Bribes d’histoire -50-
Posté par imsat le 26 février 2020
J’avais envisagé de plancher sur les documents relatifs au jugement rendu en faveur de mon père suite au litige qui l’opposa à Gilles dans les années 40 au sujet de la vente d’un lot de terrain. Je ne pensais pas spécialement ni uniquement à la dimension juridique et judiciaire du dossier. Je songeais à tout le reste, je veux dire à tout ce qui pouvait renvoyer au contexte général de l’époque. Je ne l’ai pas encore fait mais je continue de penser que je pourrais extraire de la volumineuse documentation, des éléments socio culturels et politiques. Avec le recul, le volet historique du document prend une importance particulière. L’idée d’un décryptage tous azimuts ne me laisse pas indifférent. Ce que j’en pensais il y a une dizaine d’années alors que je l’avais à peine survolé continue de retenir mon attention. Ma pensée initiale était associée à une image montrant mon père engagé dans une procédure, sereinement, prêt à en assumer toutes les conséquences (après-tout, il pouvait perdre le procès), déployant rationnellement ses moyens, sa stratégie face à quelqu’un qui devait lui aussi disposer des arguments nécessaires pour lui tenir la dragée haute. Aujourd’hui, en général, on hésite à aller en justice. Je ne peux pas ne pas comparer même si les conjonctures sont différentes. Mon père a eu le courage, la volonté de répliquer judiciairement à son adversaire dans un contexte historique a priori dissuasif. Il l’a fait pour ne pas renoncer à ses droits. L’intérêt juridique du dossier est indéniable, je ne saurais l’occulter, mais je reste partagé entre ce volet technique, objectif et les aspects subjectifs, ceux mettant mon père en scène. Quand je dis mon père, je pense à sa psychologie, à son état d’esprit avant, pendant et après le procès. En arrière-plan, j’essayais, j’essaie encore d’imaginer tout ce qu’il y avait autour, c’est-à-dire la société, la famille, les relations sociales, la vie professionnelle. J’ai l’impression d’avoir trop tergiversé par rapport à ce que je souhaitais faire mais je pensais qu’il fallait d’abord ne pas oublier et voir comment traiter ce à quoi je voulais parvenir. J’étais aussi attiré par ce qui pouvait ressortir du dossier en termes littéraires et philosophiques. Il m’arrive de me dire que le simple fait d’y penser de façon plus ou moins récurrente est suffisant. Et c’est vrai que dans ma tête, les éléments sont déjà en place, presque scénarisés; ce sont des images qui défilent devant moi dans le désordre; parfois ce sont des sentiments qui émergent; oui, c’est racontable, oui ce serait bien d’engager la formalisation; encore faut-il que je prenne le temps de compulser le dossier…
Lamine Bey Chikhi
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