Bribes d’histoire -54-

Posté par imsat le 31 mars 2021

Près d’un million d’Algériens ont quitté l’Algérie pour la France à la fin de la guerre de libération nationale.
C’est une statistique du ministère de l’Intérieur français rapportée par Benjamin Stora. En fait l’historien a exhibé cette donnée à maintes reprises dans des entretiens accordés à divers médias dans le sillage du rapport sur les « questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » qu’il a remis au Président Emmanuel Macron le 21 février 2021.
L’historien avait d’abord déclaré;  « Ce qu’on ne sait pas, des algériens (près d’un million) quittent aussi leur pays à la fin de la guerre »  Il l’a fait de façon insistante et récurrente alors même qu’aucune question ne lui avait été posée à ce sujet. Et à chaque fois, il précisait que cette séquence historique était méconnue.
J’ai très vite relevé que ce propos était susceptible de prêter à confusion.  La présentation faite par Stora signifiait qu’il y a eu un départ massif d’algériens, quasiment comparable à celui des pieds noirs par le nombre, la simultanéité et la précipitation.
Je ne pouvais pas rester indifférent face à cette apparente « convergence » qui pouvait laisser place à une interprétation erronée et abusive d’une phase importante de l’histoire de l’Algérie.
J’ai donc questionné Stora via twitter en date du 2 mars 2021.
Voici sa réponse: « Ce sont les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur français sur le nombre d’Algériens établis en France dix ans après l’indépendance de l’Algérie (donc avec nationalité algérienne), en 1972. »
Le ministère de l’Intérieur français est évidemment plus précis. Il s’agit de départs étalés dans le temps, de 1962 à 1972. Cela n’a rien à voir avec le propos initial de l’historien.
Cela dit, même échelonné sur 10 ans, le nombre d’Algériens qui ont choisi de quitter l’Algérie pour la France reste significatif, en tout cas digne d’intérêt, quel que soit le mode de répartition qui l’a caractérisé.
Cette migration qui a eu lieu à un moment particulier pour l’Algérie m’intéresse à plus d’un titre. Il ne s’agit pas de la traiter de façon expéditive comme on serait tenté de le faire et comme le font la plupart de ceux qui évoquent le thème de l’émigration des trente dernières années.
Les raisons généralement avancées pour expliquer et justifier ces flux migratoires sont presque toutes liées à des considérations matérielles, environnementales, culturelles, politiques. Tantôt on fonde l’argumentaire en survolant ces éléments, tantôt implicitement, entre les lignes, parce qu’on ne veut pas dire les choses ouvertement. Et puis on décide de clore la conversation.
Je crois, pour ma part, que c’est plus complexe que cela, et parce que c’est plus complexe, on préfère s’en tenir à des explications simplistes, élémentaires.
Si l’on fait l’effort d’appréhender cette problématique en soulevant toutes les questions objectives qui lui sont liées, on pourrait sans doute éclaircir bien des points aux plans historique, sociopolitique et culturel.
On a affaire à une statistique relative à un fait historique lui-même généré par une guerre (la guerre d’Algérie) dont l’exposé et le décryptage sont indissociables de l’histoire globale de la colonisation de l’Algérie.
Comment traiter correctement ces corrélations fondamentales ?
« Le bon usage des méthodes statistiques oriente la réflexion vers le problème de l’articulation entre les deux lectures, prolongement de l’articulation entre la problématique historique et la procédure statistique. Il s’agit de rendre complémentaires les deux discours quantitatifs et historiques, le fait statistique et le fait historique « stylisé ».
Je partage cette pertinente recommandation de l’économiste et chercheur Jean-Yves Grenier. Je la trouve positivement exigeante et cohérente du point de vue de la méthodologie.
En effet, il ne s’agit pas seulement d’avancer des chiffres même parfaitement documentés, mais de se donner les moyens intellectuels d’en faire l’interprétation la plus exhaustive possible. La méthode est scientifique ou ne l’est pas. En l’occurrence, c’est l’analyse statistique qui vient conforter le caractère scientifique de la démarche historienne. Et c’est précisément sous cet angle qu’il convient d’apprécier la thématique relative aux algériens qui ont quitté le pays après l’indépendance.
Lamine Bey Chikhi

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