dans ma perception des choses, le rôle majeur et le leadership du Chef d’Etat-major de l’armée, Gaid Salah dans la gestion de la crise. En vérité, tout cela, je l’avais « vu » six mois avant l’avènement du Hirak. Les signes avant-coureurs du mouvement de contestation et de ce qui allait advenir dans son sillage, je les avais perçus puis décodés aussitôt après les conversations que j’ai eues avec NC et MK en Août 2019, puis avec BC et ZA en septembre. Très vite, j’ai formalisé par écrit les éléments d’une prospective par rapport à la contestation qui se préparait et surtout à ce qui allait constituer la réponse stratégique, politique et sécuritaire de l’Etat-major de l’armée et plus globalement du système…

Lamine Bey Chikhi

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